Les mardis à Montreuil, c’est le jour de l’ambiançage
Mardi 25 janvier, les stars de la « world music » Amadou et Mariam ont fait danser et chanter 4 écoles de la ville de Montreuil. Ce projet, qui s’inscrit dans le cadre de l’action pédagogique La Cité des Marmots, développé par l’association Villes des Musiques du Monde, vise à ouvrir au monde jusqu’à 900 enfants de tout le territoire de Plaine Commune et débouchera sur un grand concert au parc Montreau, le 25 juin prochain.
« Et celle-là, vous la connaissez ? » Guitare et voix chaloupées, Amadou et Mariam esquissent les premières notes des Dimanches à Bamako. Aussitôt, 120 enfants réunis dans le cinéma Le Méliès à Montreuil complètent en choeur : « … c’est le jour de mariiiage ! » On n’est pas sur le tournage de « Twist à Bamako », le dernier film de Guédiguian, mais à la Cité des Marmots.
Cette action éducative, lancée il y a 14 ans par l’association Villes des Musiques du Monde, basée à Aubervilliers, invite chaque année un artiste aux influences métissées pour initier les écoles de 8 villes de Seine-Saint-Denis (les villes de la communauté de communes Plaine Commune) à un voyage musical et culturel. Cette année, ce sont les Maliens Amadou et Mariam qui ont repris le flambeau des mains des frères Mouss et Hakim (ex-Zebda) pour ouvrir l’horizon des marmots.
Durant le semestre d’école restant, quelque 900 élèves de Seine-Saint-Denis, auxquels s’ajoute une classe de l’Institut National des Jeunes Aveugles de Paris, vont apprendre les paroles de quelques-unes des chansons les plus célèbres du couple, l’occasion pour eux aussi de voyager en pensée sur un marché de Bamako, de retenir qu’on ne parle pas que français au Mali, voire de goûter à un bon saka saka. Le tout culminera avec plusieurs concerts de restitution, en présence d’Amadou et Mariam : au Point Fort d’Aubervilliers les 13 et 14 juin prochain et le 25 juin, à la fête de la ville de Montreuil.
Pour l’heure, ce mardi marquait la première rencontre entre le couple et leurs nouveaux élèves. Et ces derniers avaient sacrément bossé leurs questions. « Vous souvenez-vous de votre premier concert ? », veut savoir Bineta. « Comment faites-vous pour jouer de la musique en étant aveugles ? », leur demande Noé. Et ce petit curieux de Marc : « Comment êtes-vous tombés amoureux ? »
Avec beaucoup de douceur et de pédagogie, le couple revient sur son parcours de plus de 50 ans de musique : l’apprentissage du chant pour Mariam, à côté de la radio de son père à 6 ans ; le djembé dans un village du Mali pour Amadou dès l’âge de 2 ans (waouh ! dans l’assistance). Le premier concert à 14 ans pour Amadou avec l’Orchestre national B, à 16 ans pour Mariam, « par coïncidence dans la même salle des anciens combattants de Bamako ». Et leur rencontre - oui Marc on y vient - à l’Institut national des jeunes aveugles du Mali où Mariam, la soliste, attendait avec un poil d’impatience un guitariste pour répéter. « Bon ben le guitariste, c’était moi. Les gens nous ont trouvés en harmonie... et nous aussi. Alors on a fait le mariage », raconte avec pudeur Amadou.
Idéal pour enchaîner sur « Je pense à toi ». « Bofou Safou » et « Sabali », deux titres en bambara, font aussi partie du répertoire qu’ont commencé à apprendre les enfants. « Bofou Safou, ça veut dire « paresseux » et Sabali, ça veut dire « Arrête » en bambara, c’est une chanson sur la patience. Je le sais parce que je parle aussi le bambara à la maison, dit fièrement Hawa, 10 ans, élève de l’école Jules-Ferry interviewée après le concert. La Cité des marmots, c’est aussi ça : valoriser des enfants qui n’ont souvent pas conscience que leur double ou triple culture est une richesse. « C’est formidable ça, que certains enfants se fassent les interprètes pour leurs copains. Et aussi que des enfants français chantent en bambara : c’est une transmission, ça veut dire que la musique est universelle... », se réjouissent après coup Amadou et Mariam. Le couple a beau avoir joué avec de sacres pointures, Damon Albarn, Manu Chao ou encore Mathieu Chedid, avoir raflé deux victoires de la musique en 2005 et 2013, on les sent toujours ravis d’être au milieu d’enfants, « le meilleur des publics ».
Dernière dimension intéressante du projet : la participation d’une classe de 6e de l’Institut National des jeunes aveugles de Paris. « Ça nous tenait à coeur d’avoir aussi des élèves mal-voyants dans le projet car nous-mêmes avons fait l’INJA au Mali. On pourra ainsi leur transmettre de l’espoir et leur expliquer, étant aveugles, tout ce qu’on peut faire dans la vie », renchérit la couple à la ville et à la scène.
Pendant que la mini-conférence de presse prenait fin sur une dernière reprise des Dimanches à Bamako, on se disait que le concert final du 25 juin serait assurément une réussite. Refrain et couplets, les petits Montreuillois connaissaient déjà tout sur le bout des doigts. Tout sauf des Bofou Safou !
Christophe Lehousse
Photos : ©Bruno Lévy
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