Charles-Antoine Kouakou à toute allure vers 2024
Champion du monde sur 200 mètres lors des Mondiaux de sport adapté en mai, le sprinter vise maintenant les Jeux paralympiques de Tokyo en 2020. Avant pourquoi pas le Stade de France en 2024, non loin de Drancy où il vit et du Parc Georges-Valbon où il s’entraîne. Portrait.
Dans le hall de l’Institut Médico-Educatif (IME) Ladoucette à Drancy, Charles-Antoine Kouakou nous attend patiemment, maillot aux couleurs du club de foot londonien de Chelsea sur les épaules, pour nous raconter un peu de son histoire. Celle d’un jeune homme de bientôt 19 ans au plus haut niveau international dans l’univers du sport adapté où évoluent les personnes en situation de handicap mental ou psychique. Évidemment, son handicap mental – aux franges de l’autisme- n’en fait pas un grand bavard mais il sait aller droit au but comme sur la piste. Pour revenir sur ses médailles d’or et d’argent décrochées sur les 200 (22’’25) et 400 mètres (49’’35) du Mondial d’athlétisme de sport adapté disputé à Bangkok (Thaïlande) en mai dernier, il dit donc dans un mélange de timidité et de fierté : « Je m’attendais à gagner, j’étais en grande forme… » comme cet hiver à Prague où il a aussi remporté les titres européens en salle sur 60 et 200 mètres, toujours dans les rangs du sport adapté.
Depuis qu’il a intégré l’IME de Ladoucette en 2010, cette « grande forme » est d’ailleurs sa marque de fabrique. « Dès qu’on joue au foot dans le parc de l’IME, il met tous les défenseurs dans le vent », sourit Alain Romary, l’éducateur spécialisé qui suit son parcours à Drancy.
Le Parc Georges-Valbon comme terrain de jeu
Alors, forcément sa pointe de vitesse a vite tapé dans l’œil d’Emmanuelle Mougel, son enseignante en activité physique adaptée : « Quand j’ai commencé à travailler avec Charles-Antoine en 2011, il était déjà très performant dans les sports collectifs et individuels. Mais, comme son papa voulait qu’il fasse de l’athlétisme, parce qu’il sentait qu’il se débrouillait bien, on a fait en sorte de suivre cette voie. »
Tant et si bien qu’au fil de ses participations aux championnats régionaux puis nationaux, ce Parisien d’origine a fini par être sélectionné en équipe de France d’athlétisme de sport adapté en 2015. En plus de ses trois séances hebdomadaires au stade de Dugny et dans le Parc Georges-Valbon, il se retrouve donc une fois par mois en stage à Reims avec ses camarades de l’équipe de France. De quoi lui ouvrir de nouveaux horizons : « Le sport lui permet de parler avec son corps, explique encore Emmanuelle Mougel. Depuis qu’il pratique l’athlétisme, Charles-Antoine se redresse, sourit de plus en plus, est capable d’aller un peu plus au-devant des autres. Il a réussi à se valoriser, à s’épanouir. »
Et, les murs de sa chambre d’interne ont donc été progressivement ornés par ses différents dossards de compétition, sans compter les médailles et trophées qui s’accumulent. « Charles-Antoine est un peu devenu la star de Ladoucette, poursuit Alain Romary, son éducateur référent. Ses résultats portent ses camarades et de son côté, le sport joue un grand rôle en lui apportant plus d’autonomie, de rigueur. Les compétitions, l’entraînement, le motivent. Il se rend même tout seul à l’entraînement à Dugny. Sa pratique sportive est un facteur d’émancipation. »
Le rêve du Stade de France
D’ailleurs, il devrait bientôt quitter l’IME pour rejoindre un Établissement et service d’aide par le travail (ESAT) en Seine-Saint-Denis, un établissement médico-social de travail protégé, réservé aux personnes en situation de handicap. « Oui, quand je serai prêt, j’irai, assure-t-il. Mais, je dois encore courir… » La Fédération Française du Sport Adapté (FFSA) veille néanmoins à ce qu’il concilie vie sportive et épanouissement personnel. « Charles-Antoine ne courra pas toute sa vie, et de toute façon en sport adapté on ne gagne pas d’argent, donc on préserve son avenir en trouvant un équilibre entre sport et insertion professionnelle », explique Frédéric Drieu, entraîneur national en charge du suivi socio-éducatif et professionnel des athlètes de haut niveau au sein de la FFSA.
En attendant, son été et son automne sportifs seront chargés entre les Mondiaux handisports seniors à Londres (14-23 juillet), puis juniors en Suisse (3-6 août) avant les Jeux Européens paralympiques de la Jeunesse en Italie (9-15 octobre). Ce qui n’est pas pour déplaire à Charles-Antoine. « J’aime courir, regarder droit devant et aller le plus vite possible », glisse-t-il. Parfois trop vite même. « Il faut encore qu’il apprenne à doser son effort », observe son entraîneur en équipe de France, David Bordus. Parce qu’un 400 mètres, ça peut être long si on part trop rapidement. Mais, il va acquérir de l’expérience, après tout à Bangkok, il disputait seulement la troisième compétition de sa vie sur cette distance. » A 19 ans, qu’il fêtera le 14 juillet prochain, le membre du club Sport Toi Bien 93 a en effet le temps de voir…
Jusqu’à Tokyo en 2020 où il pourrait faire partie de l’équipe de France lors des Jeux paralympiques s’il continue d’enchaîner les résultats internationaux. Avant de pourquoi pas viser 2024 pour disputer les paralympiques cette fois sur la piste du Stade de France. Une enceinte dionysienne qu’il a découverte le 10 mai dernier lors de la Journée Évasion réservée aux enfants des hôpitaux, cliniques et IME. Et il en est reparti avec la ferme intention d’y revenir : « J’ai envie de courir sur cette piste, dit-il. Elle donne envie… »
Photo : Luc Percival (FFSA)
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