1% artistique : une semaine inoubliable au collège Gisèle-Halimi
A Aubervilliers, l’artiste Abraham Poincheval a, du 25 au 28 mai, habité dans son œuvre. Un monolithe offert à ce collège par le Département au titre du 1% artistique. Une sculpture conçue à la fois comme une boîte à selfie et un lieu de mémoire. Reportage et vidéo !
Le 25 mai 2021, dans la cour de récréation du collège Gisèle-Halimi, des élèves vêtu·e·s de noir et muni·e·s d’un brassard orange fluo s’activent. Craies multicolores en main, ils.elles tracent au sol un chemin jusqu’à la sculpture qui trône depuis une année dans la cour de récréation de leur établissement. Une œuvre dans laquelle beaucoup se regardent le matin, dans laquelle ils.elles sourient.
Abraham Poincheval, l’artiste qui a conçu « Narcisse et le selfie », vient d’habiter dans celle-ci pendant quatre jours. Faite uniquement de miroir sans tain, cette pièce reflète les élèves, leurs jeux, attise leur curiosité, attire leurs mains, leurs yeux.
Il est 11 heures. Quand la cloche sonne, la moitié des élèves du collège (ndlr : en demie-jauge du fait de la Covid) se réunissent dans la cour, selon une scénographie bien réglée. La classe de troisième qui s’est beaucoup investie dans ce projet a réussi à créer l’adhésion de l’ensemble des élèves. Et tous les collégiens attendent ce moment. Certains restent au balcon, d’autres emplissent la cour, se postant sur le parcours sinueux tracé. Les uns arborent à l’étage une banderole orange fluo où est inscrit « Confiné », au sol d’autres en déplient deux autres avec « 1 semaine » et « enfermé ». Leur principal ouvre la marche, suivi d’Abraham Poincheval, et d’un groupe d’élèves. « On dirait une star » commente un élève face aux applaudissements nourris. L’artiste performeur lève le poing à leur attention, il en sortira 75 heures plus tard avec le V de la Victoire.
Une fois installé dans son monolithe spartiate, il retrouve les élèves pour quelques minutes en visio. Le décalage image/son accentue l’effet station spatiale. « J’ai commencé à regarder les paysages autour. C’est assez beau » explique Abraham qui ajoute « Ce logement c’est une expérience. Et ici, j’ai tout ce qu’il me faut. »
Un monolithe selfie et lieu de mémoire.
De l’espace pour évoluer, une table, un lit, une bouilloire pour ses aliments lyophilisés, un livre et un téléphone pour faire des photos des collégiens depuis son œuvre. Des images qu’il retravaillera et laissera ensuite dans l’œuvre.
Julie Rual professeure d’arts plastiques et Jean-Baptiste Prévot, professeur d’histoire-géographie ont construit tout un parcours artistique, en animant des workshops tout au long de l’année autour de cette œuvre et de la performance de l’artiste. Dans les couloirs, chacun peut voir ce travail exposé.
Des sixièmes ont imaginé des habitats pour être confiné en créant des maquettes à partir de matériaux de récup. D’autres, comme Silina, ont imaginé des affiches et des stickers pour faire le buzz autour de l’évènement. Certains élèves ont dessiné leur propre monolithe aménagé en fonction de leurs propres besoins. D’autres ont fait des collages en insérant des personnages de My Hero academia, de Brawl stars...
Un grand nombre des interrogations des élèves sont aussi placardées au mur : « Mais c’est quoi sa motivation ? C’est quoi son objectif ? », « Il fait comment pour respirer ? Pour aller aux toilettes ? Mange-t-il ? », « A quoi ça sert de faire ça ? »
Des commentaires aussi : « Le mec il passe sa vie enfermé dans des trucs et tout va bien ? » « Bizarre, original, impressionnant, étonnant, atypique, pas commun », « C’est pas normal quand même », « Le mec il a un problème dans sa tête quand même non ? Sans vouloir être méchante : il est pas un peu fou ? »
Et aussi des réponses : « Il a l’air heureux de le faire. Il a peur de le faire, mais il affronte sa peur », « Le mec il voyage dans sa tête, sans bouger, c’est cool », « Il fait des performances artistiques avec son corps : il s’enferme dans un ours, dans une pierre, dans une ruche. Il s’expose », « Genre nous aussi on fait partie de l’œuvre, on est des artistes en fait ? ».
La professeure d’arts plastiques Julie explique qu’une enquête a été lancée auprès des familles, des élèves, des enseignants, pour savoir ce qu’ils·elles pensaient de la performance, de l’œuvre : « Abraham Poincheval pense que ce qui se joue, ce qui se dit de l’oeuvre fait partie de l’œuvre. Il s’intéresse aussi à ce que ça dit sur la durée ».
Le 28 mai : le jour de la sortie
Précédé par la B.O. du film « 2001, Odyssée de l’espace », le compte à rebours démarre. Les canons à confetti explosent. Il est 16 heures quand Abraham Poincheval sort de son œuvre. Barbe de trois jours, combinaison en jean, il répond au micro aux questions des élèves. Pourquoi cette œuvre ? « Je suis venu ici car je m’intéressais à l’âge que vous avez. C’est le moment des métamorphoses, qu’on voit à travers le miroir, le selfie. » A-t-il eu le temps de lire ? s’est-il senti seul la nuit ? « Je n’ai pas trop eu le temps de lire, car vous étiez souvent là. Mes nuits étaient super, très bien. Et je ne me suis pas senti seul car il y a des chats qui se baladent dans la cour la nuit ». Est-il satisfait ? « Quand on fait un projet comme celui-là, on ne sait jamais si ça va marcher. Je suis très content d’avoir été là. C’était très bien, vraiment très bien. C’était très amusant de vous voir. »
Photos par Jean-Louis Bellurget
1 % artistique, l’art au collège en Seine-Saint-Denis ! Découvrez l’épisode 1 de notre série en vidéo avec les fossiles d’Olivier Vadrot au collège Miriam-Makeba à Aubervilliers.
1 % artistique, l’art au collège en Seine-Saint-Denis ! Découvrez l’épisode 2 de notre série en vidéo avec "Au gré des mots" de Laurent Pernot au collège Françoise-Héritier à Noisy-le-Sec.
Retrouvez la play-list de notre série en vidéos sur le 1% artistique dans nos collèges
Interview d’Abraham Poincheval sur sa performance à lire ici
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