Une caravane pour aider les aidant·e·s
Lundi 31 mai, l’hôpital Avicenne de Bobigny a accueilli le lancement de la caravane « Tous aidants », qui va sillonner l’Ile-de-France puis la France jusqu’en octobre. Cette initiative, soutenue par le Département, a pour but de donner un maximum d’informations aux personnes venant en aide à un proche malade ou en situation de dépendance. Des personnes qui, bien souvent, sont isolées ou épuisées, et qu’il s’agit donc d’aider à leur tour.
« La maladie d’un proche, ça peut vous tomber dessus comme ça, du jour au lendemain, et votre vie s’en trouve bouleversée. La chose qui vous manque à ce moment-là, c’est quelqu’un qui saura vous orienter, vous montrer qu’il y a des solutions et aussi peut-être éviter les abus. »
Ce chemin-là, Emmanuel* a dû le faire seul. Quand sa grand-mère a fait un AVC en 2013, la laissant diminuée, ce quadra a dû s’organiser pour qu’elle puisse rester habiter à son domicile. Auxiliaires de vie, séances de rééducation, suivi administratif, rien n’a été simple, sans compter évidemment la douleur de voir celle qu’il aimait « en souffrance ».
Alors, quand Emmanuel s’est approché ce lundi du bus turquoise « Tous aidants », dont la première étape de la tournée est l’hôpital Avicenne de Bobigny, il ne pouvait qu’approuver.
« Des initiatives comme celles-ci, c’est positif. Moi au départ, je ne connaissais pas l’APA (Allocation Personnalisée d’Autonomie), je ne savais qu’un aidant familial pouvait être indemnisé par ce biais. Des stands comme celui-ci aident les aidants à gagner du temps, ils leur font aussi savoir qu’ils ne sont pas seuls, donc évidemment que je les encourage. », affirme-t-il, avant d’aller prendre son service… comme aide-soignant. Déjà en questionnement sur son ancien métier, dans le marketing, Emmanuel a en effet « rebondi » sur l’accident de sa grand-mère pour se réorienter vers les professions du soin, passant en 2017 le concours d’aide-soignant.
Une résilience admirable, mais qui est loin de refléter la situation de la majorité des aidants. « 74 % d’entre eux se disent épuisés. 20 % repoussent même leurs propres soins pour pouvoir mieux s’occuper de leur proche. », rappelle ainsi Claudie Kulak, fondatrice de La Compagnie des Aidants, association qui est à l’origine de cette caravane.
Identifier et écouter
Voilà donc quatre ans – année Covid compris – que le bus « Tous aidants » sillonne la France. « Le but est vraiment d’aller au-devant des gens. Notre mission, c’est bien évidemment d’informer sur les solutions existantes. Mais avant ça, c’est d’aider les aidants à s’identifier comme tels, car bien souvent, on a tellement le nez dans le guidon quand on est aidant qu’on n’en a pas conscience », explique encore ce petit brin de femme dont la clarté et l’écoute font mouche.
A chaque étape, les assistantes sociales de la caravane savent aussi s’entourer d’un certain nombre d’associations et relais locaux, pour aiguiller les passants vers les bonnes adresses. Parmi elles, le Département, qui participe au financement de la caravane.
« Compte tenu de l’année particulière qu’on vient de vivre, où les aidants ont dû prendre encore plus en charge que d’habitude leurs proches avec les fermetures de certains lieux de répit dues au Covid, il nous paraissait tout naturel de répondre présent pour ce lancement de la caravane, à Bobigny aujourd’hui, à Sevran (mercredi et jeudi) », soulignait ainsi le président de la Seine-Saint-Denis Stéphane Troussel, accompagné de Magalie Thibault, vice-présidente en charge des questions d’autonomie.
Chef de file de l’action sociale, le Département est en effet « naturellement » en première ligne sur cette question des aidants. « A travers les attributions de l’APA (Allocation Personnalisée d’Autonomie) ou de la PCH (Prestation de Compensation du Handicap), on va financer des plans d’accompagnement de la personne en perte d’autonomie, mais aussi la personne aidante », explique ainsi Estelle Mayart, cheffe de service gérontologie pour la Seine-Saint-Denis. « A côté de ça, on finance et autorise aussi de nouvelles solutions, poursuit cette professionnelle du Département. En Seine-Saint-Denis, on essaie par exemple de développer des accueils de nuit, qui font encore défaut. On sait en effet qu’un certain nombre de pathologies ont pour conséquence une inversion jour-nuit, ce qui entraîne une fatigue encore plus grande pour l’aidant. Tout l’enjeu est donc d’encourager et de financer des structures qui vont proposer ce type d’accueil et ainsi soulager la personne aidante ».
11 millions d’aidant·e·s
Soulager et écouter, c’est aussi l’objectif d’associations comme La Voix des Aidants ou la Ligue contre le Cancer 93, également présentes sur le stand de la caravane. « Chez les personnes qui m’ont abordée ce matin, il y a très clairement une fatigue qui est ressentie. Mais ce qu’on ressent surtout, c’est un manque d’informations », témoigne ainsi Eléonore Boyer, de la Ligue contre le Cancer 93 qui rappelle ainsi que son association, installée au Bourget, est tournée vers les malades, mais aussi vers leurs proches. « On leur propose plusieurs soutiens : une psychologue, avec 10 séances gratuites par an, une socio-esthéticienne qui fait des soins du visage, des massages, des ateliers nutrition ou encore une commission sociale pour toutes les personnes qui désirent faire une demande d’aide financière et souhaitent être accompagnées dans ces démarches pas toujours évidentes. »
Pauline Tessé, coordinatrice de la plateforme La Voix des Aidants, abonde : « On est là pour apporter une écoute aux aidants, des préconisations sur ce qui peut être mis en place à domicile... » Basée à Aulnay, cette plateforme, financée par l’ARS au même titre que trois autres plateformes ancrées au Pré-Saint-Gervais, Stains et Livry-Gargan, accompagne les aidants d’un proche souffrant d’Alzheimer ou plus généralement de personnes de plus de 60 ans en perte d’autonomie. En les conseillant sur des demandes de financement mais aussi en leur offrant des solutions de répit entièrement gratuites : ateliers de bien-être, de « lâcher-prise », sophrologie, shiatsu… « Tout ce qui va permettre à l’aidant de se ressourcer, de se retrouver, lui qui a tendance à s’effacer devant la pathologie de son proche », résume Pauline Tessé.
Le combat des aidants, estimés tout de même à 11 millions en France, se fait souvent dans l’ombre. Avec la caravane de la Compagnie des Aidants, baignée hier de soleil, il prend heureusement un peu plus de visibilité.
*Le prénom a été changé
Dates de la Caravane des Aidants en Seine-Saint-Denis ou à proximité :
– mardi 1er juin dans la cour de l’hôpital Avicenne à Bobigny
– mercredi 2 et jeudi 3 juin à l’hôpital René-Muret à Sevran
– du 16 au 18 juin à l’hôpital Intercommunal de Créteil
– du 21 au 23 juin à l’hôpital Paris Saint-Joseph, 14e à Paris
Photos : ©Jean-Louis Bellurget
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