Tout le monde dit : I love le Créa
Du 6 au 8 octobre, le Créa, centre de création vocale et scénique travaillant avec des enfants et des adolescents, fête ses 30 ans. Pour l’occasion, la structure atypique d’Aulnay-sous-Bois a monté un SPECTACLE revisitant sa savoureuse saga. Nous avons assisté à l’une de leurs répétitions.
« Eh les filles, soyez davantage dans l’outrance. Il nous faut une diva bien plus répugnante que ça ! » Jour de filage au théâtre Jacques-Prévert. François Berdeaux, le metteur en scène aux côtés de Didier Grojsman sur le spectacle des 30 ans du Créa, n’hésite pas à interrompre les répétitions de quelques commentaires bien sentis.
C’est que pour souffler les 30 bougies de la structure, toute l’équipe a mis les petits plats dans les grands. « Avec Valérie Alane, la librettiste et François Berdeaux, on s’est torturé les méninges pour rendre hommage aux spectacles précédents à travers des reprises de chansons sans être dans la rétrospective un peu soporifique », lance Didier Grojsman, fondateur du Créa et passionné comme au premier jour.
Le résultat s’appelle « 30e étage », une histoire déjantée à souhait de Diva qui perd le la et d’un groom d’un hôtel suranné, mandaté pour le lui retrouver. Et en ce dimanche, à deux semaines tout juste de la première, ça bosse dur.
« Birdland », « La Javanaise », « Sweeney Todd » les grands standards du jazz, de la variété française ou de la comédie musicale défilent, chantés par un choeur de quelque 50 participants. Mais aussi « Si l’on m’appelle Passe-partout » ou « L’homme blanc », morceaux tirés des opéras « Le Tour du Monde en 80 jours » et « Les Indiens sont à l’Ouest » spécifiquement commandés au fil des années à des auteurs-compositeurs comme la chanteuse Juliette.
Depuis sa fondation en 1987, le Créa, c’est en effet 70 spectacles dont 24 commandes d’opéra, toujours joués et chantés par des jeunes recrutés sur la base de leur seule motivation. A des années-lumière de certains conservatoires demandant pré-requis sur pré-requis et s’adressant finalement toujours aux mêmes.
« Une des forces de cette structure, c’est sa capacité à être ambitieux sans être élitiste, détaille ainsi Bruno Perbost, pianiste au Créa depuis 20 ans. Effectivement, il n’y a pas d’auditions pour intégrer le Créa ; en revanche, on va demander à chacun son maximum. Et je trouve ça essentiel, c’est une question de respect, y compris envers ceux qui n’ont pas baigné depuis tout jeunes dans la musique », insiste ce professionnel, par ailleurs enseignant au Conservatoire d’Aubervilliers.
Sur scène, ça s’emballe. Harold le groom, toujours à la recherche de ce satané la, virevolte, cascade entre les étages et fait d’étranges rencontres. Projetées sur une tenture recouvrant la scène, les horloges de la Scala, du Metropolitan et de Garnier deviennent folles tandis qu’un portrait de Natalie Dessay couve tout ce petit monde d’un regard d’ange gardien. La soprano, marraine du Créa depuis 10 ans, sera d’ailleurs présente dimanche 8 octobre, pour rappeler son soutien à cet OCNI, « objet culturel non identifié » comme aime à l’appeler Didier Grojsman.
Véritable LalaLand d’Aulnay, la structure atypique a en effet vu passer quelque 3 500 gamins. Et entre deux répétitions, les jeunes pousses du Créa continuent à chanter, mais cette fois-ci il s’agit des louanges du Créa. « C’est une chance assez unique, confie Eloïse, 18 ans dont 11 au coeur du Créa. Avec tous les chorégraphes qui nous suivent, on apprend tous les styles de danse, on voyage, on apprend la vie en groupe. Tout ça aide à grandir. »
Même son de cloche chez les nouveaux venus : « Ici, il y a vraiment une ambiance soudée, témoigne Abel, qui à 13 ans vient tout juste de s’embarquer à bord du Créa. Avant, j’étais dans un choeur où ça rigolait nettement moins. Ici, on s’amuse bien tout en étant quand même confrontés à une certaine exigence. »
Une exigence qui affleure parfois dans le filage. Quelques jeunes turbulents du choeur se font ainsi recadrer par Didier Grojsman pour avoir mal négocié la jonction de deux scènes. « Allez là, je suis pas là pour faire la police », ronchonne ce pédagogue rompu à l’éducation populaire, vite consolé par un moment de grâce : celui de l’impro hip-hop de Philippe en collaboration avec le chorégraphe Ibrahim Sissoko.
Sur la musique nostalgique de « Au royaume du grand silence », ce jeune Villepintois de 17 ans se déhanche façon Stromae, escorté comme son ombre par Ibrahim Sissoko, fondateur de la compagnie Ethadam. « J’ai beaucoup progressé au contact d’Ibrahim. Pas tellement sur la technique mais au niveau de l’intention. Il m’a fait comprendre que danser, c’était aussi passer des messages. », explique Philippe, qui rêve maintenant d’une carrière de danseur ou de comédien.
Mais attention : si certains membres du Choeur de Scène (les 12-17 ans) ou des Créatures (après 18) veulent effectivement percer dans le monde du spectacle, la majorité espère avant tout retirer de cette expérience épanouissement et moments de partage. « Ils m’ont vraiment donné confiance en moi alors qu’au départ je suis quelqu’un de timide, témoigne ainsi Ana, dans une robe rose bonbon qui rappelle l’univers d’Alice au pays des merveilles. Et puis, grâce au Créa, j’ai eu la chance de pouvoir faire mon stage de 3e au théâtre du Châtelet : j’y ai notamment découvert le métier d’accessoiriste, qui m’attire bien. »
Actuellement au lycée, la jeune femme sait que cette aventure ne durera pas toujours. « Mais c’est pas grave, c’est la vie, tranche-t-elle, sourire aux lèvres. Et puis quand je vois les anciens du Créa (réunis expressément pour le spectacle, ndlr), je vois qu’il en reste toujours quelque chose. Honnêtement, ce sont de grands enfants, et ça fait plaisir à voir ! »
Christophe Lehousse
Photos : @Patricia Lecomte
Informations : www.lecrea.fr
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