Mariages forcés : comment aider les victimes à dire non ?
Mardi 9 mars, les 19es rencontres de l’Observatoire départemental des Violences envers les Femmes se sont déroulées en distanciel dans la salle de spectacles Canal 93 de Bobigny. Plus de 400 professionnel·le·s, en Seine-Saint-Denis et en France ont assisté aux témoignages des actrices et acteurs du territoire mobilisé·e·s contre le fléau des mariages forcés.
Tous les ans, 1 000 jeunes Séquano-Dionysiennes sont en danger de mariage forcé, situation qui débouche souvent sur des viols ou des violences conjugales. Prises dans de cruels « conflits de loyauté », les victimes peuvent toutefois s’appuyer sur un réseau de professionnel·le·s sensibilisé·e·s et formé·e·s pour défendre leurs droits. L’Observatoire des Violences envers les Femmes (OVF) présidé par Ernestine Ronai a en effet élaboré en 2006 un protocole de lutte contre les mariages forcés, en partenariat avec les services du Conseil départemental, l’Éducation nationale de la Seine-Saint-Denis, le Tribunal de Grande Instance de Bobigny et les associations partenaires. Ce protocole est régulièrement réactualisé à la lumière des expériences des agent·e·s qui le mettent en oeuvre et des évolutions législatives.
Le mariage forcé est une pratique dégradante
Plusieurs études scientifiques démontrent que les jeunes filles menacées par des unions forcées connaissent mal les dispositifs législatifs mis en place par l’État français pour défendre leurs droits fondamentaux et ont peur « de causer des problèmes à leur famille » en dénonçant les abus. Face au faible nombre de signalements - en 2020, seules 39 femmes en danger ont été accueillies par le Lieu d’Accueil et d’Orientation de Bagnolet - l’OVF a souhaité rappeler aux professionnel·le·s du territoire (PMI, planification familiale, Éducation nationale, secteur associatif...) les différentes possibilités d’actions.
Le roman Les impatientes publié récemment de l’écrivaine camerounaise Djaïli Amadou Amal jette une lumière crue sur le quotidien des victimes de mariages arrangés « battues, violées et humiliées » dans certaines parties de l’Afrique « où les maris traitent encore leurs femmes ou co-épouses en esclaves plus ou moins serviles ». Lauréate du prix Goncourt des lycéens en 2020, l’autrice a pris la parole en visio lors de ces rencontres pour témoigner de l’engrenage que subissent les femmes évoluant dans des milieux particulièrement religieux ou patriarcaux.
Louise Dias, assistante sociale scolaire, Lucie Debove, cheffe de service de l’aide Sociale à l’Enfance et Amandine Maraval, directrice du Lieu d’Accueil et d’Orientation de Bagnolet ont ensuite présenté les signaux d’alertes lancés par les jeunes filles, les stratégies à développer « pour libérer la parole et conserver le lien de confiance » avec des victimes qui, malgré les violences physiques ou psychologiques subies, craignent de rompre les relations avec leur famille.
Une boîte à outils pour défendre les droits des femmes
Les professionnel·le·s confronté·e·s à des mineures en danger sont fortement incité·e·s à adresser un signalement à la Cellule de Recueil des Informations Préoccupantes gérée par l’Aide Sociale à l’Enfance ou auprès du Procureur de la République. Dans le cas d’une majeure, l’agent·e peut l’inciter à saisir le juge aux affaires familiales pour lui demander de prononcer en urgence une ordonnance de protection. « Cette procédure n’engage pas de plainte contre les parents mais protège les jeunes filles en interdisant à la famille de rentrer en contact avec elles et en empêchant toute sortie du territoire », explique Ernestine Ronai.
Depuis 2014, le dispositif Un toit pour elle et des partenariats associatifs offrent des solutions d’hébergement et de protection des personnes qu’elles soient scolarisées ou non. Par ailleurs, le Département de la Seine-Saint-Denis a mis en place une mesure unique en France en proposant aux jeunes filles menacées de 18 à 21 ans de bénéficier d’un contrat jeune majeur, qui garantit un revenu pour leurs besoins essentiels. « Les services sociaux accompagnent au quotidien ces femmes qui peuvent aussi être aidées par des associations comme SOS Victimes 93, l’Amicale du Nid ou le CDIFF 93 » précise Marie Le Bail, assistante sociale de secteur.
Dans la dernière partie de la conférence, Abigaël Vacher, chargée de projets de l’OVF, a signalé une montée à nouveau préoccupante des violences faites aux femmes en Seine-Saint-Denis (62% entre 2017 et 2019). Cette statistique ne prend par ailleurs pas en compte la période du confinement, lors de laquelle la majorité des associations indiquent que les violences auraient encore augmenté.
Les collégien·ne·s de Bondy ont entrecoupé les différentes interventions par des slams pleins d’optimisme sur l’attachement inconditionnel de la jeunesse à la liberté. Un clip rafraîchissant a également été tourné par les adolescent·e·s dans le cadre du dispositif Jeunes contre le sexisme. Si vous voulez le visionner ou voir en replay les 19es rencontres de l’Observatoire des violences envers les femmes, vous pouvez cliquer ici.
Crédit-photo : Nicolas Moulard
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