Les filles de l’air de Jean-Lurçat
En décembre dernier, seize collégiennes de l’établissement Jean-Lurçat à Saint-Denis ont effectué leur stage d’observation de 3e en visitant de nombreuses entreprises d’aviation. Cette initiative s’inscrit dans un parcours éducatif destiné à féminiser les métiers de l’aéronautique, imaginé par Airemploi et subventionné par le Département.
Maïmouna, 15 ans, a toujours rêvé de devenir pédiatre. « Soigner les enfants et les bébés m’a toujours attirée… » Mais depuis que cette élève de troisième, interne au collège Jean-Lurçat de Saint-Denis a effectué un stage en fin d’année au sein de plusieurs entreprises du secteur aéronautique, elle considère son avenir sous un autre jour. « Etant en troisième, l’orientation compte beaucoup, et le fait d’avoir découvert des nouveaux métiers dans l’aérien, d’avoir écouté les gens qui y travaillent, tout cela me fait réfléchir. » Comme elle, Sosso, 14 ans, et Mariam, 15 ans, s’interrogent sur leur avenir. L’une se verrait bien pilote et l’autre mécanicienne.
Ce stage d’observation organisé conjointement par Airemploi, le collège Jean-Lurçat (classé en REP +), et soutenu par le Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis, a permis à seize collégiennes de découvrir à travers le département, terre d’aviation s’il en est, de grandes entreprises et de dialoguer avec des acteurs très divers de ce secteur. Il s’inscrivait également dans le cadre de l’action conduite par Airemploi afin de féminiser les métiers de l’aéronautique.
« En tant qu’organisateur et professeur, je ne peux que me réjouir d’avoir contribué à l’ouverture d’une perspective pour les élèves d’aller vivre des expériences en vie réelle dans des entreprises, sur les pistes, discuter et échanger avec des responsables, indique Rachid Hammoudi, le maître d’œuvre de ce projet et enseignant d’anglais.
Susciter des vocations
Constatant que 23 % de femmes seulement exercent au sein de l’aéronautique et que moins de 10% des pilotes sont des femmes, Airemploi a lancé cette initiative, il y a déjà quelques années, afin de faire découvrir aux collégiennes et lycéennes les métiers de l’aéronautique (métiers techniques de la construction et de la maintenance mais aussi le métier de pilote), afin de susciter des vocations. « “Féminisons les métiers de l’aéronautique" est un label imaginé par Airemploi, explique Nicolas Gros, son directeur, afin de dynamiser le secteur. Et de poursuivre : « Il existe une demande des entreprises pour recruter des femmes sur ces métiers. Mais pour y parvenir, c’est un travail de longue haleine, en raison de la méconnaissance de ces métiers industriels par celles qui pourraient y accéder. Il y a donc un travail de fond pour les faire connaître. »
Parmi les actions conduites par Airemploi, un concours se déroule tous les deux ans, depuis une douzaine d’années, permettant à de jeunes lycéennes et collégiennes de mettre un pied dans les entreprises et d’avoir, via des marraines, des contacts avec des professionnels. En juin dernier, lors du dernier concours, une femme ingénieure chez Airbus Helicopters témoignait de sa participation à ce concours, dix ans auparavant. « J’avais envie d’avoir un métier technique, mais je m’interdisais de le faire pensant qu’il était impossible d’être mécano et femme en même temps… » Trouvera-t-on parmi le groupe de Jean-Lurçat, d’ici une dizaine d’années, une jeune femme qui aura trouvé son épanouissement professionnel dans un métier de l’aérien ?
Toujours est-il que les seize collégiennes lors de leur stage d’observation ont pu bénéficier d’un programme à la hauteur de ses initiateurs. Elles ont pu en effet se rendre au CFA des métiers de l’aérien (Bonneuil-en-France), à Airbus Helicopters (Dugny), au Campus Fab (Bondoufle), au Groupe ADP (Roissy-en-France) à Air France Industries (Roissy-en-France) et enfin au musée de l’Air et de l’Espace (Le Bourget) où elles ont eu la possibilité de découvrir les grandes figures féminines de l’aviation.
Un programme ambitieux à Jean-Lurçat
C’est un parcours annuel ambitieux, auquel sont invités les élèves de troisième de Jean-Lurçat. Outre le stage d’observation suivi par le groupe de 16 jeunes filles, une formation théorique au brevet de pilote ULM est proposé à tous (y compris aux enseignants) chaque mercredi après-midi, à l’issue de laquelle ils valideront leur brevet avec la Direction générale de l’aviation civile. Des conférences sur les différents métiers sont organisées pour les 5 classes de troisième. Des baptêmes de l’air et des initiations au pilotage d’ULM sont également au programme. Et à partir de ce mois-ci, un simulateur de vol pour s’initier au pilotage d’ULM sera à la disposition des élèves lors de la pause méridienne. « Il existe des pédagogies émotionnelles, explique calmement et avec conviction Rachid Hammoudi. Quand vous amenez un élève à voler, à prendre les commandes d’un avion, à descendre et à atterrir, il n’y a pas besoin de grand discours. Ses yeux brillent, et tout est dit… Piloter à 14 ans constitue un déclic et un levier lui permettant de s’émanciper de la surdétermination des trajectoires de son entourage. Elèves d’un REP +, en internat, dépendant d’un quartier prioritaire de la politique de la ville, ils et elles sont issus de familles très souvent fragilisées et parfois broyées par le quotidien. »
Maïmouna, Sosso, Mariam et les autres, que deviendrez-vous dans quinze ans ? En tous cas, des rêves pleins la tête, vous en avez : Vos yeux brillaient devant les carlingues d’avions et les exploits des pionnières de l’aviation.
Claude Bardavid
Airemploi a été créé il y a une vingtaine d’années, à l’initiative d’Air France, de la Fédération nationale de l’aviation et de ses métiers (FNAM) et du Groupement industriel français de l’aéronautique et du spatial (GIFAS).
Il se fixe pour objectif de faire connaître les métiers de la construction aéronautique et spatiale et d’autre part ceux du transport aérien, ainsi que les parcours de formation permettant d’y accéder.
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