Egalité femmes-hommes Aubervilliers

Des collégiennes d’Aubervilliers s’impliquent pour féminiser l’aéronautique

Les filles de 3e4 du collège Henri Wallon à Aubervilliers ont décroché le 24 juin le second prix du concours « Féminisons les métiers de l’aéronautique ». Elles ont pu cette année découvrir les divers métiers d’un secteur en pleine tourmente, très en retard sur les questions de parité, et désireux d’attirer plus de femmes.

Les larmes le disputaient à l’émotion, mercredi 23 juin, sur le podium installé au premier étage du hall des voilures tournantes du Musée de l’air et de l’espace du Bourget. Ceintes d’une écharpe nacrée à l’effigie du concours « Féminisons les métiers de l’aéronautique », les filles de la 3e4 du collège Henri Wallon, à Aubervilliers, n’essayaient pas de masquer leur déception. Alors qu’elles visaient le haut du podium suivant leur adage : « Ne pas jamais baisser les bras, toujours croire en ses rêves », l’équipe n’est arrivée qu’à la seconde place sur un total de 18 équipes en France.

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Une passion communicative

Elles ont pourtant de quoi être fières du film réalisé sur le parcours suivi cette année dans le cadre de ce concours. En janvier, Inès, Erika, Jocelyne, Ange, Souha et Eloïse ont commencé par visiter les locaux de leur entreprise partenaire, Air France Industrie (AFI), à Roissy, grâce aux cars mis à disposition par le Département, qui a également soutenu financièrement ce parcours. Elles y rencontrent tout d’abord leurs « marraines », des salariées qui leur présentent leur métier. « Elles étaient vraiment passionnées, elles avaient des étoiles dans les yeux », se souvient Inès. Déborah travaille dans une équipe « projet » où elle pense les opérations de maintenance des avions. Melissa suit un BTS en alternance dans l’entreprise, où elle fait office de support entre le technicien et le constructeur. Titulaire d’un BTS d’électro-technique, cette bricoleuse s’est reconvertie après avoir été écartée d’une entreprise à cause de son handicap, et a trouvé une solution du côté d’AFI. Mylène a eu de son côté la chance d’être soutenue dans son orientation par une professeure qui connaissait sa passion pour l’aéromodélisme, et qui lui a conseillé un bac pro aéronautique, option système. Depuis, elle s’éclate sur le Boeing 777 : « C’est un des plus gros porteurs. Mais ce que j’adore, c’est qu’il a des réactions autonomes : quand les capots pour inverser le sens de l’air reculent, pour ralentir l’avion au moment de l’atterissage, le spoiler et aérofreins sortent tous seuls ! ». Il nous manque quelques bases pour comprendre, mais la passion de la jeune femme est effectivement communicative. Après leur rencontre avec les trois bonnes fées, les lycéennes ont eu le droit à une visite d’un 777 en maintenance : « On voyait les mécaniciens enlever les sièges », se souvient Erika, une collégienne, avec gourmandise. Enfin, elles testent une formation en réalité virtuelle simulant un cockpit pour les mécaniciens et mécaniciennes, et « aussi un petit endroit très sympathique où les salariés peuvent concevoir des petites pièces d’avion grâce à des imprimantes 3D avec plein de matières », poursuit Ines- un Fab-lab.

C’est à la suite de cette journée, que les filles de 3e4 entrent dans le concours à proprement parler : leur prof de techno, Rémi Flick, leur propose de réaliser une vidéo. « On s’est retrouvées tous les mercredis après-midi pour travailler : nous, on a écrit le scénario, puis c’est notre prof de sport qui nous filmait », raconte Inès. Introduite par des images de drone, elles y présentent leur rencontre avec leurs marraines, puis également leur entreprise imaginaire, « Girls in the sky .« Au centre de l’affiche, on peut voir notre slogan Fly to your dream », récite Inès. Elles ont aussi réfléchi à une stratégie de communication pour diffuser leur message : «  Girls in the sky est une entreprise dont le but est de casser les stéréotypes et d’accéder aux mêmes métiers que les hommes, car de nos jours, nos collègues masculins sont plus présents dans ces métiers », déclame Erika, dans un faux bureau de cadre dirigeant. « On leur a juste fait une petite formation Photoshop, puis elles ont été extrêmement autonomes. Un beau jour, elles sont revenues avec leur affiche imprimée par le papa de Souha, dont c’est le métier », se réjouit Rémy Flick, pour qui le projet est une belle manière de clore ses 12 années à Aubervilliers avant de regagner sa Creuse natale.

Objectif attractivité

Le soin apporté à la vidéo explique leur belle place au concours « Féminisons les métiers de l’aéronautique », qui vise à attirer les femmes dans le monde très masculin de l’avion. Dans l’industrie aéronautique, le taux de femmes dans le secteur est passé de 18 à 23% entre 2007 et 2017. Dans l’aviation marchande, elles représentent 71% de la filière commerciale, 45% de l’administration, mais moins de 10% des pilotes. Alors le groupement des industries françaises aéronautique et spatiales (GIFAS), et la fédération nationale de l’aviation marchande (FNAM) ont missionné Air Emploi, association organisatrice du concours, pour faire connaître la diversité des métiers et des formations du secteur. « Lorsqu’on pense aéronautique, on pense en priorité à la maintenance, à la mécanique, mais en réalité, nos entreprises proposent des milliers de métiers, comme les bureaux d’études ou la recherche  », explique Floriane Patacchini, directrice adjointe de la communication du GIFAS. « Tous les métiers sont à votre portée, pas besoin d’avoir de gros biscoteaux », abonde George Daher, dirigeant de la FNAM, aux lycéennes regroupées ce matin-là.Valérie Molénat, directrice de l’emploi, de la formation et de la diversité du groupe Air France, est préoccupée par une chose : comment garder entières ces ambitions de féminisations à l’heure où la plus grande crise de son histoire touche le secteur aérien, et alors qu’ils ne parvenaient pas à atteindre leurs objectifs de mixité quand, les dix années précédant le Covid, la croissance du secteur atteignait en moyenne les 6% annuels ?

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D’autant qu’un autre problème vient entacher l’attractivité du secteur auquel les jeunes sont particulièrement sensibles : l’impact de l’avion sur la planète. « Nantes va devenir la place forte de l’hydrogène, avec son centre « zéro émission » qui vise à produire un avion décarbonné d’ici 2035 », martèle le représentant du Groupe Airbus, partenaire d’une autre équipe de lycéennes en lice devançant les éventuels questionnements sur les questions écologiques. Les professionnels tablent sur l’évolution des technologies de l’aviation pour rendre plus équilibrée la répartition des effectifs entre hommes et femmes. Mais aussi sur des recrutements « à quotas » : « Quand on légifère, les entreprises trouvent des femmes, sinon, elles trouvent des excuses », estime Valérie Molénat.

1er employeur privé d’Ile-de-France

L’opération séduction de l’industrie de l’aéronautique a-t-elle porté ses fruits ? « C’est difficile à dire. Disons que le but est de placer des images, de semer des graines. Ce qui est sur, c’est que les filles de ma classe sont désormais convaincues que les métiers de l’aéronautique demandent de la rigueur et de la compétence mais pas de prérequis féminins ou masculins. Je suis encore en lien avec une élève, ayant participé au concours en 2015, qui est aujourd’hui en prépa ingénieur, qui avait été très marquée par ce parcours  », détaille Rémy Flick.
Air Emploi poursuit néanmoins son travail de promotion en offrant aux trois équipes gagnantes, dont nos albertivillariennes, une visite thématique VIP du musée de l’Air et de l’Espace intitulée « Les femmes de l’air », mais aussi un bon pour un vol en planneur offert par la Fédération française du vol en planneur, et l’ouvrage « Au dessus des nuages » de l’aviatrice paraplégique Dorine Bourneton. « Quoi qu’il arrive, ces jeunes habitent à 15 minutes du Bourget et 30 minutes de Roissy. Même si l’industrie aéronautique connaît aujourd’hui un trou d’air, il faut leur dire qu’il y a du travail dans ce secteur ». Même si les recrutements sont gelés pour l’instant dans l’aéronautique faute de visibilité, Air France était jusque là le 1er employeur privé d’Ile-de-France.

Elsa Dupré

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