L’aérien se conjugue aussi au féminin
Lundi 9 mars, des élèves du collège Georges-Politzer de La Courneuve ont découvert toute une série de métiers liés à l’aérien sur le site de l’aéroport de Roissy. A travers ces ateliers organisés par le groupe ADP, cet établissement, invité par l’association Airemploi et le Département, a notamment pu comprendre l’importance de féminiser des professions malheureusement encore perçues comme masculines.
Face à Roxane Raumel, jeune mécanicienne hélico de 19 ans, un doigt se lève. « Madame, c’est physique, votre métier ? », veut savoir une collégienne. Réponse de l’intéressée, qui n’y va pas par quatre chemins : « Oui, ça peut l’être. Quand vous devez vous servir d’une clé de vissage de 30 kilos, vous toussez un peu. Mais il n’y a rien dans ces métiers que nous femmes ne sachions pas faire. »
Le groupe ADP et l’association Airemploi, qui s’engage depuis plus de 10 ans pour une plus grande égalité et mixité de genre dans les métiers de l’aérien, avaient invité lundi 9 mars 80 jeunes scolarisés dans des établissements d’Ile-de-France à échanger avec des professionnelles du secteur. Histoire de battre en brèche des préjugés encore beaucoup trop répandus et de féminiser des métiers considérés à tort comme masculins.
« Aujourd’hui, il y a environ 8 % de femmes parmi les pilotes, et 2 % chez les mécaniciens. Il faut continuer de se battre pour faire monter ces chiffres. Les freins viennent bien sûr en première ligne de la société mais aussi des jeunes filles elles-mêmes qui intègrent parfois trop facilement que ce n’est soi-disant « pas pour elles » », souligne ainsi Christine Debouzy, 5e femme pilote de ligne dans l’histoire de la compagnie Air France, récente retraitée et présidente de l’Association Française des Femmes Pilotes. Militante, cette structure propose chaque année 4 bourses de 1000 euros à des jeunes femmes de moins de 25 ans souhaitant devenir pilotes, ainsi que quelques autres de 3000 euros, sans limite d’âge.
Parmi les collégiens de la SEGPA (Section d’Enseignement Général et Professionnel Adapté) de Georges-Politzer à La Courneuve, également invités, il n’y avait malheureusement pas de filles ce jour-là. Ce qui n’empêchait pas les 10 garçons, actuellement en 3e, d’écouter attentivement les explications des professionnelles sur la nécessité de féminiser ces métiers.
« Je trouve ça important de rééquilibrer la part de femmes dans ce secteur car malheureusement on fait croire à beaucoup d’entre elles qu’il y a des métiers de femmes et des métiers d’hommes alors qu’il y a juste des métiers… », pointe Amin. Lui et son copain Hamdjatou sont a priori tentés respectivement par les métiers de pâtissier et de pompier, mais ils ne sont pas les derniers à poser des questions aux professionnelles qu’ils ont la chance de rencontrer.
« Comment peut-on devenir pilote de ligne ? », veut par exemple savoir Hamdjatou… Christine Debouzy, 35 ans chez Air France dont les derniers passés à piloter des A380, lui répond bien volontiers : « En gros, il y a trois voies possibles : vous pouvez présenter le concours de l’Ecole nationale d’aviation civile (Enac) à partir de bac+2 ou passer par des écoles privées, mais c’est nettement plus coûteux. Enfin, il y a la voie de « la petite porte », qui consiste à passer votre brevet d’initiation aéronautique et cumuler ensuite des heures de vol en remorquant des planeurs ou en tractant des banderoles publicitaires. »
Si le métier de pilote fait bien entendu rêver ces collégiens, il n’est pas le seul. Tous les élèves prêtent ainsi une oreille attentive aux explications d’Emilie Auger et Corine Alves, respectivement contrôleuses aériennes à Roissy et Lognes (Seine-et-Marne). « Ce que j’aime dans ce métier, ce sont les responsabilités qui vont avec et le fait très concret de voir un effet immédiat dans nos prises de décision. Les inconvénients, ce sont peut-être nos longues vacations, qui peuvent monter à 11h en été, mais qui sont suivies de récup », décrit Corine Alves, contrôleuse sur le petit aérodrome de Lognes. « Saviez-vous qu’à Roissy, on peut faire jusqu’à 76 départs en une heure ? La base de notre métier, c’est d’assurer la sécurité et de fluidifier la circulation des avions », renchérit Emilie Auger, qui à Roissy joue à domicile. Un même métier pour deux pratiques très différentes…
On voyage encore ailleurs avec deux autres témoignages, ceux de Catherine Liron et Caroline Bazin, spécialistes moteurs chez Air France Industries. Leur partie à elles, c’est de démonter et remonter les moteurs d’avion pour inspection, un travail d’horlogerie. « Le nettoyage d’un moteur d’avion, ça prend au moins 6 semaines, davantage pour les plus gros. Aujourd’hui, tout est informatisé. Pour faire ce métier, il faut être respectueux des règles, savoir travailler en équipe et être rigoureux car on ne répare pas des roues de vélo... », insiste Catherine Liron, qui recommande vivement l’alternance comme porte d’entrée vers ces métiers techniques.
Un dernier passage par l’expo « Des femmes et des ailes » qui met en avant les pionnières – y compris méconnues - de l’histoire de l’aviation, et la journée aura passé à la vitesse des nuages pour les collégiens de Politzer. « C’était bien, ça m’a intéressé, juge Hamdjatou. Je sais maintenant ce qu’on fait dans une tour de contrôle et comment un aéroport fonctionne en général. », explique-t-il, plus si sûr de devenir pompier.
« Des journées comme celles-ci permettent à nos élèves de découvrir des métiers auxquels ils n’auraient sans doute jamais pensé, résume José Moncoucut, directeur de la SEGPA de Georges-Politzer. Ça casse aussi certaines barrières psychologiques. Dans l’absolu, ils auraient tendance à dire : « l’aéronautique, c’est pas pour nous, c’est trop prestigieux ». Mais là, entendre des gens qui travaillent dans ces métiers leur dire que c’est possible, ça les amène peut-être à changer d’idée. » Rêver, ça donne des ailes.
Christophe Lehousse
Photos : ©Franck Rondot
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