Les Jeux paralympiques 2024, une « chance historique » pour faire avancer la cause du handicap
Mardi 3 décembre, une matinée a réuni une grande partie des acteur·rice·s concerné·e·s par le handicap pour penser dès maintenant l’héritage des Jeux paralympiques 2024. Dans cet héritage figurera notamment le Prisme, grand équipement sportif pour la pratique partagée porté par le Département et prévu en 2023.
Deux chiffres d’abord, qui montrent l’urgence à agir : avec 21,8 % des cas déclarés, le handicap est aujourd’hui la première cause de discrimination sociale en France, plus que toutes les autres. Et 5 % seulement des personnes en situation de handicap pratiquent aujourd’hui une activité physique régulière.
Lors de la grande réunion de lancement des Jeux paralympiques 2024, ce mardi 3 décembre, Journée internationale des personnes handicapées, on avait le bon goût de ne pas faire dans l’auto-congratulation.
« Nous avons conscience qu’aujourd’hui le constat est sévère, soulignait ainsi Tony Estanguet, président du Comité d’Organisation des Jeux Olympiques (COJO) en introduisant cette matinée au centre culturel parisien du 104. Notre souhait est vraiment de nous appuyer sur les Jeux olympiques et paralympiques pour améliorer l’inclusion des personnes en situation de handicap. »
Et les acteurs concernés – COJO, ministère des Sports, ville de Paris, région, associations – de dresser l’ampleur du chantier à venir : amélioration des offres de pratique sportive de proximité, formation des éducateurs sportifs dans les clubs, mise en accessibilité des équipements, utilisation du sport pour une meilleure insertion professionnelle des personnes en situation de handicap... Sur tous ces points, les différents partenaires misent fortement sur les Jeux paralympiques pour avancer. Avec pour modèle avoué assez clairement, celui de Londres 2012. « Pour beaucoup, Londres 2012 a été un marqueur sur la manière dont les Jeux paralympiques doivent être organisés : la médiatisation des épreuves y a été remarquable et depuis ces Jeux, 1 million de personnes en situation de handicap ont trouvé un emploi pérenne », faisait ainsi remarquer Duane Kale, vice-président du Comité International Paralympique, venu tout exprès de Nouvelle-Zélande.
Sur le plan des transports en commun, l’analyse était encore plus alarmiste : « La France a beaucoup de retard en matière d’inclusion du handicap. Un seul exemple : le métro de Londres est plus ancien que celui de Paris, et pourtant près de 40 % de stations sont actuellement accessibles dans la capitale anglaise. A Paris, on en est à 3 % soit 9 stations... Avec ces Jeux, on a enfin une chance historique, il ne faut pas la laisser passer », martelait ainsi Alain Rochon, président de l’APF-France handicap. Un appel qui peine encore à être entendu : si les futures lignes du Grand Paris Express ont toutes été pensées comme accessibles dès leur conception, on ne peut en dire autant du métro historique. A part une timide étude de faisabilité de la mise en accessibilité de la ligne 6, peu de choses à se mettre sous la dent....
Dans cette réflexion, le dévoilement de la carte des futurs sites paralympiques – dont six qui échoient à la Seine-Saint-Denis (voir encadré) – offrait une respiration bienvenue. Avant d’y retourner...
Finalement, c’est encore dans le domaine de l’élargissement de l’offre de la pratique sportive que surgissaient les annonces les plus tangibles. La ministre des Sports Roxana Maracineanu promettait ainsi la systématisation d’une formation qualifiante pour les diplômes d’éducateur sportif et rappelait le doublement du budget pour la haute performance en matière de paralympisme (7 millions d’euros). Le Comité Paralympique Sportif Français, par la voix de sa présidente Marie-Amélie Le Fur, annonçait lui sa volonté de se rapprocher des MDPH (maisons départementales du handicap) pour faire connaître les offres déjà existantes et présentait « La Relève », un programme de détection des champion·ne·s paralympiques de demain.
Et en matière d’annonces concrètes, la Seine-Saint-Denis n’était pas en reste. Son président Stéphane Troussel pouvait ainsi présenter le projet du Prisme, qui devrait sortir de terre en 2023 à Bobigny : « Ce Pôle de Référence Inclusif Sportif MEtropolitain est souhaité de longue date par le Département. Cet équipement sportif, ouvert à la pratique la plus large qui soit, sera à la fois dédié à la pratique handisport, mais aussi au sport santé, à la pratique partagée, au haut niveau, à la recherche, avec la proximité de l’hôpital Avicenne et de l’université Paris 13 », faisait valoir l’élu de Seine-Saint-Denis.
D’un coût estimé pour le moment à 36 millions d’euros - qui proviendrait majoritairement du Fonds de solidarité interdépartemental d’investissement, abondé par les 7 Départements d’Ile-de-France - cet équipement rentre désormais officiellement dans les réalisations qui feront partie de l’héritage des Jeux 2024.
Côté COJO, on terminait la présentation par quelques engagements palpables : la création d’une norme ISO d’accessibilité universelle et la mise en place d’un protocole pour les spectateurs et volontaires des Jeux en situation de handicap. Concernant ces derniers – qui seront aux alentours de 20 000 sur les Jeux olympiques et paralympiques - Lambis Konstantinidis, directeur de la planification paralympique au COJO, promettait : « Il y aura des rôles pour tout le monde, et certainement pas en coulisses. »
Après cette pose de première pierre, reste maintenant à construire la charpente : les JOP 2024 ont cinq ans pour faire progresser la cause du handicap en France.
Christophe Lehousse
Photos : ©Nicolas Moulard
Ce qu’ils en ont pensé :
Waël Bayoudh, habitant de Drancy, membre du collectif « Plus sans ascenseurs »
« Je trouve ça positif que tout le monde se rassemble pour évoquer la cause du handicap. Sur la question de la pratique sportive, je dirais que dans beaucoup d’endroits, il n’y a pas assez de sports accessibles pour les personnes en situation de handicap. Par exemple, moi qui aime pratiquer le foot fauteuil électrique, je ne peux pas le faire à Bobigny ou à Drancy parce qu’il n’y a pas de sections ou de clubs qui me le proposent. A Bondy, c’était le cas. Sur la question des transports, je partage le constat d’urgence et j’en ajoute une autre : en banlieue, beaucoup de personnes sont bloquées chez elles du fait de panne d’ascenseurs. C’est pourquoi nous avons monté un collectif « Plus sans ascenseurs » : notre but est d’accélérer les réparations auprès du bailleur et, en attendant, de mettre en place des Assistances à Mobilité Verticale (AMV) pour permettre aux personnes de sortir de chez elles. »
Hakim Arezki, président du Comité Handisport 93 et international de cécifoot
« Il y a beaucoup de bon sens dans tout ce qui a été dit. Je trouve qu’on va de l’avant pour rendre le sport accessible pour les personnes porteuses de handicap. Je dirais que la majeure difficulté à laquelle on se heurte nous en Seine-Saint-Denis, c’est le déficit d’information : beaucoup de gens ne savent pas que des clubs proposent des disciplines adaptées à leur handicap. Quant au Prisme, c’est un projet très intéressant : ce complexe sportif va toucher tous les niveaux - l’accessibilité, la recherche, le haut-niveau - et nous aider grandement pour structurer l’offre de pratique sportive à destination des personnes en situation de handicap. »
Fabien Paillard, président du Comité 93 Sport adapté (à destination des personnes présentant des troubles mentaux ou psychiques)
« La très bonne nouvelle du jour, c’est la reconnaissance du Prisme. J’étais curieux de savoir si ce projet allait être valorisé par le COJOP et c’est le cas. Cet outil va non seulement permettre de développer la pratique sportive, mais il va débloquer des situations parfois très compliquées. En nous permettant de créer un réseau, une cohésion entre les différents acteurs, il va nous faciliter l’accès aux classes Ulis, l’organisation de formations pour les éducateurs de clubs… Sur l’ensemble de la matinée, je dirais que l’analyse est bonne, reste maintenant à mettre en pratique ce qui a été promis. Quelques chiffres m’ont alerté aujourd’hui comme 3 % de stations de métro accessibles… Vigilance, c’est le maître-mot. »
Clément Rémond, co-président de la FSGT93
« Avec le Prisme, on est dans le concret. Il préfigure l’héritage paralympique. La FSGT a été impliquée depuis le début, aux côtés d’autres acteurs, dans ce projet, pour réfléchir à ses enjeux de pratique sportive et d’insertion professionnelle. Côté FSGT, on milite vraiment pour les lieux de pratique de proximité qui sont encore trop rares. Notre Festival des pratiques partagées qui se tient une fois l’an nous sert à sensibiliser à ces questions, mais surtout à créer des dynamiques plus pérennes comme nous l’avons déjà fait à Bobigny, Stains et prochainement à Saint-Denis, où chaque semaine se déroulent avec l’aide des villes et du Département des pratiques multi-sports destinés aux personnes handicapées. »
Six sites paralympiques en Seine-Saint-Denis
Si la carte des sites olympiques était connue depuis longtemps, celle des sites paralympiques ne l’était pas encore. La journée du 3 décembre a donc aussi été l’occasion pour le COJO de la dévoiler. Du 28 août au 8 septembre 2024 – dates de la compétition – deux grandes zones hébergeront donc les épreuves paralympiques : Paris intra-muros et la zone du Grand Paris, où la Seine-Saint-Denis se retrouve bien dotée. On se doutait que le para-athlétisme aurait lieu au Stade de France et la para-natation dans la nouvelle piscine temporaire juste à côté. Mais il y aura en plus la boccia (cousine de la pétanque) dans un centre aquatique de Saint-Denis adapté pour l’occasion, le centre de tir à La Courneuve, les phases préliminaires de basket-fauteuil et le rugby-fauteuil à l’Arena du Bourget.
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