Le plus grand quartier culturel européen bientôt à Romainville
La fondation FIMINCO a ouvert au public un gigantesque pôle encore en devenir dédié à l’art contemporain, dans un ancien site industriel du quartier de l’Horloge. Il hébergera entre autres les réserves du Fonds Régional d’Art Contemporain (FRAC) d’Île-de-France, dont la première pierre a été posée le 15 octobre.
Ce quartier dénommé Komunuma, soit « communauté » ou « commune » en espéranto, a ouvert ses portes aux visiteurs le 20 octobre, parachevant le week-end de la FIAC. Cet immense espace culturel sera définitivement achevé à l’automne 2020 avec la mise en fonctionnement d’une halle d’exposition, d’une résidence d’artistes, des réserves du FRAC d’Île-de-France et d’une école de design et de mode.
Des espaces mutualisés au service de l’art contemporain
Les bâtiments des anciens laboratoires pharmaceutiques Roussel-Uclaf, situés à quelques minutes à pied de la station Bobigny-Pantin-Raymond Queneau connaissent une transformation monumentale. La fondation FIMINCO, émanation d"une foncière spécialisée en immobilier commercial, a réhabilité plus de 11 000 m2 sur le site de la ZAC de l’Horloge et a confié le projet d’aménagement à Freaks, une jeune agence d’architecture. Komunuma est actuellement composée de cinq bâtiments distincts : deux édifices consacrés aux galeries d’art, deux autres dédiés à la fondation FIMINCO et un imposant building où seront entreposées les 1 800 œuvres des réserves du FRAC.
Les galeries Air de Paris, Vincent Sator, In situ Fabienne Leclerc et Jocelyn Wolff et l’association Jeune Création sont à l’heure actuelle ouvertes gratuitement au public. La chaufferie d’une hauteur de 14 mètres et l’espace consacré aux résidences d’artistes seront quant à eux inaugurés début 2020.
À partir de janvier 2020, une vingtaine d’artistes du monde entier (Europe, Amérique du Nord et du Sud, Afrique, Asie…) établiront ainsi leur résidence pour une durée de onze mois. Joon-Young Yoo, originaire de Corée du Sud est ravie de bientôt bénéficier de larges espaces pour ses installations et de « créer une relation avec les visiteurs ». Elle prévoit d’animer des ateliers dans le cadre de projets éducatifs avec les écoles et les associations romainvilloises.
Un pôle culturel évolutif destiné à s’étendre
Le bâtiment des réserves du FRAC d’Île-de-France devrait être opérationnel l’an prochain au printemps et sera ouvert aux visiteur·euse·s sur 25% de sa surface. « Le public pourra choisir lui-même les œuvres qu’il voudra voir grâce à une base de données en ligne », explique Florence Berthout, la présidente de cet organisme.
Le nouveau hub dédié à l’art contemporain soulève l’enthousiasme des élu·e·s et des investisseurs. « Cet écosystème sera le plus grand quartier culturel d’Europe et un repère important à l’est du Grand Paris », se félicite le président de la fondation FIMINCO Gérald Azancot. « Au carrefour de nombreuses disciplines, des arts plastiques et du spectacle vivant, il inclura des espaces d’exposition, de médiation, des ateliers de résidence d’artistes, des studios de mixage ou de vidéo et à terme une salle de spectacle de 700 places ».
La fondation FIMINCO travaille en effet à un élargissement du site qui accueillera sur 46 000 m2 d’autres acteurs culturels : d’autres artistes, de nouvelles galeries, des artisans d’art, l’école new-yorkaise de design et de mode Parsons Paris et des structures du spectacle vivant et de l‘audiovisuel. Ce quartier culturel, qui a tous les atouts pour devenir la future Mecque de l’art contemporain, devrait ainsi bientôt attirer des artistes et visiteur·euse·s du monde entier.
Les Frac, toute une histoire
Alors que les politiques de décentralisation se mettent en place, c’est en 1982 que les Fonds régionaux d’art contemporains sont créés sur la base d’un partenariat Etat / Régions. Ils ont pour mission de constituer des collections publiques d’art contemporain. Sur l’ensemble du territoire français, il en existe 23 avec 35 00 œuvres en réserve de plus de 6 000 artistes.
Le Frac Ile-de-France attend depuis de nombreuses années ce lieu qui lui permettra d’entreposer les œuvres collectionnées et de pouvoir les diffuser dans les meilleures conditions possibles. C’est ce que nous explique son directeur Xavier Franceschi. Entretien.
Comment fonctionne un Frac et quelles sont ses missions ?
Xavier Franceschi : Les Frac sont des institutions qui ont été créées avec deux idées force. La première est de constituer une collection de premier plan dans le champ de la création contemporaine, afin de donner naissance à un patrimoine régional. Au-delà de cette dimension patrimoniale, il s’agit aussi d’aider les artistes, notamment de jeunes générations d’artistes, en leur achetant des œuvres. Pour nombre d’entre eux, il s’agit d’une étape précieuse. Quant à l’autre mission essentielle, c’est que cette collection soit diffusée la plus largement possible sur le territoire régional. Le propre des Frac est de montrer des œuvres d’art issues de ses collections dans des lieux qui peuvent être adaptés. Nous n’avons rien contre le fait d’exposer dans des musées ou des centres d’art, mais l’essentiel est de se rendre dans des lieux où on ne s’attend pas à voir ces œuvres d’art. Des lieux susceptibles de pouvoir engager un partenariat intéressant pour montrer cette création au public.
Basé à Paris, dans le 19e arrondissement, les réserves du Frac vont se retrouver à Romainville. Dans quelles conditions ce projet a-t-il pris corps ?
Xavier Franceschi : Cela fait des années que l’on recherche des réserves et que moi, en particulier, je visite de nombreux lieux et rencontre des collectivités intéressées à accueillir le Frac et ses réserves. Romainville en faisait partie d’autant plus que j’avais visité le lieu et qu’un des bâtiments aurait pu être mis à notre disposition. Cela ne s’est pas fait à l’époque, mais aujourd’hui, avec l’acquisition par le groupe Fimenco et son projet culturel, nous allons intégrer cet ensemble associant des acteurs de statuts très différents. Au-delà de la nécessité pour nous de trouver des espaces de réserves, il y a un formidable potentiel de synergie entre ces acteurs différents ayant tous en commun la défense de la création contemporaine.
Le Frac Ile-de-France est présent actuellement dans plusieurs lieux…
Xavier Franceschi : Nous sommes implantés dans le 19e arrondissement avec le Plateau, un lieu historique qui a ouvert en 2002, à partir d’une initiative citoyenne d’habitants qui souhaitaient avoir un lieu dédié à l’art contemporain. De sa création en 1982-1983 à cette date, le Frac n’avait pas de lieu… Nous étions un des derniers dans ce cas. Il ne s’agit pas pour nous de montrer la collection, mais d’inviter des artistes à monter des projets, produire des œuvres nouvelles, sachant que la collection est diffusée à l’extérieur, hors les murs. Plus récemment, le Frac s’est doté d’un deuxième lieu, en Seine-et-Marne, le château de Rentilly complètement réhabilité par l’artiste Xavier Veilhan. Et puis en 2020, nous aurons nos réserves à Romainville.
La Seine-Saint-Denis n’est pas une terre inconnue pour le Frac d’Ile-de-France ?
Xavier Franceschi : Il y a quelques années, nous avons développé de nombreux projets sur ce territoire, notamment des projets nomades. Avec des expos itinérantes, – la première s’appelait « Parade » – un peu à la manière des cirques forains, nous sommes passés par La Courneuve, Romainville pour présenter des pièces de la collection. Et cela a formidablement bien marché car les gens ne se posaient pas la question de l’art contemporain… Pas d’angoisse de seuil, devant l’entrée ! Tout le monde y allait !
Propos recueillis par Claude Bardavid
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