Festival Cinébanlieue, l’amour existe, l’urgence aussi
Du 5 au 15 novembre, le festival Cinébanlieue prend une nouvelle fois le pouls de la création dans les quartiers populaires. Et dresse cette année le constat d’une urgence sociale, à travers des films comme « Hors Normes » ou « Les Misérables », de Ladj Ly, qui viendra clore en avant-première cette édition.
L’Amour existe ! proclame cette année le festival Cinébanlieue, comme s’il fallait s’en convaincre. Derrière cette exclamation se cache en fait une double thématique : elle est à prendre au sens littéral du terme avec des films comme « Hors Normes », œuvre du duo Toledano-Nakache qui rend hommage au travail associatif colossal de deux hommes pour des enfants autistes et leurs familles. Mais elle est aussi à prendre comme une référence au documentaire du même nom de Maurice Pialat, qui montrait au début des années 60 la violence que peut recouvrir une vie en banlieue, synonyme de relégation et d’exploitation de l’homme par l’homme.
« Dans ce film, Pialat lance un cri d’alerte sur la banlieue : il y dit sa rage de voir des vies reléguées et écrasées, avec un avenir empêché. On peut considérer que Rabah Ameur Zaïmeche, dont nous passons en ouverture « Terminal Sud » et Ladj Ly, avec « les Misérables », ne disent pas autre chose aujourd’hui », explique Aurélie Cardin, directrice du festival Cinébanlieue depuis ses débuts en 2005.
Du film d’ouverture – « Terminal Sud » raconte une situation de guerre civile dans un pays imaginaire, à mi-chemin entre la France et l’Algérie, où un médecin incarné par un Ramzy Bédia voit commettre plusieurs assassinats ciblés sous ses yeux – au film de clôture, « Les Misérables », tourné à Montfermeil, là même où Victor Hugo avait situé il y a un siècle et demi sa pension Thénardier, le festival trace donc le tableau de quartiers et même plus généralement d’un pays en tension (« Les Misérables » est d’ailleurs en lice pour représenter la France aux Oscar).
Un tableau heureusement tempéré mais pas annulé par le prisme de certaines comédies, se servant de l’ironie ou de l’humour comme thérapie. Il en va ainsi de « Jusqu’ici tout va bien », de Mohamed Hamidi, satire sociale efficace qui dénonce les préjugés mutuels que peuvent nourrir « Parisiens » et « banlieusards » les uns envers les autres. Ou du baroque « Merveilles à Montfermeil » : ce film de Jeanne Balibar, pour lequel la maxime « L’Amour existe » s’applique… à merveille, met en scène une gestion municipale atypique, sublimée par l’amour contrarié que se vouent deux élus.
« Hors Normes », film du duo Nakache-Toledano grand producteur de comédies à succès, mérite cette fois davantage l’étiquette de film social, tant il montre le sacrifice de deux hommes - Daoud Tatou et Stéphane Benhamou à travers son association dionysienne « Le Silence des Justes » – pour prendre en charge des enfants autistes à une époque où le regard n’y était pas du tout sensibilisé. Daoud Tatou, fondateur du Relais Ile-de-France, sera d’ailleurs présent lors de la projection le 6 novembre à L’Ecran de Saint-Denis, en présence aussi de Reda Kateb, parrain de longue date du festival.
Mais le cœur de la manifestation étant aussi de faire vivre la jeune création et des inédits, il faut insister sur les 9 courts-métrages en compétition. Qui succédera ainsi à Daouda Diakhaté et à ses « Bulles d’air », court qui montrait le retour dans sa cité d’un jeune homme, marqué par un séjour en hôpital psychiatrique ? Plusieurs œuvres semblent en tout cas proposer des réflexions originales et en prise avec le temps. « Amal » et « Bleu Blanc Merde » traitent ainsi du dilemme entre acculturation et exclusion auquel se heurtent certains jeunes Français issus de l’immigration. « Yasmina » et Numéro 10 » nous livrent quant à eux deux portraits de jeunes femmes, qui ont pour point commun de pratiquer toutes deux le football et ce que cela implique de résistance à des stéréotypes de genre. Assez fin, « Sonnez après minuit », court loufoque sur un vampire exproprié de son caveau du Montparnasse pour un HLM de banlieue – sorte de déclinaison SF de « Jusqu’ici tout va bien » - vaut aussi le détour !
Se déroulant comme tous les ans à l’Ecran de Saint-Denis, au Djamel Comedy Club et à l’UGC Ciné Cité Paris 19e, le festival ajoute cette année un nouveau lieu à sa palette, en organisant une journée à Commune Image, société de production et post-production de films installée à Saint-Ouen. Le 12 novembre, « Les gens ils croient trop », film du Bondynois Jean-Pascal Zadi, sera ainsi projeté dans cette ancienne tannerie, avec d’autres œuvres. L’amour existe, et ce festival plus que jamais !
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