Travailleurs sociaux : la Seine-Saint-Denis s’active face à l’urgence de métiers en souffrance
Crise des vocations, conditions de travail dégradées, manque de personnel, le secteur médico-social souffre tout comme le public vulnérable et les enfants qu’il s’évertue à protéger. Un dossier que veut porter le Département de la Seine-Saint-Denis au-delà des revalorisations salariales actées par une récente Conférence sociale. Explications.
« Nous n’attendons pas forcément de « miracles » du jour au lendemain, mais nous voulons au moins être entendus... » Première à ouvrir le tour de table qui réunissait, mercredi 16 février, Stéphane Troussel, le président du Conseil Départemental et une dizaine de travailleurs sociaux du 93, Audrey Cudon-Jacques, assistante sociale à La Courneuve, pose clairement les clés de la rencontre du jour. En amont de la Conférence des métiers de l’accompagnement social et du médico-social (lire notre encadré) organisée le 18 février par le gouvernement, celles et ceux qui œuvrent au quotidien pour une société plus solidaire, sont venus exposer à Stéphane Troussel la réalité de leurs missions.
Des témoignages qui vont compter pour le Président du Département, quarante-huit heures plus tard, à l’heure de porter la parole de la Seine-Saint-Denis lors cette conférence. « Faire un point sur vos métiers m’a semblé nécessaire, a exposé en introduction celui qui siège également au sein de l’Assemblée des départements de France. Aussi bien sur les questions de rémunération, de diplômes ou de conditions de travail. Il suffit de venir chez vous pour voir que des choses ne vont pas... » L’étroitesse des bureaux montreuillois de la circonscription d’Aide Sociale à l’Enfance traversés pour accéder à une toute aussi étroite salle de réunion laisse, en effet, imaginer pas mal des difficultés du quotidien.
« L’océan vidée à la petite cuillère... »
Mais, les travailleurs sociaux se sont, malgré eux, « habitués » à ces conditions. Chargée, entre autres, du recrutement des assistant·e·s familiaux employé.e.s par le Département, afin d’accueillir les bénéficiaires des services de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE), Elodie Taburet dit « avoir parfois l’impression de vider l’océan avec une petite cuillère. Très souvent, on fait du « bricolage » parce qu’on manque de places pour accueillir les enfants, de temps pour former les assistant.e.s, de locaux pour les accueillir dignement. De tout en fait. Mais, c’est une mission prenante qui fait, qu’au bout de 24 ans au service du Département, je ne me vois pas faire autre chose ! »
Un dévouement et un engagement qui ne tiennent pas toujours bons. Du côté du Service d’Accueil de Jour (SAJ) et de soutien à la parentalité où elle officie à La Courneuve, Audrey Cudon-Jacques peut en témoigner : « En presque cinq ans, je n’ai jamais pu m’appuyer sur une équipe complète, regrette-t-elle. Certains se découragent. Pourtant, c’est bien le collectif de nos métiers, éducateurs.rices spécialisés.es, éducateurs.rices de jeunes enfants, conseiller.res en économie sociale et familiale, psychologues ou puériculteurs, qui peut permettre de réassurer les parents dans leurs rôles. »
Une urgence à agir
Ce manque d’attractivité des métiers du social, Stéphane Troussel l’a aussi maintes fois constaté : « Ce n’est pas faute pourtant de disposer, aujourd’hui, des budgets pour recruter et de mener des campagnes de présentation de vos métiers. Mais, vous avez sûrement des idées sur le sujet... »
Réponse de la salle : « Il faudrait, déjà, aller voir les jeunes dans les écoles de formation. Qu’ils puissent mieux se représenter nos missions, nos équipes. »
D’autres problèmes, d’autres manières de les affronter vont ensuite continuer d’animer une réunion de plus de deux heures conclue par l’engagement de Stéphane Troussel de « trouver toutes les solutions possibles pour vos métiers parce qu’il y a une urgence à agir au moment où des missions commencent à ne plus pouvoir être exercées, faute de professionnels, faute d’attractivité de vos professions. En Seine-Saint-Denis, nous devons faire un saut qualitatif sur cette année 2022 sur notre réponse sociale. Si nous voulons aller vers le modèle d’une société du « care », bienveillante et attentive aux autres, il faut s’en donner les moyens... »
En clôture de la « Conférence des métiers de l’accompagnement social et médico-social », vendredi 18 février, le gouvernement et les conseils départementaux ont acté un effort financier de 1,3 milliard d’euros pour augmenter les rémunérations mensuelles – à hauteur de 183 euros- de quelque 170.000 travailleurs sociaux. Une enveloppe qui sera prise en charge à 70 % par l’État. Le solde étant assumé par les Départements. A côté de cette revalorisation, les pouvoirs publics doivent également débloquer 500 millions d’euros par an pour financer une hausse globale des salaires, dans le cadre d’une nouvelle convention collective, unique pour toute la branche et négociée à l’horizon 2024.
Des annonces que le Président du Conseil départemental de Seine-Saint-Denis, prévoit déjà de suivre de près pour qu’il n’y ait « pas d’oubliés » parmi les professionnel·le·s du travail social qui bénéficieront d’augmentations. Par ailleurs, Stéphane Troussel a aussi « alerté » sur le fait que « les départements n’ont pas de planche à billets (...) J’ai une crainte sur la création de nouvelles inégalités entre territoires quand les départements qui ont moins de moyens que d’autres devront faire des arbitrages financiers. »
Légende photo : Réunion de travail à Montreuil. Crédit photo : Jean-Louis Bellurget
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