Festival Stains Théâtre

Stains à la conquête d’Avignon

Du 8 au 14 juillet, un collectif de comédiens amateurs de Stains est venu découvrir le festival d’Avignon, dans les coulisses de la pièce du Studio Théâtre de Stains, « Tous mes rêves partent de gare d’Austerlitz ». Reportage avec ces huit passionnés qui profitent à fond de l’aventure.

Yoann dit « n’en avoir pas dormi la veille du départ ». Fazya veut repartir « avec un maximum d’images en tête ». Venus n’en revient pas de voir tant d’affiches vantant les spectacles sur les murs. Depuis lundi et jusqu’au dimanche 14 juillet, huit Stanois, pratiquants amateurs dans le cadre des ateliers du Studio Théâtre de Stains (STS), vivent leur tout premier festival d’Avignon. Grâce à la ville et aux fonds de la Politique de la ville, ils ont reçu une aide pour accompagner le STS, qui présente cette année « Tous mes rêves partent de gare d’Austerlitz », de Mohamed Kacimi et Marjorie Nakache, au plus grand festival de théâtre du monde.
Le but de ces huit chanceux : promouvoir cette pièce sur une prison pour femmes qu’ils ont vue de multiples fois et bien sûr profiter de cette expérience unique. « On s’est fait une liste des spectacles qu’on veut voir : pour l’instant, on a vu Caillasse, un spectacle assez atypique de clowns que j’ai bien aimé et aussi un numéro d’hypnotiseur. Ici, il y en a pour tous les goûts », raconte Fazya, postée devant le théâtre du Verbe Incarné, où joue « Tous mes rêves... »
Pendant que cette travailleuse sociale nous explique son amour du théâtre, d’autres membres du collectif - Aylin et Amelia - aident Nel, un graffeur de Stains, à installer une bâche de cellophane entre deux poteaux. «  Tous les jours, Nel réalise une fresque éphémère à l’effigie de la pièce, ça fait toujours son petit effet », explique Djoudi Dendoune, chargé de communication à l’espace Paul-Eluard de Stains et par ailleurs comédien dans une autre pièce du Studio Théâtre.

JPEG - 52.2 kio

Graff, tractage, réalisation d’un documentaire pour tous les Stanois restés à la maison : chacun des huit « envoyés spéciaux » s’emploie d’une autre manière. C’est que cette pièce et leur théâtre, ils l’aiment. « C’est une fierté pour moi que cette pièce soit à Avignon, témoigne Martine, animatrice en centre de loisirs qui a commencé le théâtre il y a 11 ans pour vaincre sa timidité. Ça l’est d’autant plus qu’une de mes amies de lycée, Jamila Aznague, y joue. »
« Si je suis fier du Studio Théâtre ? Bien sûr ! », renchérit Yoann, comédien amateur depuis sa première année de lycée. On a besoin de ces lieux-là, parce que ce sont des lieux d’expression. Si on n’a pas ça, on étouffe. Le STS, c’est aussi un lieu de lien social, on y fait des rencontres qu’on n’aurait peut-être jamais faites sans ça. », insiste ce facteur venu au théâtre par goût des histoires. « Quand je vais voir une pièce, j’aime qu’on me fasse voyager. Alors quand je joue, je me pose la question de si je fais voyager les autres ».
Pour Vénus, cette passion est plus récente, mais pas moins dévorante. « Très franchement, il y a encore trois ans, je ne pensais pas que le théâtre me serait accessible. Comme on peut avoir des stéréotypes sur les gens de banlieue, moi j’en avais sur le théâtre », reconnaît sans détours cet informaticien de 40 ans. « Et puis, j’ai poussé la porte du Studio Théâtre de Stains sur un coup de tête. Je pensais que ça n’allait rien donner, parce que j’imaginais qu’on me dirait que je ne faisais pas l’affaire. Mais pas du tout : c’était vraiment ouvert à tout le monde, c’est comme ça que j’ai pris goût. », explique celui qui avec le reste de la troupe a co-écrit un spectacle sur le thème de la crise.

JPEG - 36.5 kio

Une scène de "Tous mes rêvent partent de gare d’Austerlitz"

« La force du Studio Théâtre de Stains, c’est vraiment de défendre cette idée de culture pour tous, ponctue Djoudi Dendoune. Et venir à Avignon avec un collectif d’habitants, c’est dans la même philosophie : on leur dit ainsi que le festival d’Avignon c’est pour tout le monde, et on rend aussi visible nos productions. Car un Molière produit en banlieue est tout aussi respectable qu’un autre Molière. »
« Le travail du Studio Théâtre est vraiment exemplaire, corrobore Greg Germain, fondateur du Théâtre de la Chapelle du Verne Incarné (Théâtre des Outre mers en Avignon) qui accueille la pièce pendant ces trois semaines. Il y a 22 ans, quand j’ai poussé la porte du STS, j’y ai vu des Arabes, des Noirs originaires d’Afrique noire, des Antillais, des Blancs, bref la France d’aujourd’hui, mais qu’on ne voit pas tellement dans les autres salles », se souvient cet homme de théâtre qui les a donc tout naturellement programmés cette année (pour la 4e fois) à Avignon, dans son théâtre ouvert à l’ « archipel France ».
Le temps de refaire le monde, la fresque de Nel est prête. Venus sort l’appareil photo. Les premiers festivaliers s’arrêtent immanquablement devant le beau train sur cellophane qui part de gare d’Austerlitz. Les rêves de huit Stanois resteront eux longtemps au festival d’Avignon.

Christophe Lehousse (en direct d’Avignon)

- "Tous mes rêves partent de gare d’Austerlitz" joue en Avignon jusqu’au 27 juillet, Théâtre de la Chapelle du Verbe Incarné- Théâtre des Outre-Mers en Avignon, à 18h (relâche le jeudi)

Dans l'actualité