« Saint-Denis en long, en large et en travers » : quand de jeunes Dionysiens remontent le temps
« Saint-Denis en long, en large et en travers » sera projeté à la Médiathèque du centre-ville de Saint-Denis le 16 novembre dans le cadre du festival « Regards Neufs : filmer l’Ile-de-France ». D’une grande qualité, ce film façonné par un documentariste et des jeunes de la ville et en partie financé par le Département, nous fait voyager dans le millefeuille du temps dionysien.
« Si j’avais des cours comme ça, j’irais à l’école tous les jours ! Bon, même si c’est déjà ce que je fais », concède Gabrielle. Ce matin des vacances de la Toussaint- et d’Halloween- , la jeune fille de 4e, accompagnée de ses deux triplettes, Nathanaëlle et Raphaëlle, retrouvent leurs copains lycéens Athos, Zinédine et Mehdi au premier étage de l’unité archéologique de la Ville de Saint-Denis. Cédric Michel, documentariste de l’association BouTàbouT, son adjuvant Benoît Peytavin et Christelle Amand-Chamousset, la médiatrice de l’unité archéologique de la Ville de Saint-Denis, les y attendent de pied ferme. Avec un micro sur trépied, une perche, des casques et un diaporama de soixante photos de tournage à commenter. Pendant toute la journée, jeunes et encadrants vont se relayer pour enregistrer le « making of » de l’aventure qu’ils ont vécue ensemble ces deux dernières années : la réalisation du documentaire « Saint-Denis, en long, en large et en travers ».
Conteuse de l’invisible
« Tout est parti d’une discussion que j’ai eue avec un archéologue de la Sorbonne, pour un autre documentaire. A la fin de son interview, on a discuté des ateliers d’éducation à l’image que j’animais. Il m’a tout de suite dit : « Ce serait une super médiation pour l’archéologie. L’unité de Saint-Denis fait du super boulot par exemple. Voilà comment j’ai été mis en contact avec Nicole Rodrigues, la directrice de l’unité d’archéologie de Saint-Denis », commence Cédric Michel.
Dès lors, le documentariste imagine un dispositif en trois volets. « Je voulais qu’on suive un chantier d’archéologie préventive de A à Z, qu’il y ait une balade urbaine animée par une conteuse, quelqu’un qui passerait quelque chose d’invisible, et des intermèdes humoristiques sur Saint-Denis dans 3 000 ans », décline le réalisateur. Il devra encore attendre deux ans pour que des financements soient débloqués par la ville et le Conseil départemental et le dispositif Passeurs d’Image : au total, 28 000 euros et des mises à disposition de locaux ou de matériel.
En 2018, l’atelier peut commencer. Pendant les vacances de la Toussaint, les jeunes Dionysiens qui s’étaient portés candidats partagent leur journée en deux : puzzle de poteries médiévales le matin, découpage papier et animation vidéo sur fond vert l’après-midi. A quoi ressemblera Saint-Denis en l’an 3000 ? « On a imaginé que dans le futur, plus on irait haut dans le ciel, plus on devrait payer des taxes. Les riches seront en haut, et les pauvres en bas. Et puis tout serait végétalisé, même la flèche de la cathédrale », rappelle Athos, dessinateur central des images de « stop-motion ».
Une descente dans le temps
Etape n°2, pendant les vacances de février : la descente dans le chantier de fouilles, caméra au poing. « On a eu beaucoup de chance, car nos dates d’ateliers sont tombées pile sur celles d’un chantier d’archéologie préventive, ce qui n’était pas du tout évident ». Là, les adolescents se frottent à la caméra, les archéologues se plient au jeu de l’interview, et ce malgré des conditions extrêmes : il fait moins 15°. Le froid empêche Athos de maintenir haut sa perche son malgré ses huit couches de chaussettes. Un mois plus tard, en avril, c’est l’inverse, le thermomètre affiche trente degrés. Mais la fouille continue : sur ce genre de chantiers, le temps est compté car les archéologues sont pressés par les promoteurs. Pourtant, les ados ne boudent pas leur plaisir : « Descendre dans un chantier, c’est comme descendre dans le temps. C’est de la mini-histoire : par exemple dans le sol il y avait une couche qu’on ne pouvait pas fouiller parce que c’était pollué, à cause d’un ancien garage automobile. Alors que si ça se trouve il y avait des trucs super wahou », indique doctement Raphaëlle.
Les jeunes apprennent le cinéma de terrain : comment échapper au bruit infernal de la pelleteuse, trouver la bonne distance avec son sujet, mettre au point un beau cadre, échapper au contre-jour. « Sur la balade avec l’archéologue, on avait pas le droit à l’erreur. Si on ratait, c’était fichu », se souvient Athos. Côté son, on trouve Nathanaëlle et Gabrielle, pour qui la caméra est trop lourde, Mehdi, déjà chroniqueur sur les ondes de la radio dionysienne Déclic, et Zinédine, qui « aime bien ne pas faire de bruit ». « Dans le film, le son et l’image sont désynchronisés, ce qui a permis de séparer les équipes et diviser le travail. Certains devaient réaliser des plans fixes de lieux et d’ambiances qu’ils auraient aimé transmettre aux historiens du futur. D’autres allaient faire des micro-trottoirs de Dionysiens sur leur mémoire de la ville », relate Cédric Michel.
« 25 euros le DVD »
Mais les jeunes s’imprègnent surtout de l’esprit de l’archéologie. « La photo d’illustration que vous avez choisie pour l’invitation à la projection témoigne du chemin parcouru. C’est la photo d’un trou. Vous avez compris que l’archéologie, ce n’est pas forcément spectaculaire », analyse Christelle Amand-Chamousset, chargée d’action culturelle à l’unité d’archéologie. « L’archéologie, c’est pas des trésors ! Un bout d’os ou un petit bout de chaussure peut nous indiquer plus sur les habitudes de nos ancêtres qu’une pièce en or ou un temple », s’écrie Raphaëlle, bonne élève. Christelle tempère : l’unité d’archéologie ne cracherait non plus sur de telles découvertes.
A l’issue de ces deux années d’intense travail, Cédric Michel a monté les images et le son selon un plan défini avec cinéastes en herbe. « Pour moi, l’écriture d’un film se fait pendant son tournage et son montage, pour laisser la place à l’impromptu ». Et après deux visionnages sur l’écran de l’Ecran, cinéma incontournable de Saint-Denis, ce fut la projection officielle, le 15 juin dernier, à l’occasion des journées nationales de l’archéologie. « Quand on a visionné les images, je me suis dit génial ! Je savais qu’on serait fiers d’avoir fait ça mais je ne m’attendais pas à cette qualité », se félicite Raphaëlle. Quant à Zinédine, il ne perd pas le nord : « On va vendre le DVD 25 euros ! On va aller au festival de Cannes ! ». Vous pourrez les aider à grimper une première marche vers ce fol objectif en étant au rendez-vous le 16 novembre à 14 heures pour une balade urbaine menée par Christelle et une spécialiste de l’architecture de Saint-Denis, puis pour assister au film à 16h, à la Médiathèque de Saint Denis.
Rendez-vous samedi 16 novembre à 14h pour une balade urbaine
puis à 16h pour la diffusion du documentaire à la Médiathèque de Saint-Denis, 4 place de la Légion d’Honneur
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