RéaVie, l’association qui donne une seconde vie aux matériaux du BTP
L’association environnementale RéaVie développe le réemploi de matériaux de construction afin de réduire les déchets du secteur du BTP. Mais son activité est également sociale puis qu’elle forme des personnes en insertion professionnelle. Reportage à La Courneuve, sur une des trois plateformes que compte cette structure.
Depuis sa création en 2017, l’association RéaVie n’a qu’un seul credo : aucun matériau de construction potentiellement réutilisable ne doit finir à la benne. Un challenge difficile à tenir mais qui répond à un enjeu de taille : réduire l’impact environnemental du BTP qui, d’après le ministère de la Transition écologique, est le champion toutes catégories de la pollution et des émissions de gaz à effet de serre (45 % de la consommation énergétique et 27 % des émissions de CO2 en France lui ont été attribuées en 2018).
Pour mener à bien sa mission, RéaVie s’est dotée de trois plateformes, toutes situées en Ile-de-France, à la Porte d’Ivry (Paris 13e), Antony (Hauts-de-Seine) et à La Courneuve. Cette dernière, qui agit principalement sur les chantiers du nord de Paris, a trouvé refuge dans les anciens entrepôts de la société de métallurgie KDI, à deux pas du RER, et s’étale sur une surface de 1 500 m2. Une occupation provisoire : d’ici à la fin de 2022, le terrain sera rétrocédé à Plaine Commune où l’intercommunalité entend bâtir un nouveau projet urbain.
En attendant, l’espace est bien occupé. Dans sa parcelle, l’association a entreposé sur plusieurs mètres d’étagères, des tables, des chaises, des sanitaires, des radiateurs, des luminaires mais aussi des matériaux bruts comme des planches de bois, des plaques de plâtre, des câbles, de la robinetterie, etc. « Nous faisons sur nos plateformes du diagnostic ressources, une étude qui permet d’identifier les matériaux potentiellement réemployables, explique Lambert Dauvillier, membre de RéaVie et coordinateur de la plateforme de La Courneuve. Chaque année les chantiers en France génèrent 230 millions de tonnes de déchets. Parmi ceux-ci, 41 millions sont réutilisables. C’est dans ce contexte que nous souhaitons inscrire notre action. Nous sommes persuadés que le réemploi de matériaux de BTP est un levier intéressant pour construire une économie circulaire et encourager le développement économique local autour de nouveaux métiers. »
4 employés en contrat d’insertion professionnelle
L’équipe de Lambert intervient sur les chantiers de démolition du secteur public et du secteur privé, de la maison du particulier au plateau de bureau. C’est à Saint-Ouen que l’association a réalisé sa plus grosse opération : 6 000 m2 de bureaux ont ainsi pu être déblayés. Après avoir sélectionné les matériaux de second œuvre promis à une seconde vie, ceux-ci sont récurés, réparés, reconditionnés et redistribués à des associations, des entreprises et des artisans. Les produits finis, dont certains ressemblent à de vraies œuvres d’art – tel ce tabouret dont les pieds ont été conçus à partir de sprinklers (système automatique de protection incendie) - sont aussi vendus sur place, dans l’espace boutique, ouvert aux professionnels comme aux particuliers (le mardi et le vendredi de 9h à 17h). « En venant dans notre entrepôt, il est possible de meubler sa maison rien qu’avec des matériaux de réemploi, souligne Lambert, architecte et maçon de formation. Pour autant, nous ne sommes pas des antiquaires. On propose plutôt un contre-modèle car il n’a aucune valeur ajoutée, on inclut seulement dans nos tarifs à vocation solidaire le coût de reconditionnement et le temps de main d’œuvre. » D’après lui, les produits issus du reconditionnement sont 50 % moins chers que le neuf.
L’activité de l’association est également sociale puisque celle-ci forme des personnes en insertion professionnelle aux métiers du réemploi et du bâtiment. A la Courneuve, RéaVie compte quatre employés en contrat d’insertion. Tous ont été formés au métier de « technicien valoriste ». « Ils participent à toutes les étapes du réemploi : déconstruction, transport, stockage, reconditionnement et revente », précise le coordinateur. Un parcours complet et riche en nouvelles compétences à même d’offrir de nombreux débouchés à la sortie. Parmi eux, Hafeda, 53 ans, aujourd’hui responsable de la boutique et du reconditionnement. « J’ai commencé ici en octobre après être passé par la case Pôle emploi, raconte cette habitante de Stains. Le recyclage, la collecte, l’adoption de nouveaux gestes et de nouveaux comportements étaient des notions déjà bien ancrées en moi car j’ai précédemment exercé comme éco-animatrice dans le secteur du compostage. Le domaine est différent mais je ne suis pas dépaysée. » Un peu plus loin, Mohssine, 31 ans, est fier : il vient de réaliser et de poser une grande porte en bois qui désormais sépare l’atelier de fabrication du reste de l’entrepôt. « Sous la direction de Jaz, notre menuisier, j’ai pris les mesures du cadre et débité le bois moi-même, j’ai aussi posé les charnières, assure le jeune homme diplômé en plomberie arrivé il y a un an. Grâce à cette formation, je suis devenu polyvalent. J’ai des compétences en menuiserie, en tant que plaquiste et même électricien. Je pourrais construire ma maison tout seul (rires). » Cette politique d’insertion fait écho au protocole d’accord que le Premier ministre Jean Castex et Stéphane Troussel, président du Département de la Seine-Saint-Denis ont signé en septembre dernier pour expérimenter la renationalisation du financement du RSA. Un dispositif entré en vigueur en janvier pour une durée de cinq ans qui va permettre au Département de doubler les crédits d’accompagnement des personnes en insertion.
Pour développer et affiner ses techniques en matière de réemploi, RéaVie a prévu cette année de créer un catalogue en ligne et d’ouvrir des boutiques éphémères sur les chantiers directement pour « éviter le transport et alléger le stockage », confie Lambert. L’association envisage également de rencontrer les autres acteurs de la filière à travers un tour de France du réemploi. « Un projet open source puisque l’objectif est de proposer notre savoir-faire tout en nous nourrissant de l’expertise des autres. L’idée est de mutualiser nos forces et d’associer à cette démarche les acteurs puissants du bâtiment, les bureaux de contrôle, les assureurs, les centres techniques… » Enfin, l’acteur de l’économie circulaire compte poursuivre ses ateliers participatifs avec le grand public pour sensibiliser à la problématique des déchets et développer l’attrait des métiers du bâtiment.
Grégoire Remund
Photos : ©Sophie Loubaton
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