Quand la restauration fait reculer les idées reçues...
L’association L’Oeuvre Falret* a installé en septembre une partie de ses activités dans un bâtiment de l’ancienne filature Cartier-Bresson à Pantin. Parmi celles-ci, l’Établissement et service d’aide par le travail (ESAT) Le Colibri dédié aux métiers de la restauration emploie 56 travailleur∙euse∙s en situation de handicap psychique qui préparent plus de 800 repas par jour. Reportage derrière les fourneaux.
« Attention à bien intercaler les pâtes chocolatées et vanillées dans le moule à madeleines » rappelle le pâtissier Francis à Gérald, plutôt fier d’avoir réussi une recette qu’il ignorait jusqu’alors. Ce cuisinier de 43 ans, souffrant de troubles obsessionnels compulsifs (TOC) travaille depuis 11 ans pour l’ESAT le Colibri situé auparavant dans le 13ème arrondissement de Paris. À la manoeuvre depuis 7 heures du matin, il prépare des plats - faits maison avec des produits de saison - qui seront livrés à des seniors dans le cadre du portage de repas à domicile ou à des entreprises intéressées par la prestation traiteur de l’établissement.
Un accompagnement sécurisant et individualisé
L’ESAT pantinois travaille en partenariat avec des associations locales aidant les personnes handicapées à améliorer leur vie sociale. Les travailleur∙euse∙s sont accueilli∙e∙s par des moniteurs qui leur apprennent le métier. « Nous cherchons à les rassurer le plus possible sur leurs compétences en leur donnant des indications claires pour les aider à trouver leur place » explique Frédéric, chargé des commandes et superviseur de la structure. « On les voit s’ouvrir et prendre petit à petit confiance en eux, ce qui est un vrai bonheur pour nous ».
Ghania, « entrée » au Colibri en 2013, a tout de suite aimé l’ambiance familiale de la structure et la polyvalence des activités de restauration. « Le foyer Falret** m’a permis d’avoir un toit et de me stabiliser par rapport aux médicaments. Je me sens plus sereine sachant que la paye va tomber à la fin du mois ». Les personnes accompagnées insistent toutes sur « l’empowerment » permis par l’activité professionnelle, à l’instar de Khadim, qui accompagne maintenant son enfant à l’école tous les matins en se sentant « comme un être normal ».
Avec pour certains 30 ans d’ancienneté, les salarié∙e∙s ont tissé des liens d’amitié entre eux∙elle∙s et avec les client∙e∙s à Paris et en Seine-Saint-Denis. Souvent livreurs des repas confectionnés, ils∙elle∙s ont le plaisir de rencontrer « leurs habitués », des seniors souvent isolé∙e∙s sorti∙e∙s momentanément de leur solitude.
Une mutation spectaculaire de l’ESAT
Pour favoriser encore davantage leur insertion sociale, l’équipe dirigeante du Colibri a multiplié les ateliers culinaires à destination des habitant∙e∙s. Elle a également inauguré un FabLab dédié à la cuisine qui accueillera les professionnel∙le∙s, restaurateurs ou non, ayant besoin d’un espace de travail pour développer leur activité. « Nous les mettrons en contact avec nos travailleurs et proposerons des projets innovants comme des shows de démonstration ou des activités de teambuilding » déclare le nouveau directeur Bertrand Le Baut.
Ce « laboratoire culinaire » permettra sans doute d’accroître le passage déjà engagé des personnes accompagnées vers des entreprises adaptées, voire des restaurants classiques. Les « Colibris », qui ont assuré des prestations traiteurs à Matignon ou au Conseil d’État, prouvent leurs compétences en séduisant de plus en plus d’entreprises.
Ils∙elle∙s bénéficieront avant la fin de l’année d’un énorme projet de transformation de leur structure en un tiers-lieu de 2500m2 dénommé Les Ateliers 128, qui regroupera aussi une conciergerie, un restaurant de 60 places, un café lounge, des bureaux partagés, des espaces de coworking et un foyer pour des jeunes pris∙e∙s en charge par l’Aide sociale à l’enfance.
« Nous souhaitons changer le regard sur le handicap en créant des brassages de populations qui sont autant d’occasions de rencontres, de partage de connaissances... » s’enthousiasme Sandrine Broutin, directrice de l’Oeuvre Falret. Et comme cette association a bien l’intention d’agir pour les plus vulnérables, un second établissement médicalisé à destination des adolescents et des adultes souffrant de troubles psychiques va bientôt ouvrir à Saint-Ouen, dans le cadre d’un partenariat avec le Département et l’ARS.
Reconnue d’utilité publique, cette association accompagne depuis 180 ans les personnes touchées par des maladies mentales ou en difficulté psycho-sociale. Cette institution, qui doit son nom à Jean-Pierre Falret, un psychiatre du 19ème siècle pionnier dans le champ du médico-social, accompagne aujourd’hui 3700 hommes, femmes et enfants au sein de 42 établissements en France.
** Le foyer Falret est un centre d’hébergement non médicalisé situé à Paris, qui accueille et accompagne des femmes en souffrance psychique. Un accompagnement global leur est proposé pour favoriser leur réinsertion sociale et professionnelle.
Crédit-photo : Nicolas Moulard
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