« Métamorphoses », ou l’art comme échappatoire
Du 5 au 13 avril, la compagnie de théâtre La Fontaine aux images propose sous son Chapiteau à Clichy-sous-Bois sa toute dernière création : « Métamorphoses ». Une pièce sur l’isolement, l’art comme thérapie et les difficultés de l’intégration. Lisa Valverde, son auteure et metteuse en scène, nous en raconte les origines et ses intentions.
Cette pièce vous a été inspirée par l’histoire d’une Clichoise. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Lisa Valverde : "Durant un an, j’ai accompagné sur un projet d’art contemporain 25 à 30 adultes en parcours d’apprentissage de la langue française avec l’association ASTI. J’y ai découvert S., qui a mis plusieurs mois à nous raconter son histoire.
Elle avait été mariée puis répudiée car ne pouvant avoir d’enfant. Elle a cependant rebondi et travaillé pour l’ambassade de son pays, ce qui lui a permis de voyager et de s’émanciper. Jusqu’à ce que sa famille lui trouve un mari en France : un homme de 25 ans plus âgé qu’elle, très traditionaliste, et habitant à Clichy-sous-Bois.
Nous avons compris qu’elle n’avait pas le droit de venir ici, mais elle se débrouillait. Elle venait même avec un volume énorme. Elle avait besoin et prenait plaisir à créer. Elle le faisait déjà avant le projet. Son histoire m’a interpellée."
La pièce s’appelle « Métamorphoses ». À quoi ce titre renvoie-t-il ?
"Pour créer cette pièce, je suis partie du moment où la porte se referme sur le personnage féminin. Elle ne parle pas français, elle est cloîtrée, elle doit servir son mari. J’ai voulu travailler sur cet isolement en me demandant comment on fait pour survivre dans une telle situation, comment on fait pour avoir de l’espoir.
Ses deux portes de sortie sont l’art - qui est un exutoire, une sorte d’auto-thérapie - et ses hallucinations, ses angoisses. Au cours de la pièce, elle va ainsi se métamorphoser, se recroqueviller sur elle-même et se transformer en araignée, parce que les araignées se recroquevillent dans un coin quand on les embête.
Le mari également évolue. Fermé au départ, il va s’humaniser car elle va aller chercher la corde sensible en lui et il va peu à peu se transformer en taupe, en référence à son diabète, qui cause des troubles oculaires et peut dans les cas les plus graves entraîner des amputations des membres."
Le réalisme social est néanmoins très présent.
"Il est présent mais traité de façon assez poétique. J’ai par exemple voulu travailler sur la langue, mettre le public à la place d’une personne qui ne comprend rien. J’ai donc inventé la langue de S. : du français mais absurde, qui doit être traduit. Cela offre un espace très poétique.
Au cours de la pièce, le mari va aussi raconter sa vie, sa venue en France pour travailler chez PSA Citroën, sa vie d’homme traditionaliste, les embûches qu’il a subies. En s’humanisant, il va permettre petit à petit à sa femme de faire ce qu’elle veut, mais cela ne veut pas dire pour autant qu’elle est débarrassée du carcan, que l’intégration va être facile. Le parcours de l’immigration est malheureusement interminable..."
Représentations les 5, 6, 12 et 13 avril
Le Chapiteau de la Fontaine aux Images : Stade Roger Caltot, avenue de Sévigné – Clichy-sous-Bois. Réservations au 01 43 51 27 55, sur le site de La fontaine aux images ou par mail à fontaineauximages@orange.fr
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