Seine Saint-Denis
Lutte contre les violences Bobigny

Les 13es Rencontres Femmes du monde en Seine-Saint-Denis

1 300 personnes ont participé ce 23 novembre aux 13es Rencontres Femmes du monde en Seine-Saint-Denis. Parmi elles, Flavie Flament, auteure de "La Consolation", présidente de la mission de consensus sur le délai de prescription applicable aux crimes sexuels commis sur mineur.e.s. VIDEO.

L’intervention de Flavie Flament en intégralité :

JPEG - 57.8 kio

« Je me disais que pour une fois que ma notoriété pouvait me servir à quelque chose d’intéressant, autant en faire profiter les autres et surtout ouvrir des portes qui d’habitude nous sont fermées. Moi ça a commencé avec un mot : « prescription ». Je faisais souvent des blagues comme ça avec des amis, de la famille. C’est un truc vieux, il y a prescription. Et puis le jour où dans le cabinet d’un avocat j’ai entendu : « Mais vous savez madame Flament on ne peut plus rien faire. Vous avez 39 ans. Pour porter plainte contre votre violeur quand vous aviez 13 ans parce qu’il y a prescription ».
Tout à coup ce mot-là a pris un autre sens dans ma vie. Je me le suis pris en pleine face et j’en ai mesuré la déflagration et son énorme pouvoir de nuisances. Parce qu’en fait quand on est enfant, on ne peut pas s’imaginer une seconde que notre vie, que notre devenir, notre innocence, notre enfance puissent être fauchés de la sorte par un prédateur, par un violeur. Quand on a 13 ans, on n’a pas encore embrassé encore un garçon sur la bouche. On suce encore son pouce le soir quand on s’endort en cachette. On essaye de se débarrasser de ses Barbies en se disant qu’il faut jouer les grands. Et puis tout d’un coup, il y a un sale type qui vous viole. Alors qu’est-ce qu’on fait ? En fait, on se tait. On se tait car le secret il est au fond de vous, il est entretenu par une société qui ne veut pas voir la vérité, par une famille qui est dans le déni, par un prédateur qui vous a fait tellement peur et qui a vous a tellement figée ce jour-là que cette parole est toute petite en vous et vous ne savez pas comment lui donner de la densité, la faire sortir.

Lorsque « La Consolation » est sortie il y a un peu plus d’un an, je n’aurais jamais pu imaginer que cela puisse prendre des allures de combat. En tout cas c’était mon combat. Je voulais m’indigner contre la prescription et puis surtout je voulais désigner l’homme qui m’avait fait tant de mal et dont je pouvais imaginer qu’il avait fait tant de mal à d’autres aussi. Et puis du mot prescription, on est passé au mot consolation. Parce que voilà, personne ne me console. Je vais le faire toute seule. Et ça passera peut-être par une justice publique en dehors d’un prétoire puisque je n’ai pas le choix.
Quand le livre est sorti il s’est passé quelque chose d’à la fois terrible et beau, c’est que j’ai été contactée par d’autres victimes qui me disaient : « moi aussi j’ai été violée par David Hamilton ». Et ça c’est quelque chose qui m’a donné la force aussi de me battre pour cette cause qui devenait de plus en plus présente dans ma vie. Et puis un jour Laurence Rossignol, la ministre m’a appelée et m’a dit : « Eh bien voilà, ce livre nous a touchés, vos propos nous touchent. Est-ce que vous accepteriez de mener cette mission ministérielle ». Alors je vous assure, je n’étais pas du tout préparée à ce genre de chose. Les politiques je ne les connaissais pas trop. Oui mais à une condition. Que les victimes viennent. Qu’elles parlent et qu’on les entende. A une condition, c’est qu’il y ait des tables éclatées, qu’il n’y ait pas des pour et des contre qui vont argumenter, mais qui ne vont pas se rencontrer. Moi j’ai envie qu’un législateur, qu’un magistrat, entende une victime parler. Qu’on ait d’un côté l’application de la loi mais qu’on ait de l’autre côté l’application de la cause humaine. Et en fait il s’est passé des échanges parfois très beaux, parfois houleux. En tant que victimes on a entendu des propos qui nous ont heurtés. On a trouvé un consensus.

Parmi les recommandations qu’on a livrées il y a le rallongement des délais de prescription. C’est un premier pas. Je me suis engagée à poser le dossier sur le bureau de Marlène Schiappa (ndr : actuelle secrétaire d’Etat à l’égalité femmes-hommes). Ce que j’ai fait. Et puis maintenant, la question est entre les mains du législateur. Mais je trouve qu’il y a quand même vachement d’espoir. Il s’est passé tellement de choses depuis un an. La parole s’est tellement libérée. Je n’avais pas mesuré le pouvoir de cette parole qui se libère dans le monde entier. Ça m’émeut énormément. Si on s’y met tous, on va y arriver. Plus on s’indignera nous, en bas, plus la population va s’indigner, dire que c’est injuste, plus on va se battre pour nos enfants, pour qu’ils vivent dans un monde plus juste. Plus on va faire entendre cette voix, plus ça permettra au législateur de comprendre ce que l’on vit et d’aller dans le sens de la justice.

Quand on est victime, chacun compose avec son chagrin, avec les dégâts, avec le chaos intérieur. On n’a pas tous les mêmes ressources, on n’a pas tous le même environnement. L’injonction à parler, pour moi c’est quelque chose de difficile. L’invitation à parler oui. Ne serait-ce que le formuler : voilà ce qui m’est arrivé, j’ai été victime de viol, j’ai été victime d’une agression, on m’a manqué de respect, je n’ai plus cette intégrité physique. Moi je pense que c’est quelque chose qui fait du bien et qui soulage parce que du coup ça devient l’affaire des autres. Et donc on fait des rencontres, on se prend dans les bras, du coup on se console. Vous ne pouvez pas vous imaginer. Je trouve que c’est une embellie que de pouvoir parler. Mais je comprends qu’on puisse ne pas le faire. Je comprends qu’on puisse ne pas avoir la force, les ressources pour aller porter plainte. Je pense que c’est le choix de la victime. Par contre, ce que je trouve parfaitement dégueulasse, pardon, c’est qu’on nous empêche de choisir. C’est ça qui me pose un problème. Qu’on nous dise à un moment donné : vous ne pouvez plus porter plainte. Au nom de quoi ? Au nom du droit à l’oubli. Mais l’oubli de qui ? Quand on nous demande à nous d’oublier c’est pire. Ça devient de plus en plus obsédant. Le prédateur peut dormir tranquille et vous vous passez des nuits blanches avec vos problèmes parce que ça devient de plus en plus fort, de plus en plus récurrent, sous le coup de l’injustice. En fait, chacun fait comme il peut. Mais on ne peut pas nous enlever le droit de désigner, de balancer ou de porter plainte. On ne peut pas nous faire taire, c’est ça qui me semble important.
Il y a un an je me sentais un peu plus seule publiquement qu’aujourd’hui. L’actualité est en train de nous donner espoir. Je trouve que tout ce qui se passe aujourd’hui est à la fois abominable parce que ça révèle une vérité effroyable et en même temps terriblement beau parce que c’est une façon de se redresser que de parler, que d’être ensemble, que de créer des mouvements. Un mouvement, ça veut dire que ça bouge. On n’est plus là dans l’immobilisme de la douleur mais on est en train d’en faire quelque chose. Mettre un pas l’un devant l’autre et puis finalement on commence à entrer en ordre de marche. Je trouve que tout ce qui se passe aujourd’hui, ça doit réconforter l’Observatoire, ça doit réconforter les victimes, ça doit réconforter tous ceux qui se battent sur le terrain depuis toujours. Il y a des associations qui font un travail formidable et qui doivent sentir un vent dans le dos. Je pense qu’il faut qu’on en profite et qu’on continue à avancer. »


Femmes du monde contre les violences

Cette journée organisée par l’Observatoire départemental des violences envers les femmes est l’occasion de mettre en lumière des projets menés par des femmes au bout du monde pour lutter contre les violences faites aux femmes. Cette année, elles venaient de Mayotte et de Tchétchénie. Un événement riche en échanges d’expériences qui se prolonge dans le département jusqu’au 8 décembre.

Valérie Thomas est urgentiste à Mayotte. Elle a monté le « Chababi project » : « En 2014 j’arrivais d’Afrique du Sud, et je découvre à Mayotte beaucoup de violences sexuelles sur mineures. En 2016, voici les chiffres que j’obtiens : sur 100 personnes à avoir été victimes de violences sexuelles, 90 d’entre elles ont un âge médian de 12 ans. Ce qui signifie que la moitié d’entre elles ont moins de douze ans. Les professionnelles de santé que je rencontre à Mayotte, sages-femmes, médecins eux aussi font le même constat. »

Un manque de données chiffrées

Ernestine Ronai, responsable de l’Observatoire départemental des violences en Seine-Saint-Denis, mais aussi rapporteure de l’avis du CESE (Conseil économique, social et environnemental) sur les violences faites aux femmes dans les Outre-mer déplore le manque d’état des lieux : « Nous avons des chiffres pour la Guyane, la Guadeloupe et la Martinique. Un bilan a été réalisé en 2002 pour la Nouvelle-Calédonie et c’est tout. Les enquêtes nationales ne traversent pas les océans ». Les violences envers les femmes sont 9 fois plus nombreuses en Nouvelle-Calédonie qu’en Métropole. Ernestine Ronai rappelle qu’« à la Réunion, 10 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint en 2016. En 2017, on en a 5. Et dans ces chiffres on ne compte pas celles qui ont été blessées, qui ont eu les mains coupées. » Ernestine Ronai parle d’un retard considérable sur les lieux de mise à l’abri en Outre-mer. Valérie Thomas fait remarquer en effet que le fait d’être dans une île est un moyen de pression supplémentaire pour l’homme violent qui dit à sa victime : « Je te retrouverai. » « Les populations les plus vulnérables, sans papiers, déclarent 3 fois plus de violences. Des femmes qui dans la transaction pour embarquer dans des bateaux de fortune et arriver à Mayotte, ont subi des violences sexuelles », nous disent-elles.

Une série de six épisodes de 13 minutes

JPEG - 21.6 kio

A Mayotte, en se rendant à domicile pour réaliser ses entretiens, Valérie Thomas a l’idée en voyant la télévision toujours allumée de réaliser une Télénovela. Elle lance avec la comédienne réunionnaise Délixia Perrine une série qui aborde à la fois la question des mariages forcés, des violences conjugales, des violences sexuelles, des viols, dans les langues mahoraises. « L’idée était de la diffuser sur une télé locale. Ici les dames vont être fatalistes. Elles vont dire : c’est la tradition, mais elles ont envie de changement », explique Valérie Thomas. Sa série s’adresse aux jeunes, avec du hip-hop. Délixia Perrine qui réalise cette série est formée au Théâtre Forum, une technique qui permet aux spectateurs de trouver eux-mêmes des solutions. Elle va « de village en village pour faire parler l’opprimé, pour essayer de comprendre, de déconstruire ». Un gros travail qui se mène ensuite à distance puisqu’elle écrit depuis son île la Réunion les scénarios : « C’était une leçon de vie pour tout le monde. On a touché quelque chose pour ces jeunes. Ca a bousculé leur vie ! ». http://www.linfokwezi.fr/chababi-project-une-serie-tv-100-mahoraise/

Violences faites aux femmes en Russie

JPEG - 28.9 kio

Inna Airapetian, responsable de l’association Sintem basée à Grozny en Tchétchénie, a créé un centre d’accueil depuis deux ans dans cette province de Russie qui a permis de sauver plus de trente femmes. Son association a aussi gagné une affaire liée à un inceste dans le Caucase du Nord : « Aujourd’hui nous essayons de répondre à la demande des femmes le plus rapidement possible, le plus professionnellement possible. Les femmes viennent chez nous à un stade très précoce, lorsqu’elles ne sont pas encore anéanties par leur famille. Quand elles ne sont pas encore battues mais qu’elles comprennent qu’il y a un danger réel, qu’elles peuvent venir. Notre réussite, c’est qu’elles savent où aller, elles savent où s’adresser ». Cette idée de créer un centre pour les femmes victimes de violences domestiques lui est venue en 2002 alors qu’elle était réfugiée dans un camp après la guerre : « Je voyais beaucoup de femmes qui venaient juste pour dormir une heure, une heure et demie. Pour parler, juste prendre du thé. C’étaient des femmes victimes de violences domestiques de la part de leur mari ou de n’importe quel membre de leur famille. C’était important pour ces femmes épuisées de venir et d’avoir ces quelques heures de repos. C’est à ce moment que j’ai compris que c’était très important de créer ces espaces de sécurité pour ces femmes. Vous savez, en Tchétchénie, nous vivons dans une société très traditionnelle et si une femme ne rentre pas dormir chez elle cela peut avoir des conséquences très importantes - jusqu’à son meurtre. » Inna Airapetian pense que l’augmentation des violences domestiques est liée à l’augmentation de la pauvreté en Russie : « Ces violences peuvent s’expliquer par un contexte politique. La situation économique est très compliquée en Russie. Le nombre d’agressions augmente. Et cette violence est transférée dans la famille, à l’intérieur des familles. Il y a ce transfert de la violence du domaine politique dans la sphère familiale. »

En Russie, une nouvelle loi dépénalise les violences domestiques...

En Russie, plus de 4 000 personnes ont été tuées par un membre de leur famille en 2015. 40% des crimes graves se produisent dans le milieu familial, les femmes et les enfants en sont les premières victimes. Dans ce pays, toutes les 63 minutes, une femme meurt sous les coups d’un proche. Chaque année, plus de 650 000 femmes subissent des violences de leurs maris ou d’un proche. Malgré ces chiffres effrayants et inchangés depuis 1995, les députés russes ont adopté le 25 janvier 2017 un projet de loi visant à dépénaliser les violences commises dans le cercle familial.
Le texte, promulgué le 7 février 2017 par le président Vladimir Poutine, permet de dépénaliser les violences commises au sein d’une même famille, y compris contre les enfants ou le conjoint, tant qu’elles n’ont pas causé de séquelles graves ni eu de précédent. Il prévoit une simple amende de 30 000 roubles (470 euros), alors que la législation infligeait jusqu’à deux ans de prison aux coupables de violences domestiques.

SINTEM - GROZNY (Tchétchénie)
Créée en 2005, SINTEM est une association qui cible ses actions sur la défense et la promotion des femmes, sur l’aide aux victimes de violences, sur la prévention de la violence ainsi que sur la formation des femmes à la connaissance et à l’exercice de leurs droits. Elle est dirigée par Inna AIRAPETIAN et co-dirigée par Kheda OMARKHADJIEVA. Depuis sa création, SINTEM a mis en oeuvre 27 programmes qui ont touché plus de 11 000 personnes vivant en Tchétchénie.

1er DÉCEMBRE 2017
Rosny-sous-Bois
9 h - Conférence et conte musical
Signature de la Convention Un toit pour elle
Hôtel de ville
20 rue Claude-Pernès
01 49 35 37 00

Saint-Ouen
13 h 30 - Formation
Médiathèque Persépolis
4 avenue G abriel-Péri
01 49 45 77 32

Stains
14 h - Conte musical et débat
Maison du temps libre
30/34 rue George-Sand

18 h 30 – Cinéma débat Le viol
Conservatoire municipal
Rue Roger-Salengro
06 31 89 15 13

5 DÉCEMBRE 2017
Montfermeil
14 h - Conférence
Espace Moulinsart
9 rue Corot
01 41 70 70 73

Sevran
14 h 30 - Théâtre-forum
L’égalité à travers les frontières
Espace François-Mauriac
51 avenue du Général-Leclerc
01 41 52 46 23

Bagnolet
17 h - Signature de la Convention
Un toit pour elle
Château de l’Etang
17 rue François-Mitterrand
01 49 93 60 09 / 61 22

6 DÉCEMBRE 2017
Clichy-sous-Bois
13 h 30 - Théâtre-forum
L’égalité à travers les frontières
Centre social L’Orange Bleue
22 allée Frédéric-Ladrette
01 45 09 77 30

Saint-Ouen
20 h 30 - Cinéma
Battle of the sexes
Espace 1789
2-4 rue Bachelet
01 40 11 70 72

7 DÉCEMBRE 2017
Tremblay-en-France
9 h 30 - Concert
Mots pour maux
Collège Pierre-de-Ronsard

Bondy
14 h - Conférence
Dépénalisation des violences domestiques en Russie
Hôtel de ville
Espace Marcel-Chauzy
Esplanade Claude-Fuzier
01 43 93 41 96

Noisy-le-Grand
14 h - Cinéma Les Conquérantes
Cinéma Le Bijou
4 place de la Libération
01 45 92 75 12 (sur réservation)

Pierrefitte
14 h - Lecture
Le Ramadan de la parole
Collège Lucie-Aubrac

Villetaneuse
15 h - Concert
Mots pour maux
Collège Jean-Vilar

8 DÉCEMBRE 2017
Bondy
10 h - Concert
Mots pour maux
Collège Jean-Zay

Dans l'actualité