Le Red Star, un maillot et plein d’histoires
Le 12 mars 1897, Jules Rimet fondait le Red Star. 124 ans plus tard, ce club à la tradition populaire continue de célébrer son histoire à travers son opération "Maillot d’histoire", un cycle de cours pédagogiques et ludiques qui revient sur les personnages et dates marquants du club audonien sur fond d’Histoire de France. Passionnant et enrichissant.
Plus qu’une simple tunique de sport, le maillot du Red Star, cette saison, est aussi un morceau d’Histoire de France. Sur les tuniques domicile (verte) et extérieur (rose et blanche), dix saynètes retracent les 124 ans du club (1897-2021) – et par la même la Grande Histoire de France - à la manière d’une toile de Jouy (une étoffe de coton apparue au 18e siècle sur laquelle sont représentés des personnages avec des décors et des paysages), un motif choisi en référence aux antiquités du marché aux Puces de Saint-Ouen. S’il est original et le fruit d’une opération marketing savamment orchestrée, ce maillot constitue aussi un support pédagogique et ludique pour enseigner l’histoire aux jeunes de la ville. Depuis septembre dernier, à l’appel des dirigeants du Red Star, historiens et personnalités du ballon rond (anciens footballeurs, journalistes sportifs, etc.) multiplient les interventions dans les collèges et lycées de la ville, mais aussi auprès des jeunes pousses du club, pour relater le passé du Red Star, passionnant, très riche en anecdotes et qui n’est finalement que le reflet de la France du 20e siècle. L’un de ces « cours » s’est tenu le 10 mars au stade Bauer en présence des U15 filles et garçons du club. Il a été animé par Yvan Gastaut, historien et membre du conseil scientifique du Musée National du Sport, épaulé par David Bellion, ancien footballeur professionnel devenu chargé du développement de la marque Red Star.
« L’histoire du Red Star est très riche, bien plus que celle de beaucoup d’autres clubs en France », souligne en préambule Yvan Gastaut. Et de poser dans la foulée cette question à la vingtaine de jeunes assis en face de lui : « Savez-vous qui était Jules Rimet ? » Silence dans la salle. « Il est celui qui a fondé le Red Star en 1897, qui a ensuite présidé la FIFA (la Fédération internationale de football) et été à l’origine de la première coupe du monde en 1930. Ce monsieur a ouvert le club aux familles pauvres et ouvrières en mettant en place une cotisation moins chère qu’ailleurs avec une volonté de promotion sociale. » Homme résolument moderne, Rimet a aussi été un des premiers dirigeants à militer en faveur de la professionnalisation du football au début des années 1930. Autre personnage central : Jean-Claude Bauer, qui a donné son nom au stade et à la rue avoisinante. « Ce médecin juif et communiste a résisté à l’occupant nazi avant d’être fusillé par la Gestapo en 1942 », détaille l’historien, par ailleurs maître de conférences à l’université de Nice. « A l’heure où le naming [qui consiste à attribuer le nom d’une marque ou d’une société à une enceinte sportive] commence à gagner le sport français, le stade Bauer vient convoquer l’Histoire, c’est un nom chargé d’émotion qui rappelle que le club est très attaché à son passé et celui de la France », ajoute David Bellion.
Diversité et parité
La guerre a aussi fait des victimes directement dans les rangs du club. René Fenouillère, qui a rejoint le Red Star en 1907, après avoir été le premier capitaine français du FC Barcelone, est mort au combat en 1916. Issu de l’immigration italienne et entré dans la Résistance en 1942, l’attaquant Rino Della Negra est fusillé deux ans plus tard par la Gestapo au Mont-Valérien. Devenu une figure emblématique du club, ce membre du réseau Manouchian a donné son nom à une tribune du stade Bauer. D’autres ont survécu. Et même repris le football une fois la guerre terminée. C’est le cas de Pierre Chayriguès, considéré comme le premier grand gardien de but français. « Il faut avoir de sacrées ressources physiques et morales pour se remettre à taper dans un ballon » après avoir vécu l’horreur d’un conflit armé, juge Yvan Gastaut. Sollicité dans les années 1920 par les plus grands clubs européens, Chayriguès a toujours été fidèle au Red Star avec lequel il a remporté trois coupes de France d’affilée (1921,1922 et 1923).
Didactique, jamais ennuyeux, le cours est aussi l’occasion de gommer quelques idées reçues. A commencer par celle selon laquelle le Red Star, dont le logo est une étoile rouge, serait lié au Parti Communiste Français. Ce nom est en réalité un clin d’œil à la compagnie maritime Red Star Line, connue pour ses paquebots traversant l’Atlantique et qui arborait un drapeau blanc à deux branches avec une étoile rouge. L’idée est venue d’une certaine miss Jenny, jeune gouvernante anglaise qui travaillait pour Jules Rimet. A l’image du département et de la ville à travers sa population, le club de Saint-Ouen est un vivier de footballeurs aux origines diverses, et ce aujourd’hui comme hier. En plus de disposer d’un réservoir de joueurs d’origine ouvrière issus de l’immigration, le Red Star recrute aussi parfois à l’étranger. L’attaquant d’origine austro-hongroise (aujourd’hui l’Ukraine) André Simonyi rejoint ainsi les Verts et Blancs en 1936. Il y restera neuf années, devenant au passage l’idole des foules. Naturalisé, il jouera en équipe de France de 1942 à 1945. « Hier, au Red Star, certains ont été joueurs et soldats, d’autres, aujourd’hui, sont joueurs et rappeurs », constate Yvan Gastaut. C’est le cas de Hamidou Sene, attaquant formé au club, qui mène de front carrière de footballeur et carrière de rappeur. Celui qui fut meilleur buteur de la réserve, évolue aujourd’hui sous les couleurs de Valenciennes, au centre de formation. Enfin, depuis 2013 et l’apparition au club d’une section féminine, la parité constitue un enjeu de premier plan. Lauryn Coulibaly, espoir féminin du Red Star, incarne ce renouveau. Et a obtenu le droit par la même occasion de figurer sur ce « maillot d’Histoire » déjà collector.
Photos : ©Sylvain Hitau
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