Agriculture urbaine Portrait

Il était une bergère...

À 63 ans et désormais à la retraite, Sylvie a aujourd’hui le sentiment d’avoir trouvé sa place : auprès des moutons. Depuis deux ans, cette Albertivillarienne est en effet bergère bénévole au sein de l’association Clinamen. Un rêve d’enfant devenu réalité...

C’est un rendez-vous qu’elle dit avoir attendu toute sa vie. Un rendez-vous pris petite fille, alors que, âgée de quatre ans et demi et malade, Sylvie est envoyée à la montagne pour se soigner. « Mes parents m’avaient vendu la chose en me disant qu’il y avait des moutons », s’en amuse-t-elle aujourd’hui. Il y en a effectivement et, de cette rencontre, la petite fille, puis la femme, a gardé un souvenir ému et un attachement particulier pour ces bêtes à la toison laineuse.

Mais quand on grandit et vit à Aubervilliers et que l’on travaille comme informaticienne dans le tertiaire, les occasions de rencontrer des moutons sont rares. Jusqu’à ce jour improbable où, il y a deux ans, en allant prendre le métro, la femme aujourd’hui sexagénaire, se retrouve face à un troupeau, celui de Clinamen.

« Des moments comme ça, cela n’a pas de prix »

Créée en 2012 à Saint-Denis, l’association développe en effet une agriculture collaborative via, entre autres, l’élevage de moutons et le retour au pastoralisme. De sa bergerie du parc départemental Georges-Valbon, le troupeau, encadré par des bénévoles, sort donc quotidiennement, dans le parc mais aussi pour des transhumances urbaines en Seine-Saint-Denis.

« C’était très étonnant, se souvient Sylvie. J’ai été voir les bergers et, le soir même, je me suis inscrite. » Chaque semaine, d’abord une demi-journée, puis deux, elle amène donc paître les bêtes dans le parc. « Chaque berger a sa façon de faire. Moi, c’est à leur rythme, précise-t-elle. Je suis là pour elles et pas le contraire. Tout ce que je veux c’est qu’elles mangent bien. Je ne veux pas les stresser. »

Deux ans plus tard, elle les appelle chacune par leur nom, sait anticiper leurs réactions, peut vous expliquer par exemple que, quand Mirella est en tête du troupeau, « cela va être le bazar ». Quand Charles-Henri vient la voir pour se faire câliner, elle ne refuse pas, bien au contraire. « Des moments comme ça, cela n’a pas de prix », dit-elle en souriant. Et n’allez pas lui demander comme elle les reconnaît. Vous ne recevrez en réponse qu’un lapidaire « elles ne se ressemblent pas ».
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« Une prise de conscience »

Au fil du temps, son investissement s’est encore accru, notamment après être venue passer une journée continue à la bergerie. Elle dit avoir alors « découvert un autre monde : les soins aux bêtes, les discussions, etc.  » Autour du café ou au déjeuner, on y échange en effet sur les dérives de l’industrie agroalimentaire, les conditions d’élevage, les modifications génétiques, l’uniformisation des goûts, etc. Et on y réfléchit et expérimente surtout d’autres possibles pour l’agriculture urbaine.

« Cela a été une prise de conscience, confie-t-elle. J’avais vu certains reportages qui m’avaient choquée mais j’en ai plus appris ici que dans toute ma vie. Et j’ai 63 ans... » Depuis, elle en parle à son tour autour d’elle. «  Mais c’est un message très difficile à faire passer », regrette-t-elle. Avant d’ajouter, une pointe de dépit dans la voix : «  les gens ne veulent peut-être pas voir... »

Pour s’informer et participer aux événements de l’association, comme la la transhumance du Grand Paris, qui aura lieu du 6 au 17 juillet : https://www.association-clinamen.fr/ ou https://exploreparis.com/

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