Collèges Cinéma Saint-Denis

Grand Corps Malade et Mehdi Idir font leur rentrée

Avec « La Vie Scolaire », les deux réalisateurs qui ont grandi à Saint-Denis signent un film drôle et touchant sur la vie d’un collège de Seine-Saint-Denis. Entièrement tourné au collège Garcia-Lorca de Saint-Denis et dans le quartier du Franc-Moisin, l’oeuvre est sortie en salles ce mercredi 28 août. Pour une rentrée sous le signe de l’intelligence et de la joie de vivre…

L’éducation dans les quartiers populaires, c’est un sujet déjà pas mal traité au cinéma. Qu’est-ce qui vous a poussés à ajouter votre pierre à l’édifice ?

Grand Corps Malade : « L’école, c’est un thème qui nous intéresse, déjà parce qu’on est pères de famille tous les deux. Ensuite, on a beaucoup aimé nos années collège, on a beaucoup de souvenirs drôles de ces années-là. Mais rire n’empêche pas de se poser quelques questions sur le système scolaire dans les quartiers populaires. Et justement, on a parfois été un peu déçus de voir comment ce sujet était traité par certains films ou documentaires. Tous les deux, on a grandi dans ces collèges-là, et on ne retrouvait pas forcément ce qu’on avait vécu. On voulait donc faire le film le plus juste possible et à nos yeux, cette justesse, ça passe par la nuance. On a donc essayé de montrer toute l’énergie, l’humour qu’il y a dans ces collèges, mais aussi les doutes, les craintes, un contexte social qui peut parfois être pesant... »

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Pourquoi avez-vous choisi le collège Garcia-Lorca de Saint-Denis pour tourner le film ?

Mehdi Idir : « Parce que j’ai grandi dans le quartier du Franc-Moisin et que ça a été mon ancien collège. Dès l’écriture du scénario et même dès nos discussions sur le film, on savait tout de suite que ça se passerait dans ce collège. On aimait bien aussi la proximité entre ce collège et la cité attenante. C’est ce qu’on voit un moment dans le film, avec ce long plan séquence où Yanis, le personnage principal, va de chez lui au collège, pour montrer comment les frontières entre les deux sont poreuses. »

C’était important pour vous que les gens du quartier apparaissent à l’écran ?

MI : « Oui, on ne voulait pas venir dans un quartier, utiliser les lieux et nous en aller. C’était important que les habitants participent au projet. Certains jeunes de la cité, (comme Hocine Mokando, dans le rôle comique de « Farid le mytho », ndlr) sont donc acteurs principaux du film, il y a pas mal de figurants issus du quartier. Au total, on a dû faire travailler 300 personnes sur le film, ce qui fait aussi que l’ambiance du tournage, l’été dernier, était géniale. »

Vous faites dire à un de vos personnages, Messaoud, le prof de maths : « Enseigner en Seine-Saint-Denis, c’est pas complètement comme enseigner ailleurs ». Pour les profs, ça signifie s’impliquer encore plus, mais aussi en contrepartie avoir parfois plus de reconnaissance de la part de certains élèves ?

GCM : « Il y a des spécificités dans ces quartiers-là, on ne peut pas le nier. Il faut avoir conscience du contexte : tu ne peux pas enseigner dans ces quartiers comme dans un beau collège parisien. Il faut sans doute montrer plus d’empathie envers les élèves, être curieux et chercher à les comprendre. Il peut aussi y avoir plus d’indiscipline et il faut pouvoir y être préparé quand tu es prof. Voilà pourquoi dans les REP (Réseaux d’éducation prioritaire), qui sont censés avoir des budgets supplémentaires, il serait peut-être pertinent que ces budgets-là soient mis dans la formation. Pour que les jeunes profs envoyés là, souvent pour leur premier poste, puissent par exemple bénéficier des retours d’enseignants expérimentés, qui sont là depuis 20 ou 30 ans. »

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Dans le film, vous vous centrez sur Yanis, en situation de décrochage scolaire, à qui Samia, la nouvelle conseillère principale d’éducation, tend la main. Mais il n’y a pas toujours une Samia derrière chaque Yanis…

GCM : « Il y en a, et même un certain nombre… Mais c’est vrai qu’ils ne peuvent pas tout faire non plus. Dans ce film, une des choses qu’on voulait montrer, c’est en effet que malgré toute la bonne volonté du corps enseignant, malgré toute leur énergie, ils ne peuvent pas tout. Le contexte, le système sont parfois plus forts que les efforts des individus. »

Pourquoi avoir choisi une CPE comme personnage principal ?

GCM : « Parce qu’on s’est rendu compte en écrivant le film que ça permettait de balayer beaucoup de sujets. Un CPE est à la croisée des chemins entre les profs, les élèves, les parents d’élèves... Par ailleurs, ça n’avait jamais été fait à notre connaissance et ça permettait de faire redécouvrir un beau métier, au coeur de la « vie scolaire », au sens premier du terme, qui est justement ce qu’on voulait montrer. »

Enfin, peu de temps après le tournage, vous avez eu vent d’un projet de l’AS hip hop du collège Garcia Lorca. 18 élèves du collège rêvaient de partir à New York pour y découvrir le berceau de leur discipline, une initiative que vous avez décidé de parrainer et qui a aussi reçu l’aide du Département. Sont-ils partis ?

MI : « Ils partent là, fin septembre-début octobre. Pour eux, c’est une belle aventure. »

Propos recueillis par Christophe Lehousse
©Photos Laetitia Montalembert / Mandarin Production - Gaumont - Kallouche Cinéma

La Vie Scolaire rend une très bonne copie

Samia (Zita Hanrot), jeune CPE, débarque dans un collège de Seine-Saint-Denis de son Ardèche natale, avec l’envie de bien faire mais aussi l’inexpérience des premières fois. Elle découvre l’énergie des quartiers populaires, le volontarisme des équipes, mais doit aussi faire face à certaines réalités sociales et des dysfonctionnements. Elle s’attache notamment à Yanis (Liam Perron), un jeune avec des capacités, mais comme éteint par un contexte familial compliqué. Au milieu d’autres dossiers, elle va s’efforcer de lui maintenir la tête hors de l’eau… Drôle et émouvant à la fois, La Vie Scolaire vise juste et traite avec légèreté de problèmes pesants : l’auto-dévalorisation de certains élèves pourtant doués, des situations sociales parfois compliquées, les tentations qui guettent à l’extérieur... Mais le film n’oublie pas non plus les équipes de prof soudées, les personnages haut en couleur et l’art de la vanne propre à la banlieue. La Vie Scolaire comme elle va comme elle vient.

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