De jeunes migrants s’emparent de Tchekhov pour nous parler d’exil
Au théâtre de la Commune, une troupe de jeunes amateurs de l’École des actes d’Aubervilliers a revisité jusqu’au 25 novembre une œuvre méconnue de Tchekhov, pour mieux nous parler de leur propre exil et du droit d’asile.
Ils sont pèlerin, brigand, commerçant ou noble ruiné, mais tous ont en commun d’être en voyage, sur cette « grande route » qui donne son nom à cette pièce d’Anton Tchekhov. Jusqu’à ce qu’un orage ne les pousse à trouver refuge dans une auberge. Là, dans cette cohabitation et cette attente forcées, des rencontres se font, des tranches de vie se confient, une proximité se crée, des crispations aussi.
Dans le texte de l’auteur russe, les héros s’appellent Savva, Fédia, Bortsov, etc. Sur les planches du théâtre de La Commune, jusqu’au 25 novembre, ils sont Djibril, Ismaël, Maxime. Le spectateur ne sait plus bien s’il est en Russie ou en France, si les mots déclamés sont ceux de Tchekhov ou de jeunes migrants. Mais peu importe. Leurs paroles comme leurs histoires se confondent, s’entremêlent, se répondent. Toutes disent l’exil, la route, l’attente.
Une similitude frappante
Quand, en février 2017, Émilie Hériteau a relu la pièce, la similitude de la situation vécue par les personnages de Tchekhov avec celles des demandeurs d’asile l’a en effet tout de suite frappée, notamment « cette espèce de lieu où les gens attendent, où il y a autant de gestes d’amitié que de tensions, qui constitue autant un refuge qu’un lieu de grande promiscuité ». À l’image des squats de migrants.
Depuis quelques mois, cette comédienne et metteuse en scène intervient à la toute jeune École des Actes, créée en novembre 2016 par le théâtre de La Commune. Cet espace, pensé comme un endroit où « chacun, à l’endroit de son expérience, qu’elle soit livresque ou de rue, est nécessaire [et] apprend les uns des autres », est notamment fréquenté par de jeunes migrants.
Un atelier de théâtre y a lieu tous les samedis. Elle propose à ses participants et d’autres de monter la pièce à laquelle sont intégrés des énoncés rédigés à l’École dans un groupe de travail autour de la langue et la traduction.
« Ils ne savent pas ce qu’il y a en nous »
Hybride, le texte nous parle ainsi de choses universelles comme la fatigue de cette route qui n’en finit pas, de cette attente imposée. Il rend hommage à ceux morts en mer, à ces proches restés aux pays, à cette mère malade et qu’on ne peut aider autrement qu’en lui mentant au téléphone pour lui faire croire que tout va bien. Il livre aussi leur frustration et parfois leur colère face à une procédure et des administrations qui ne les écoutent pas et ne les croient pas, face à un pays qui les rejette.
« Si j’avais la force de prendre ce texte, d’aller à l’Ofpra ou à la préfecture et de le lire devant tout le monde pour leur faire comprendre comment ils nous traitent... », soupire Halimatou. « Ils ne veulent pas nous voir, nous entendre, raconte également Abou avec autant de regrets. Ils ne savent pas ce qu’il y a en nous » Alors lui et les autres ont décidé de leur montrer par le biais du théâtre. « On se donne à fond, poursuit le jeune homme, parce que c’est notre vie et que des gens vont nous écouter. » Avec un espoir : « qu’on puisse chercher les idées ensemble pour avancer. »
Informations et réservations sur le site du Théâtre de la Commune
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