L’île Saint-Denis IN Seine-Saint-Denis

Bellastock : rencontre avec Simon Jacquemin

Les déchets peuvent être considérés comme des ressources. Bellastock est une association d’architecture expérimentale qui œuvre pour la valorisation des lieux et de leurs ressources. Nous avons rencontré l’un de ses fondateurs Simon Jacquemin.

Dix ans après sa création, l’association Bellastock initie de nombreux projets innovants sur le territoire de la Seine-Saint-Denis et son approche alternative dans l’acte de construire fait de nombreux émules à l’international. En 2012, pour réaliser son festival annuel, l’équipe fraîchement diplômée s’installe sur la friche des grands entrepôts du Printemps à L’Île-Saint-Denis.

Dans le cadre du dispositif Culture et Art au Collège 2015-2016, les élèves d’une classe de 5e du collège Alfred- Sisley de L’Île-Saint-Denis et Bellastock se sont engagés dans la création d’un objet collectif qui sera inauguré en fin d’année scolaire.

Rencontre avec l’un des fondateurs de Bellastock, Simon Jacquemin.

Comment l’aventure de Bellastock a–t-elle débuté ?
Il y a une dizaine d’années, le groupe qui allait donner naissance à Bellastock était alors étudiants en licence, à l’école d’architecture Paris-Belleville, rue Rébeval à Paris. C’est un magnifique immeuble industriel qui abrita le siège des usines Meccano, la célèbre marque de jouets. Nous avions 20 ans, et nous étions confrontés à deux grandes problématiques d’étudiants : la première c’est qu’en tant que jeunes étudiants en architecture, nous faisions le constat qu’on ne pouvait pas faire l’expérience de nos propres dessins. À l’étroit dans cette école d’architecture, il y avait peu d’espace pour faire de l’expérimentation à l’échelle 1, grandeur nature. Le deuxième problème, si ce n’est le plus sérieux, pour des étudiants en licence et en architecture, c’est que nous n’avions plus la possibilité d’organiser de grandes fêtes dans les locaux de cette école vétuste…

C’est un manque terrible pour des étudiants…
C’est un manque terrible et nous avons décidé de prendre le contre-pied de ce que faisaient les étudiants des grandes écoles de commerce, de communication, d’ingénieurs et autres… Nous avons choisi de trouver un pré où paissaient des moutons, d’acheter avec nos 5 000 euros de budget, du bois, des boissons et de quoi manger pour une centaine de personnes. Nous allions faire un festival, ça serait notre premier festival, dans une ville éphémère où les participants devraient concevoir, construire et habiter leurs abris pendant la durée du festival. La fête serait l’inauguration de cette ville ! Tout cela jouait aussi sur les mythes de fondation et d’inauguration des villes. Cet événement était ancré dans une dimension pédagogique et d’autre part nous souhaitions mettre en avant cette idée que concevoir, les architectes le font, construire, quelques-uns le font, mais habiter ce que l’on a conçu et construit, très peu le font.

D’année en année, le festival a grandi et s‘est pérennisé. Mais pouvez-vous nous nous dire pourquoi ce nom de Bellastock ?
Effectivement, le festival s’est pérennisé et s’est posée à nous la question du stock… Bella, c’est pour Belleville et la question du stock est apparue dès que l’on a dépensé notre pécule en bois et matériaux. Nous n’allions quand même pas les mettre à la benne ou les brûler ! Cette question du stock nous poursuit encore aujourd’hui et est au centre de nos réflexions.

Faut-il alors bâtir un hangar pour entreposer ?
Ou faut-il architecturer le stock ?!
On peut penser qu’un arbre n’est qu’un stock de planches par exemple ! Nous avons ainsi lors d’un festival suivant détourné un matériau assez commun dans le monde du bâtiment et de la logistique, les palettes en bois, pour les utiliser pendant 4 jours, la durée du festival. Nous les avons ensuite rendues au fournisseur sans les avoir altérées.

Avez-vous utilisé d’autres matériaux ?
À chacun de nos festivals, nous changions de lieu et de matériaux de construction : le Berry, la forêt de Rambouillet, le Morvan… En 2010, nous décidons de changer le mode de construction et de l’imaginer avec des sacs de sable. Pourquoi des sacs de sable ? Si on déniche le terrain où se trouve déjà du sable, il n’y a plus que les sacs à ramener ! C’est un type de construction extrêmement efficace en cas de catastrophe ou de besoin d’architecture dans l’urgence. Un architecte iranien dont nous appréciions le travail, Nader Khalili réalisait ses habitations à partir de ces matériaux. Nous agrandissions la dimension pédagogique de notre approche dans cette construction qui allait abriter 600 personnes pendant 4 jours. Nous avons donc trouvé une carrière de sable à… Carrières-sous-Poissy.

L’année suivante vous réalisez une ville gonflable…
Elle s’appelait « La Ville en un souffle »… Ce festival réunit de nombreuses écoles, des écoles régionales, des écoles nationales. C’est un succès qui nous dépasse !

Le tournant se produit en 2012…
Nous décidons d’affirmer une pratique qu’on a depuis nos débuts, qui est celle du réemploi. Réemployer nos stocks, réemployer nos matériaux, ni par militantisme écologique ou romantisme, mais par simple pragmatisme. Jeter aussi, ça coûte cher ! La question du réemploi va devenir notre thématique centrale à partir de ce moment-là. Nous avons la chance d’être accueilli à L’Ile-Saint-Denis et de pouvoir nous installer sur la friche des grands entrepôts du Printemps avec pour thématique, le réemploi. Nous allons détourner des déchets territoriaux, et montrer que certains déchets peuvent être considérés comme des ressources, des matières de construction. Nous les utiliserons le temps du festival et les remettrons dans leur cycle à l’issue de ces 4 jours, sans les altérer.

Propos recueillis par Claude Bardavid

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