Seine Saint-Denis
Lutte contre les violences Bobigny

Femmes du Monde, 12e édition

Mardi 22 novembre, les 12es Rencontres de Femmes du Monde se sont ouvertes par une journée professionnelle consacrée à la lutte contre les violences faites aux femmes. L’objectif : faire le bilan des principaux dispositifs existant dans ce domaine au sein du département et accueillir des invitées venues d’ailleurs, comme cette année le Mouvement des sans terre au Brésil. La manifestation se poursuivra ensuite dans le département jusqu’au 3 décembre.

La 12e édition des Rencontres de Femmes du Monde en Seine-Saint-Denis s’est notamment tenue en présence de Stéphane Troussel, président du Conseil départemental, Pascale Labbé, conseillère départementale déléguée chargée de l’égalité femmes-hommes et Laurence Rossignol, Ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes.

Lucineia De Freitas est dirigeante du Mouvement des sans terre du Brésil, une association -qu’on connaît pour avoir combattu le système agraire qui exclut les petits agriculteurs mais- qui s’occupe aussi des violences faites aux femmes. Le bilan qu’elle a réalisé l’an dernier répertorie entre 1980 et 2013 le chiffre astronomique de 106 093 assassinats de femmes dans son pays. Soit 8,9 meurtres par jour. 70% de ces assassinats étaient perpétrés par les conjoints et les époux de ces femmes. Les viols sont aussi très nombreux au Brésil. Une agression sexuelle a lieu toutes les 11 minutes dans ce pays. Alors lorsqu’on demande aux Brésiliennes de quoi elles ont peur, elles sont 96% à répondre : d’être violées.
Pour dénoncer ces crimes et ces agressions, le Mouvement des sans terre a mis en place un numéro de téléphone, le 180, qui recueille chaque mois 62 418 appels de femmes. Elles dénoncent les violences sexuelles qu’elles subissent, le trafic humain qui sévit au sein même du Brésil et les « maisons-prisons » lorsque leurs maris ne les laissent pas sortir de chez elles. Grâce à son travail et au réseau puissant que l’association a pu tisser dans ce grand pays, des commissariats de femmes ont pu être créés dans 7% des villes.
« Seuls deux états au Brésil ont mis en place des maisons de femmes, explique Lucineia, Elles aident les femmes victimes, afin qu’elles ne retournent pas chez elles où la mort les attend. » Cette dernière est inquiète pour son pays qui n’a plus de secrétariat du droit des femmes et ne compte plus aucune ministre femme : « pour la première fois depuis 1964 ».

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Manuela Gustavo est brésilienne, elle aussi. Au sein du Mab (Mouvement des personnes atteintes par les barrages au Brésil) elle anime le projet « Arpilleras » qui consiste à dénoncer les impacts de la construction des barrages sur les femmes. Les travaux gigantesques liés à la construction des barrages entrainent une augmentation très importante de la population dans ces régions. Ce phénomène a pour conséquence l’accroissement des cas de harcèlement, de violences sexuelles, de viol, de prostitution et de trafic. Dans la région de Rondonia, deux barrages ont été construits. Et les cas de viol ont augmenté de 208%, les cas d’exploitation sexuelle d’adolescents et d’enfant sont passés de 306 à 967 soit une augmentation de 44% : « Une des formes de paiement de ces ouvriers est une carte de fidélité, une « carte de l’amour » de 600 reis soit l’équivalent de 200 euros. Elle est destinée aux travailleurs qui le méritent, ceux qui ne manquent pas le travail et ne rentrent pas voir leur famille. Il faut savoir que les lieux de prostitution se situent à 200 mètres des travaux ». Manuela pense à toutes ces jeunes filles de 10 ans qui ont été mises enceintes. Elle raconte les violences domestiques et l’alcoolisme qui augmentent. Au Mab, pour dénoncer la violation des droits des femmes, ces femmes qui sont une centaine dans 14 états du Brésil ont repris la technique chilienne des arpilleras. Cet art de la résistance consiste à broder ce qu’on ne peut pas dire. Elles dénoncent les crimes comme le meurtre de Nilce de Souza Magalhaes, une femme engagée dans le mouvement des arpilleras retrouvée ligotée dans le fleuve, une pierre lestant son corps.

Violences conjugales : comment les empêcher ?

-Le protocole féminicide/homicide Voir un de ses parents tuer l’autre est parmi les situations les plus traumatisantes pour un enfant. Pour prendre en charge au plus vite cet enfant un dispositif a été créé en Seine-Saint-Denis à l’initiative du Conseil départemental, c’est le protocole féminicide/homicide. « Depuis trois ans que ce dispositif a été mis en place, nous avons eu très peu d’enfants hospitalisés. Quatre enfants au total. Ces enfants avaient des syndromes dissociatifs, des troubles somatiques, alimentaires, du sommeil, des récits en boucle du crime. L’un d’eux n’avait pu trouver le sommeil pendant trois jours. Il répétait la scène de crime avec son poupon, » raconte Clémentine Rappaport, cheffe du service pédopsychiatrie à l’hôpital Robert-Ballanger d’Aulnay-Sous-Bois. Par ailleurs 150 enfants témoins de violences conjugales ont pu être suivis en consultation dans ce même service. Le protocole féminicide/homicide vient d’être étendu à toute la France ce 22 novembre 2016.

-Le Téléphone grand danger protège les femmes victimes de violences conjugales depuis sept ans en Seine-Saint-Denis. Il a été généralisé en 2014 à la France entière.

-L’ordonnance de protection permet depuis le 9 juillet 2010 de protéger les victimes de violences dans le couple (conjoint, concubin, partenaire ou ex) ou personne majeure victime de mariage forcé.

-La Mesure d’Accompagnement Protégé (MAP) des enfants, lancée en 2011 par le Département est généralisé cette année à toute la France. Elle consiste à ce que l’enfant soit accompagné d’une personne qualifiée lors des droits de visite au parent auteur de violence.
Même si les dispositifs de prévention pour protéger les femmes des violences se multiplient, s’ils sont plus performants et efficaces, on estime encore à 223 000 le nombre de femmes âgées de 18 à 75 ans victimes de violences conjugales chaque année en France.

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