Portrait Montreuil

Williams Crépin : dans ses romans, ses personnages du troisième âge s’offrent une seconde jeunesse

Le réalisateur, de la série "Plus belle la vie", entre autres, et romancier montreuillois Williams Crépin vient de publier le premier tome de son triptyque "Les Panthères grises" (Editions Albin Michel). Cet ouvrage, intitulé "Amour et vieilles dentelles", met en scène quatre mamies délurées et aventurières qui se lancent dans une enquête policière dont l’action se déroule essentiellement à Montreuil. Portrait.

Si la Grosse Mignonne, le bar-restaurant où Williams Crépin nous donne rendez-vous, n’apparaît pas dans le livre, il y a toute sa place. Cet endroit populaire et convivial, connu de tous les Montreuillois, n’aurait pas déplu à Alice, Maria, Nadia et Thérèse, les quatre mamies héroïnes du roman Amour et vieilles dentelles, le premier tome d’une série en trois volets intitulée Les Panthères grises (Editions Albin Michel) et disponible en librairie à partir du 3 mars. Pour autant, une grande partie de l’intrigue se déroule à Montreuil, notamment à la Maison Populaire, où les Panthères grises, notre quatuor de choc, suit des cours de théâtre, ou dans la rue des Trois Territoires, située aux confins de Montreuil, Vincennes et Fontenay-sous-Bois. « Montreuil est un choix naturel car j’y habite depuis plusieurs années et que cette ville, par endroit, ressemble à un décor de film policier. Elle accueille d’ailleurs de nombreux tournages (la série policière Engrenages, notamment, ndlr), raconte Williams Crépin. Populaire et bobo à la fois, cosmopolite et non ghettoïsée, c’est une ville fascinante qui attire aujourd’hui de nombreux regards. J’y suis tellement attaché que j’avais envie de lui confier un rôle dans ce livre. »

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Dans ce premier tome, les quatre grand-mères, dont la vivacité et l’envie de rester jeunes n’ont d’égal que leur forte personnalité, s’embarquent dans une aventure policière rocambolesque. Un meurtre, un suspect qui clame son innocence, et une police dépassée par les événements : il n’en faut pas plus aux super-mamies pour mener une enquête qui ne les ménagera pas. « Que ce soit en littérature ou au cinéma, les personnes âgées sont souvent secondaires, oubliées ou caricaturées, j’avais envie que leur image soit réhabilitée, confie l’auteur. Je cherche aussi à déconstruire certaines idées reçues en abordant la sexualité et le fait qu’elles puissent tomber amoureuse ou avoir des déceptions sentimentales. » De fait, les protagonistes auraient été incarnées par des adolescentes qu’elles auraient été dépeintes de la même manière. Certes elles ne sont pas accrocs aux réseaux sociaux mais sont connectées aux autres, usant de leur bagout et de leur franc-parler. Surtout, elles sont libres, indépendantes et consomme les hommes (Nadia, par exemple, avoue avoir une préférence pour les plus jeunes qu’elle) comme des carreaux de chocolat. « Ces personnages existent ou ont existé dans la vraie vie, révèle l’auteur de 63 ans. Alice, c’est en quelque sorte ma mère, et les trois autres, les copines de la cité HLM de Caen, où j’ai passé une partie de mon enfance. J’ai été élevé par ce groupe de femmes féministes avant l’heure, veuves ou divorcées, et très trash dans leur manière de s’exprimer. Ces souvenirs me nourrissent énormément. »

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Polar, cinéma, télé et bande-dessinée

Avant la Normandie, Williams Crépin a grandi dans le quartier de Belleville, à Paris, où il dit avoir aimé traîner ses guêtres. Il ne remettra les pieds dans la capitale qu’une fois adulte pour intégrer le prestigieux Institut des hautes études cinématographiques (IDHEC), l’ancêtre de la non moins pimpante Femis. Il y apprend les métiers de réalisateur, monteur et chef opérateur. Le jeune homme présentait alors un CV bien rempli puisqu’il avait commencé par étudier le journalisme à l’IUT de Bordeaux (rebaptisé depuis Institut de journalisme Bordeaux Aquitaine, IJBA). A la sortie, l’impétrant était revenu à Caen pour monter successivement trois journaux avec sa bande de potes : Crise, un fanzine tendance punk, Caen Magazine, une revue d’actualité, et Le Croquant, « un canard militant situé très à gauche ». « Cette aventure dans le monde de la presse a commencé au lendemain de la fameuse phrase que Raymond Barre, alors Premier ministre, a prononcé en 1979 : " Les chômeurs pourraient essayer de créer leur entreprise au lieu de se borner à toucher les allocations de chômage ! ". Nous l’avons pris au mot et profité des 6 mois d’allocations chômage payées en avance et en une seule fois pour lancer notre projet. » L’expérience s’arrêta au début des années 1980. Pour arrondir les fins de mois, Williams est aussi musicien dans un groupe de rock qui, pour survivre, courait les bals publics. «  On chantait de la variété et ça marchait plutôt bien, même si à chaque fois ou presque, ça finissait en baston générale. »

En 1991, il signe son premier long-métrage, Les enfants de la plage, qui connaîtra un succès d’estime et qui, d’après ses dires, lui donnera « le boulard ». « Je n’ai ensuite plus rien fait pendant cinq ans car je refusais tout ce qu’on me proposais, me croyant plus beau que je n’étais. Puis heureusement, j’ai fini par atterrir. » Il se relance à la télé en écrivant des scénarii pour l’émission jeunesse Décode pas Bunny sur Canal + qui sera récompensée d’un 7 d’Or. Devient auteur pour le duo De Caunes-Garcia dans l’émission mythique Nulle part Ailleurs. Puis retourne à la case « réalisateur », mais pour la petite lucarne. Avec pêle-mêle : Soeur Thérèse.com, Les Monos, L’Instit, H ou encore Plus belle la vie, le carton de France 3 pour lequel il a réalisé 31 épisodes entre 2012 et 2016. Insatiable et curieux, il a aussi œuvré dans la BD. On lui doit notamment les textes des six premiers volumes de L’ombre de Shanghai. Alors que le tome 2 des Panthères grises est attendu pour le mois de mai, il vient de s’atteler à l’écriture du troisième et dernier morceau qui paraîtra à la rentrée. Et après ? « Ecrire, toujours et encore car c’est cette activité qui me donne aujourd’hui le plus de plaisir. » Actuellement, il réfléchit à un polar autour du syndrome du nid vide dont l’action pourrait se passer quelque part en Seine-Saint-Denis. A suivre.

Photos : Franck Rondot

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