Une jeunesse engagée au Concours national de la Résistance et de la Déportation
Le 27 mai, quelque 200 élèves de Seine-Saint-Denis étaient récompensés dans le cadre de la finale académique du Concours national de la Résistance et de la Déportation. L’occasion de vérifier une nouvelle fois que la jeunesse est loin de manquer d’idéaux, comme on le dit parfois.
« Se souvenir, de cette affreuse guerre/ Se souvenir, de chacun des défunts/ Se souvenir, de cet horrible enfer/ Se souvenir, de chaque effort vain. 1939-1945, six années d’horreur/ Axe, Alliés, deux alliances ennemies/ L’Europe, continent tremblant de peur/ 1945, la guerre, enfin finie. » Ainsi débute le poème que Marwa Mosadik a composé à l’occasion du Concours national de la Résistance et de la Déportation. La jeune élève de 3e au collège République de Bobigny n’a pas été directement récompensée pour ce texte - elle l’a été pour la rédaction qu’elle a rédigée sur le thème « Répressions et déportations en France et en Europe » - il n’empêche qu’autant de maturité et de compréhension des événements font plaisir à voir.
« J’ai aussi voulu écrire un poème parce que je trouvais que ça transmettait plus d’émotion. Je souhaite absolument honorer la mémoire de ces gens qui se sont battus pour qu’on ait une vie décente », nous explique cette élève, qui a aussi lu cette année un témoignage de Simone Veil à la gare de déportation de Bobigny, à l’occasion du 74e anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz.
Elle n’est pas la seule à avoir bien assimilé les leçons du passé : le 27 mai dernier, journée nationale de la Résistance, quelque 200 élèves de Seine-Saint-Denis se sont vus récompensés par des prix académiques pour leur participation à la 58e édition du Concours National de la Résistance et de la Déportation, à titre individuel ou collectif. C’est par exemple le cas de cette classe de 2nde qui a mené l’enquête sur le nom de son propre lycée – André-Boulloche à Livry-Gargan. « Très honnêtement, avant de se lancer dans l’exercice, on ne savait pas qui était André Boulloche : l’exposé nous a fait découvrir qu’il était résistant, revenu des camps, compagnon de la Libération puis ministre du général De Gaulle », détaille Hugo.
Egalement primée : toute la classe de Marwa – qui a fait coup double pour l’occasion. Toute l’année, cette classe de 3e très impliquée a ainsi préparé une exposition donnant à voir des parcours de vie de déportés de la Seconde Guerre Mondiale. Anne Frank, déportée parce que juive, Jean-Pierre Timbaud, résistant fusillé, Rudolf Brazda, déporté parce qu’homosexuel : par binômes, ils ont choisi et écrit les biographies de ces figures. Recevant même au collège la visite de Raymond Gurême, 94 ans, interné car « tzigane », et de Lucien Tinader, ancien enfant juif caché.
« Ce concours leur apporte une meilleure connaissance de la période, mais pas seulement. Il leur fait comprendre en quoi consiste la notion d’engagement et aussi jusqu’où peut aller la négation de l’autre. Enfin, ça représente aussi un travail sur la notion de source et la recherche d’informations. C’est donc très formateur et ça répond à beaucoup de leurs questions d’adultes en devenir », estime Mme Pesier, leur professeur d’histoire qui les a inscrits au concours, organisé à l’échelon académique par l’Education nationale, des associations d’anciens déportés et résistants et le Département.
L’histoire en marche et ses enseignements, c’est aussi ce qu’ont ressenti Lucile Bergeron, Elina Robert, Camilia Ahmitti et Lola Chabrol. Ces quatre élèves de 3e au collège Pasteur de Villemomble ont travaillé sur la figure du déporté Bertrand Herz, contacté via une association d’anciens déportés, et qui est venu témoigner dans leur établissement. « Cette rencontre nous a marquées. Ça nous a apporté beaucoup de maturité. On se sent comme des passeuses de mémoire. Pour qu’évidemment, tout ça ne se reproduise plus », expliquent Elina et Lucile, qui connaissent désormais par cœur la parcours tragique de Bertrand Herz : arrêté à l’âge de 14 ans à Toulouse parce que juif, déporté avec sa famille vers Buchenwald et libéré en 1945, sans son père ni sa mère décédés tous deux dans les camps. « Recevoir un tel témoignage est évidemment très poignant. Parce qu’inévitablement, les enfants s’identifient à celui qui avait alors le même âge qu’eux. Ils vivent donc à la fois la mémoire et l’histoire. », abonde M.Ritter, professeur d’histoire d’un établissement particulièrement actif en la matière. Cette année, Lucile, Elina et toute leur classe ont ainsi visité les camps allemands de Buchenwald et de Dora, et du Struthof, en Alsace.
La centaine de lauréats départementaux attend maintenant de savoir s’ils seront aussi récompensés à l’échelon national (verdict en septembre/octobre de cette année). Mais l’essentiel est ailleurs, comme le rappelait Catherine Font Y Bosch, proviseure du lycée professionnel Georges-Brassens à Villepinte et présidente du jury de cette édition. « La raison d’être d’un tel concours, c’est qu’il apporte à la fois aux élèves la connaissance des valeurs de la République et le goût des idées. Et puis, ça les amène forcément à se questionner en boomerang sur la société d’aujourd’hui et les nationalismes qui la guettent ».
Christophe Lehousse
Photos : @Daniel Ruhl
A l’occasion du 75e anniversaire de la Libération de Paris que nous fêterons le 25 août prochain, les Archives départementales ont édité à l’attention des collégiens un livret pédagogique se concentrant lui sur la Libération de l’actuel territoire de la Seine-Saint-Denis.
Comportant des textes rédigés par les Archives départementales ou la Direction de la Culture et du Patrimoine, avec la collaboration du musée de la Résistance nationale à Champigny-sur-Marne, du Mémorial de la Shoah à Drancy et du musée de l’Histoire vivante à Montreuil, l’ouvrage revisite les principales étapes de la Libération du territoire : des bombardements alliés aux actes de résistance avant le mouvement final initié par le débarquement. Tout en revenant sur les terribles marques de l’univers concentrationnaire nazi dont plus d’une se trouvait en Seine-Saint-Denis : le camp de concentration de La Muette à Drancy, les gares de déportation de Bobigny et de Pantin.
Des fiches thématiques concises et claires, accompagnées de photos d’archives, nous font ainsi vivre l’histoire locale au cœur de l’histoire nationale. Et une frise temporelle met encore davantage le focus sur ce qui deviendra le département. On apprend ainsi que les 2 et 3 juillet 1944, des résistants détruisent par explosifs à Sevran deux transformateurs de l’usine Westinghouse ou que le 15 août 1944 le dernier convoi de déportation répressive (déportés pour actes de résistance) quitte la gare de Pantin. Pour les collégiens, mais pas que…
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