Une expo revient sur les traces du pionnier de la police scientifique
Aux Archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine, une exposition gratuite et passionnante revient sur le parcours d’Alphonse Bertillon, l’un des pères de la police scientifique moderne. Photos, objets, mobilier et textes nous aident à comprendre comment ce subalterne de la police de Paris est devenu le spécialiste de l’identification criminelle. A découvrir jusqu’au 18 janvier 2020.
Quand la IIIe République (1870-1940) est instaurée, les autorités font de la lutte contre les délinquants récidivistes, qui représentent alors la moitié de la population carcérale en France, l’une de leurs priorités. Jusque dans les dernières décennies du 19e siècle, les forces de l’ordre éprouvent les plus grandes difficultés pour savoir qui est qui et accordent trop d’importance à la preuve testimoniale, à la mémoire visuelle ou aux apparences physionomiques les plus flagrantes. Débarque alors un homme qui, de prime abord, n’a rien d’un Sherlock Holmes. Entré comme simple commis aux écritures à la préfecture de police de Paris, Alphonse Bertillon va pourtant révolutionner l’identification criminelle. « En 1879, il commence à mensurer les voleurs, les vagabonds, les mendiants pour s’assurer de la véritable identité de tous ces malandrins qui, selon ses dires ‘’changent de nom comme de chemise’’ », raconte Pierre Piazza, commissaire de l’exposition « La science à la poursuite du crime » aux Archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine jusqu’au 18 janvier 2020 et coauteur, avec Richard Marlet, du livre éponyme (Editions de La Martinière).

Le commissaire de l’exposition Pierre Piazza
Son dispositif repose sur quatre piliers : l’anthropométrie judiciaire (rapidement complétée par les empreintes digitales et palmaires), le relevé de stigmates corporels, le portrait parlé (ou signalement descriptif) et la photographie signalétique. Ce qu’on appelle très rapidement « le bertillonnage » connaît un succès grandissant en France puis, très vite, dans de nombreux pays étrangers. Un destin loin d’être évident. « Bertillon était un élève médiocre à l’école et a obtenu de justesse son examen d’admission dans la police nationale, rappelle Pierre Piazza. Cela ne l’a pas empêché d’être par la suite considéré comme un savant d’exception, d’obtenir la Légion d’Honneur et d’être à l’origine du premier ‘’service de l’identité judiciaire’’ créé dans le monde. » Obnubilé par la perspective d’identifier les auteurs de forfaits à répétition, le criminologue s’intéresse à une foule de détails du corps humain. Sa méthode part du calcul qu’en prenant quatorze mensurations (taille, longueur des pieds, main, oreille, avant-bras, arête du nez, écartement des yeux, etc.) sur n’importe quel individu, en se servant d’un pied à coulisse et, pour les relevés crâniens, d’une pince céphalique, il n’existe qu’une chance sur 286 millions pour qu’on retrouve les mêmes mesures chez un autre individu.
Inventions et scandales

De fait, la photographie, qui en est pourtant encore à ses balbutiements, est au cœur des travaux du scientifique. On lui doit le premier appareil photo capable de prendre les cadavres en plongée afin d’avoir une vue à plat ; la photographie métrique dont les clichés permettent de représenter une scène de crime dans son ensemble et d’y enregistrer avec précision une foule de détails pouvant être ramenés à des données mesurables ; et les portraits face/profil, dont certains, patibulaires, vous regardent depuis les murs de l’exposition, dont la scénographie ingénieuse rend le parcours fluide et agréable. « Cette technique, qui est utilisée aujourd’hui encore par les policiers du monde entier, permet de constater une foule de particularités physionomiques, fait remarquer le commissaire d’exposition. Les forces de l’ordre se sont mises à y recourir pour comparer le cliché avec un prévenu arrêté qu’il fallait identifier ou bien avec un individu recherché circulant dans la rue. »

Si d’aucuns se félicitent de l’efficacité du bertillonnage, une partie de la population finit par dénoncer avec vigueur les limites et les possibles abus de ce procédé. Car Bertillon, dont le parcours est fait de vicissitudes, a connu le succès mais aussi commis quelques ratés, et pas des moindres. Pendant l’affaire Dreyfus, il est invité, à la demande de l’accusation, insatisfaite des conclusions des premiers experts graphologues, à intervenir dans le débat qui doit décider si l’écriture du fameux bordereau est ou non celle du capitaine Dreyfus. Pour lui, cela ne fait pas un pli, ce dernier est coupable mais sa démonstration, qui ne repose sur aucune expertise scientifique digne de ce nom, suscitera tour à tour railleries et consternation. Et quand, pour pouvoir pleinement se servir des informations qu’il collecte sur les personnes subissant son protocole d’identification, il invente la « fiche parisienne », les critiques pleuvent. Ce recours au fichage est dénoncé par ses contempteurs qui le jugent dangereux et anti-démocratique car potentiellement attentatoire à la vie privée et aux libertés. « Bertillon était un personnage obsessionnel, obstiné, autoritaire, rigoureux, revanchard – en raison de son passé de cancre -, un bourreau de travail devenu très sûr de lui. Toutes ces facettes lui ont apporté la gloire mais aussi beaucoup desservi », conclut Pierre Piazza.
Grégoire Remund
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