Swagger : Ils ne fanfaronnent pas, ils se livrent
"Swagger", une comédie made in Seine-Saint-Denis signée par Olivier Babinet, montre le quotidien, les joies et préoccupations des collégiens de Claude-Debussy à Aulnay. Après avoir monté les marches de Cannes, ses protagonistes ont eu le plaisir de vivre la sortie nationale du film, le 16 novembre. Trop swag !
La maman d’Aissatou n’a vu que des extraits du film "Swagger" dans lequel joue sa fille. Ce soir, pour l’avant-première du film à Aulnay, elle est venue en famille et en voisine le découvrir en avant-première : « Je suis venue avec ma sœur et ses enfants. On va le découvrir comme tout le monde. On est vraiment contente qu’elle soit dedans. Ça nous fait plaisir ».
La salle Molière du théâtre Jacques–Prévert est pleine à craquer ce soir de septembre. Le public est familial. Olivier Babinet le réalisateur monte sur scène avec tous ses acteurs (ne manque que la jeune Maryama). Smoking, baskets, costume, nœud papillon, tenue traditionnelle indienne immaculée ou sweat à capuche… ils et elles arborent tous et toutes un sourire éclatant. Toute la salle applaudit : « attendez de voir le film, peut-être que ça ne va pas vous plaire » lance en forme de joke, Olivier Babinet. Et Elvis, l’un des acteurs, de se saisir du micro : « je remercie Olivier Babinet d’avoir permis à nous les jeunes d’Aulnay, nous les jeunes du 93, de dire que nous sommes présents et que nous sommes des jeunes comme tous les autres ».
A la fois docu-fiction et comédie familiale
Des jeunes qui se livrent beaucoup. Avec humilité, franchise et drôlerie. On rit beaucoup avec Swagger. Mais on ne se moque pas. Le film est à la fois un docu-fiction et une comédie familiale. Un docu-fiction puisqu’aucun texte n’a été écrit au préalable. Ce que les jeunes racontent de leur vie, de leurs espoirs, de leur intimité est authentique. Et personne n’ira vérifier s’ils ont un peu menti… En centrant sa caméra sur 12 enfants du collège Claude-Debussy, Swagger ne tombe pas dans les clichés qui collent à la Seine-Saint-Denis. Il ne brosse pas non plus un tableau angélique.
L’un des acteurs est en famille d’accueil. Un autre se débat avec les dettes de son père. Une troisième nous raconte son calvaire en maternelle, « harcelée » par une institutrice. Olivier Babinet donne la parole à ces jeunes qui ne l’ont jamais : « Ils ont eu un grand courage. Ils ont dit ce qu’ils étaient au fond d’eux-mêmes ».
Le débat après la projection
Une fois le film terminé, les questions fusent. Beaucoup de bras se lèvent dans la salle. « Pourquoi avoir choisi Aulnay ? » demande un habitant. « C’est Aulnay qui m’a choisi. J’allais manger à la cantine avec Abou et Aaron, j’ai regardé, observé, sans jamais sortir de caméra. J’ai fait ça pendant deux ans. Tout ceux qui ont voulu être dans le film ont été pris. Il n’en restait plus que onze quand j’ai demandé qui était prêt à répondre à 200 questions ». « Est-ce que ça a été difficile de les faire parler ? » « J’ai commencé à raconter des trucs à moi, du collège, des trucs très personnels et ils ont commencé à s’ouvrir ». Elvis veut témoigner lui aussi : « on a pu réfléchir à ce qu’on voulait faire plus tard. Il a réussi à attirer notre confiance, je ne sais pas comment il a fait pour y arriver. » Une mère de famille prend la parole : « Restez tels que vous êtes. Vous avez du swagg, ne changez rien. » Au fond de la salle, un jeune homme réclame le micro : « je suis un ancien élève de Claude-Debussy. Et je tenais à vous féliciter ».
Si vous aimez Aki Kaurismäki, et son cinéma étrange et simple à la fois, vous adorerez Swagger. Le film pose sur les visages de ces enfants la même lumière. Le chef opérateur n’est autre que Timo Salminen qui a signé la photographie des films "L’Homme sans passé" et "Le Havre". Si vous êtes fan du groupe Air, vous adorerez la bande-son impeccable et planante de Swagger. Concoctée par Jean-Benoit Dunkel qui avait déjà signé la BO de "The Virgin suicides" et "Lost in translation" de Sofia Coppola, il récidive avec brio, ajoutant ce petit je ne sais quoi d’onirisme au film.
« J’ai été hésitante à faire le film quand j’ai vu que c’était au collège. Je suis quelqu’un de renfermé sur moi-même. Cela m’a permis de sortir dehors, de découvrir davantage de choses. Cela m’a permis de rencontrer des gens. Comme je suis timide, je voulais voir ce que ça faisait d’être devant la caméra. Je ne vais pas vous mentir, j’étais un peu dégoûtée de revenir au collège après le film. Mais bon ça va. »
Aissatou
« Elle voulait faire ce film avec ses copains de classe. On a suivi son souhait et on l’a soutenue. En rentrant à la maison, elle nous parlait un peu du film, mais pas trop. Elle voulait attendre la fin pour en parler. Depuis le film, elle a beaucoup changé. Elle a pris plus de confiance en elle. Elle a grandi aussi, mûri. Ce film, c’est à la fois le hasard, une chance et le destin. Les trois réunis. »
La maman d’Aissatou
« Elle est swagg, cette aventure. Inattendue, aussi. »
« Je ne sais pas comment Olivier est arrivé à Aulnay. Mais je savais qu’il fallait que je reste avec lui. J’ai aimé travailler avec lui. On l’avait deux heures par semaine. Et c’était nos deux meilleures heures. Il avait une salle dans notre collège. Il était en résidence. On allait le voir. On était avec lui. On était dans son monde à lui, son monde de cinéma. Il nous a donné l’amour du cinéma.
Elle est swagg, cette aventure. Inattendue, aussi. Je ne m’attendais pas du tout à ce qu’on arrive à Cannes, qu’on arrive à ce niveau-là. On a fait plein de découvertes avec ce film, de nouvelles relations avec l’équipe du film… et avec les acteurs. Bien sûr, on se connaissait tous au collège mais on n’était pas si proches que ça. Le film nous a rapprochés alors qu’on est tous différents à la base. C’est le film qui nous a unis. Une leçon de vie. »
Aaron en terminale STMG au lycée Voillaume d’Aulnay.
Olivier Babinet a reçu l’aide au film court du Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis pour « C’est plutôt genre Johnny Walker ». Grâce à elle, il montre son court-métrage en prison, dans les collèges et les lycées de Seine-Saint-Denis. C’est là qu’il rencontre une professeure du collège Claude–Debussy qui lui propose d’animer des ateliers cinéma. Huit petits films seront ainsi réalisés avec les collégiens. Dans le cadre du dispositif de résidence d’artistes in Situ proposé par le Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis, il séjournera dans cet établissement un jour par semaine pendant une année. En tout deux années passées à Aulnay qui lui donnent l’idée de tourner un clip (Life on earth de « Tomorrow’s world ») et un film sur eux, Swagger.
A lire aussi : Montée des marches à Cannes
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