S’inspirer pour évoluer
Le 7 mai, à Montreuil, le Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis proposait de réunir tou·tes ceux·celles qui contribuent à protéger les droits des enfants. Ces Etats Généraux de la protection de l’enfance ont rassemblé plus de 400 personnes.
« Adrien Taquet, le nouveau secrétaire d’État chargé de la protection de l’enfance, a ouvert une concertation sur la protection de l’enfance et annoncé un pacte pour l’enfance avant l’été. Je souhaite que ces États Généraux permettent de formuler des propositions qui constitueront notre plaidoyer collectif. » rappelait en préambule, le président du Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis, Stéphane Troussel.
En dépit des difficultés budgétaires véritables et des manquements de l’État, la Seine-Saint-Denis, a toujours fait de la protection de l’enfance une priorité : « Cette mission, elle ne ressemble à aucune autre, et je crois pouvoir dire que nous sommes fiers de la mener collectivement pour protéger et garantir les droits fondamentaux de tous les enfants de la République (...) Les défis que nous avons à relever sont immenses, tant les attentes des enfants, des jeunes et de leurs familles sont fortes, tout comme le sont celles de la société toute entière, qui nous regarde aujourd’hui. »
La protection de l’enfance est l’affaire de tou-tes.
Pour renouveler les politiques de protection de l’Enfance, les idées viennent de toutes parts. Du Morbihan, de Gironde, du Canada, du Maine-et-Loire ou encore de Polynésie. Comme les conférences familiales qui viennent des Maoris et « permettent de se mettre tous autour d’une table pour écrire un plan afin d’éviter le placement », s’enthousiasme Emmanuelle Ajon, vice-présidente chargée de la protection de l’enfance au Conseil départemental de la Gironde. Mises en place depuis une année dans son département, elles remettent la famille au cœur de sa prévention : « Ça a l’air d’un tout petit outil de rien du tout mais il permet de pousser les portes de nos services et d’y trouver de l’aide. Les conférences familiales ne sont pas un lieu où on va placer les enfants mais où l’on va trouver des ressources que l’on ne connait pas soi-même. » Dix conférences familiales ont ainsi été organisées durant l’année écoulée dont cinq sont passées devant les juges. Des conférences familiales proposées par l’ASE (aide sociale à l’enfance), mais pas forcément dirigé par un travailleur social. « Cela peut tout aussi bien être un enseignant ou un ami de la famille » ajoute l’élue girondine. L’objectif : accompagner la famille et le jeune de façon à arriver à trouver les personnes de son entourage pour résoudre son problème familial.
Emmanuelle Ajon, vice-présidente chargée de la protection de l’enfance au Conseil départemental de la Gironde aux côté de Catherine Albaric -Delpech , directrice adjointe de la DSDEN de Seine-Saint-Denis
Christina Rinaldis, juge des enfants du tribunal pour enfants de Bobigny, revient du Canada où elle a vu fonctionner les conférences de règlement amiable : « Dans le droit anglo-saxon, elles sont mises en place pour arriver à trouver des réponses à tous les besoins des personnes autour de la table. Le besoin des juges, le besoin des parents et le besoin des enfants. Il faut préciser que tous sont assistés d’un avocat. On est tous autour de la table. En France, pour mettre en œuvre pleinement cette posture, ce qui manque : c’est le temps ». En Seine-Saint-Denis, les Commissions pluridisciplinaires et pluriinstitutionnelles « s’installent doucement ». Pour Christina Rinaldis : « La fonction de Juge des enfants nécessite d’être en relation avec l’éducation, avec la psychiatrie, avec la police... ». Leur but : examiner la situation des enfants confiés à l’ASE et réévaluer leur statut si nécessaire.
Quid du secret professionnel ? « Si on veut le meilleur pour l’enfant, il y a un besoin de transversalité, explique le Juge des enfants du tribunal de Bobigny. « Pour mieux comprendre les situations, les juges des enfants ont besoin d’avoir le regard des autres professionnels. L’école peut nous renseigner sur l’agitation d’un enfant, son manque de concentration. De façon à mieux comprendre ce qui se passe dans la tête de l’enfant. »
Christine Penhouet vice-présidente du conseil départemental du Morbihan, qui possède un observatoire de la petite enfance composé de membres de la PJJ, de l’ARS, de juristes, de l’ASE, de l’Éducation nationale, de la police, des associations, de la DDASS, et des élus, estime quant à elle : « qu’il faut travailler sur le « secret partagé » pour que l’enfant soit au cœur de nos préoccupations ».
Un Centre de recherche sur les traumatismes et la résilience à Bobigny
« Il existe un consensus sur les besoins fondamentaux des enfants » reconnaît le docteur Baubet « même si les intervenants santé les connaissent assez peu finalement malgré les auditions de patients et d’expert ».
Christina Rinaldis, juge des enfants du tribunal pour enfants de Bobigny entourée de Norbert Giuliani, directeur de Rencontre 93, Thierry Baubet, professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’hôpital Avicenne et Christine Penhouet vice-présidente du conseil départemental du Morbihan.
Le docteur insiste sur l’importance de ce qu’on appelle « les méta-besoins qui conditionnent tous les autres : le besoin de sécurité, la santé au sens de protection contre la maltraitance, la sécurité affective, la vie relationnelle, qui comprend la cohérence des liens et des parcours. Le besoin des règles, des cadres, des limites. Le besoin de se forger une identité, de connaitre ses origines. Le besoin de se construire une estime de soi, de se valoriser. » Le docteur Baubet poursuit : « Chez les enfants suivis en protection de l’enfance, on sait reconnaître les troubles de l’attachement depuis 50 ans. Le stress post-traumatique (qui n’existe pas chez tous ces enfants) se caractérise par des flash-back, des humeurs et sentiments négatifs et altérés. L’enfant apprend à le cacher et le vit dans la honte et cela altère son développement. Cela nécessite une psychothérapie. Derrière les problèmes d’addiction, d’hyperactivité, on ne voit pas les traumatismes. Mais chez ces enfants, on estime une perte d’espérance de vie de 20 ans. »
L’occasion pour Thierry Baubet, chef de service à l’hôpital Avicenne, de parler du Centre de recherche et de ressources sur les traumatismes et la résilience attendu à Bobigny, dont il sera l’un des directeurs scientifiques. Un centre, créé en lien avec la faculté de médecine de Lille, dont l’objectif est bien de promouvoir les nombreuses études qui existent sur le sujet (terrorisme, violence faites aux femmes, violences faites aux enfants...).
L’ensemble des intervenants à ces États généraux, est d’accord sur un point : « La protection de l’enfance commence par une culture commune de tous les partenaires. » Une culture qui en Gironde se transmet aussi par Mooc. Via des modules de formation réalisés avec la faculté de médecine de Bordeaux pour repérer les maltraitances et les problèmes de développement causés par les relations enfants /parents. Ces MOOC protection de l’Enfance seront diffusées en libre-service dans les prochains jours sur le site Internet du Conseil départemental de la Gironde.
Ces États généraux de la protection de l’enfance que le président du conseil départemental Stéphane Troussel souhaite devenir une grande cause nationale ont aussi été l’occasion d’aborder la question des Mineurs non accompagnés, ainsi que l’accompagnement des jeunes de l’ASE vers l’autonomie. Des actes seront disponibles très bientôt sur le site du Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis.
Une étude sur le parcours des enfants confiés
Anne Devreese, directrice générale de l’Ecole nationale de la protection judiciaire de la jeunesse, cite une étude menée dans le Maine-et-Loire par le docteur Rousseau auprès de 128 enfants confiés à la pouponnière Saint-Exupéry, avant l’âge de 4 ans « L’âge moyen de placement se situe à 18 mois. Il s’agit de placements avec une gravité des situations. Ces enfants présentent des troubles psychiques. On constate que 80% font encore parties de l’ASE à l’âge de 17 ans. Pour 71 d’entre eux des retours à domicile ont été organisés. Mais pour les deux tiers ils se sont soldés par des retours dans le dispositif. Pour un quart d’entre eux, ils estiment que leur évolution a été positive. »
« La Seine-Saint-Denis est une collectivité qui s’est toujours caractérisée, historiquement je dirais et aujourd’hui encore, par une politique innovante et volontariste en protection de l’enfance, quelles que soient les difficultés propres à la situation de ce département (...) Cette journée de rencontres me parait particulièrement importante, particulièrement bien située ici. Bien située dans le temps puisque nous sommes en un moment où le gouvernement a engagé une réflexion sur le sujet aux côtés du conseil national de la protection de l’enfance, aux côtés de la Cour des comptes, aux côtés d’autres associations et du défenseur des droits qui, rapport annuel après rapport annuel, se préoccupe de ces questions, qu’elles soient à caractère individuel ou collectif. Nous sommes en un moment où toutes ces contributions, je l’espère, vont aboutir à une rénovation, une relance de la politique de protection de l’enfance. »
« Aujourd’hui en France, 25 % des jeunes de 18 à 25 ans vivent sous le seuil de pauvreté et la France, avec le Luxembourg, est le seul pays d’Europe à ne pas verser de revenu minimum aux jeunes. Un revenu de base ouvert à tous les jeunes de 18 à 25 ans leur permettrait d’avoir le socle de revenu dont ils ont cruellement besoin pour poursuivre une formation, trouver un logement et un emploi. Le revenu de base constituerait une réponse immédiate et très concrète à tous les jeunes sortant de l’Aide sociale à l’enfance. Je renouvelle ma demande au gouvernement pour que nous ayons le droit de l’expérimenter ici, en Seine-Saint-Denis. »
Photos : Daniel Ruhl
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