Rachid Santaki, dealer de mots
Journaliste, écrivain de polars, organisateur de dictées géantes et ambassadeur du In Seine-Saint-Denis, le Dionysien Rachid Santaki distribue et redistribue les mots jusque dans les quartiers populaires.
On pourrait lui en coller, des étiquettes ! Celle du jeune de banlieue entrepreneur. Ou l’étiquette du banlieusard qui s’en sort grâce à la boxe. Autre étiquette : l’autodidacte, qui a appris seul les métiers d’entrepreneur, de journaliste... Suit celle d’auteur de polar made in 9.3, plus noirs que noir. Rachid Santaki est tout cela, mais surtout il est une personne toujours en quête, en mouvement. Il a besoin d’associer une chose à une autre, d’ajouter une idée à une autre, et surtout de les mener à bien. Et toujours, il place les mots au cœur de son action. Des mots pour décrire ce qu’il vit dans son coin de banlieue, entre Saint-Denis et La Courneuve, pour raconter les personnages croisés dans la rue, au Derek boxing ou au Khédive, pour se raconter lui-même.
J’ai une idée, je me lance !
Il a commencé en fondant 5 Styles en 2003, un magazine qui traitait de hip hop, de sport, de mode, et qui croisait les genres, où un portrait de Catherine Lara succédait à une interview de Mafia K-1 Fry. Plus qu’un magazine hip hop, Rachid crée alors un magazine générationnel. Pour mener à bien le projet, Rachid a dû apprendre à monter un business plan, convaincre des investisseurs et le métier de journaliste, tout cela en allant placer lui-même les revues dans les points de distribution ! La Chambre de Commerce et d’Industrie et de Paris lui décerne même un « Espoir de l’économie » en 2006.
Coup de foudre pour les mots
Mais surtout, Rachid y apprend l’écriture. Un déclic pour celui qui enfant passait des heures chez le libraire à lire des BD, caché derrière les rayonnages. Un premier livre autobiographique comme il se doit, la petite cité dans la prairie, puis il se lance dans une longue série de polars. Avec des titres qui claquent, la série noire revue façon punchline : Les anges s’habillent en caillera, La légende du 9.3, Les princes du bitume, Des chiffres et des litres, Business dans la cité...
Rachid Santaki a l’art de tremper sa plume dans le bitume pour décrire une Seine-Saint-Denis côté obscur, celle qu’on n’aime pas montrer, qui existe pourtant. Ces récits reprennent toute la mythologie délinquante qu’on se raconte en groupe, durant des heures assis sur un banc au bas de la cité. Les dérives, les exploits, les trahisons, les sales affaires d’une partie de la jeunesse de banlieue. Rachid ne juge pas plus qu’il ne glorifie, il raconte simplement et dresse le portrait d’une partie de la jeunesse pour qui les idéaux ont failli. Pour laquelle désormais il est essentiel de montrer des signes de richesse, de briller au moins un instant, quel qu’en soit le prix.
Des dictées pour rassembler
Rachid lui peut s’appuyer sur de solides valeurs issues de sa famille marocaine, associées à son amour des mots et de la langue française. Persuadé que la langue, la culture est à la fois l’outil indispensable pour s’élever soi-même et le lien qui rassemble des personnalités, des origines différentes, il crée les Dictées des cités, qui deviendront ensuite les Dictées géantes. L’idée est simple : proposer aux gens dans les quartiers populaires quel que soit leur âge, leur niveau de participer à une dictée. Et ça marche ! Rachid organise des dictées dans la France entière, jusqu’à la plus grande dictée au Stade de France avec plus de mille participants. Des dictées où les participants sont valorisés pour avoir osé se confronter librement à l’exercice difficile de la dictée. Les dictées vont partout, jusque dans les prisons, pour aider des exclus à se réapproprier la langue, et ainsi franchir un premier pas vers la réinsertion.
Rachid lui continue d’avancer. Il a toujours plusieurs projets sur le feu. D’autres polars, des scénarios de films, mais aussi d’autres livres, plus personnels explique-t-il : « Je suis sur un bouquin qui traite de la perte de l’enfance. Il n’a rien à voir avec la banlieue, c’est un sujet plus universel. Mais en même temps, pour pouvoir l’écrire, il faut que je me dévoile. Et il y a encore une carapace, des freins... Mais c’est ce vers quoi je veux tendre maintenant. Il y a encore du travail ! »
N’en doutons pas, bientôt toutes les autres étiquettes se seront envolées, et à côté du nom Rachid Santaki figurera simplement un mot, écrivain.
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