Quatre jeunes de Seine-Saint-Denis dans le Grand Nord
A l’initiative de l’association de Drancy, Science Ouverte, un ancien chercheur du CNRS et quatre jeunes de Seine-Saint-Denis se lancent dans l’exploration de la Terre d’Inglefield, au beau milieu du Groenland. Leur mission : documenter la biodiversité des lieux. Une grande première en France.
« C’est vrai que c’est un projet un peu fou. J’ai beaucoup d’amis qui me disent : ah, tu vas dans le froid au moment où tout le monde va au soleil… Mais moi, j’ai hâte d’y être ! » Youssef, 18 ans, compte les jours qui le séparent du grand départ. Comme ses 3 autres compagnons, ce lycéen d’Aubervilliers s’apprête à embarquer dans une drôle d’aventure : 3 semaines d’expédition en plein Groenland, autrement dit au milieu de nulle part.
Du 19 juillet au 20 août, Nina, Elisa, Arthur et Youssef vont en effet marcher dans les traces des Amundsen, Scott et autres explorateurs du Grand Nord et arpenter la Terre d’Inglefield, située à 150 km au nord du dernier village inuit.
L’idée de ce projet qui mêle à la fois aventure et sciences a été suggérée par le 5e larron de la bande : le chercheur Jacques Moreau, ancien directeur de recherche au CNRS et grand amoureux de l’Arctique. Ce spécialiste de biologie moléculaire, qui compte déjà 4 voyages en terre inuit à son actif, a accepté d’emmener dans son sillage 4 jeunes de Seine-Saint-Denis pour établir une grande première : documenter la biodiversité de la Terre d’Inglefield, que l’on ne peut parcourir qu’à pied...
« Avec l’association Science Ouverte, j’organise depuis longtemps des stages de biologie et également des conférences sur l’Arctique. Mais j’ai toujours eu aussi l’envie de montrer à ces jeunes ce qu’est la science de terrain, pas seulement la science de paillasse. Quand on m’a proposé d’emmener 4 jeunes dans mon prochain voyage en Arctique, j’ai donc dit banco », raconte Jacques Moreau, 68 ans, mais dont les yeux brillent comme ceux d’un petit garçon quand il est question d’expédition polaire. « Et puis ce projet permet aussi de montrer qu’en Seine-Saint-Denis, des jeunes avec beaucoup d’envie et de motivation peuvent faire des choses assez extraordinaires. », poursuit le chercheur originaire lui-même du quartier Pleyel de Saint-Denis.
Pour donner leur chance à des cinq-là, l’association drancéenne n’a pas ménagé ses peines : elle a récolté 56000 euros, via un financement participatif et des subventions de collectivités locales. Un projet au long cours qui va donc connaître son top départ le mardi 19 juillet, avec un premier vol vers Copenhague, capitale danoise dont dépend le Groenland. Quatre autres vols plus tard, la bande des cinq atterrira dans le village de Qaanaaq, où des inuits les aideront à accéder en barque à moteur à la fameuse Terre d’Inglefield. A partir de là commencera leur longue marche, avec pour chacun des tâches bien particulières.
« J’ai pour mission de recenser et dénombrer les oiseaux, explique ainsi Elisa, élève de 18 ans au lycée Jean-Baptiste de La Salle de Saint-Denis. En effet, si on connaît déjà les différentes espèces de la Terre d’Inglefield, on ne sait pas encore combien il y en a. Il faudra donc je photographie leur vol pour pouvoir les compter », détaille celle qui a potassé les caractéristiques des mergules, sizerins blanchâtres et autres arlequins plongeurs en même temps qu’elle passait son bac.
Nina, sa camarade du même lycée aura quant à elle pour mission de constituer un herbier, là où Youssef devra effectuer des relevés météorologiques. Enfin, Arthur, élève de 19 ans en deuxième année à Polytechnique, aura pour tâche d’analyser l’inclinaison et l’aspect des terrains pour les comparer aux images satellitaires. « Notre mission en Terre d’Inglefield se compose de plein de petites tâches que nous ont confiées différents labos scientifiques en France quand ils ont appris que nous partions. Pour eux comme pour tous ceux à qui on présentera nos travaux à notre retour, on est particulièrement motivés », assure-t-il.
Des trouvailles scientifiques excitantes, des horizons à perte de vue et une sensation de liberté, c’est donc ce qui attend ces 5 vaillants explorateurs... Mais aussi le jour permanent, un froid coriace oscillant entre 2 et 5 degrés et de longues journées de marche entre 4 camps de base différents, avec des sacs à dos entre 10 et 15 kilos sur leurs épaules.
A l’heure de partir, l’appréhension grandit forcément, en même que l’excitation. « Je redoute un peu la sensation d’isolement qui va nous gagner au fur et à mesure que l’on s’éloignera », confie Arthur, immédiatement réconforté par Youssef : « Mais on sera quand même cinq. C’est pas comme de partir tout seul. Alors évidemment, on se fera peut-être parfois un peu la gueule, mais je pense que ça ira. » Préparée au mieux, cette délégation d’explorateurs sera de toute façon reliée par téléphone satellitaire au reste de l’équipe de Science Ouverte, qui suivra leur progression depuis le Château de Ladoucette à Drancy. Quant au fait de ne pas se laver véritablement pendant 3 semaines, ça ne fait pas vraiment peur à Nina : « Comme on sentira tous très mauvais, on ne le remarquera même plus », glisse-t-elle, espiègle.
Tous sont en tout cas unanimes sur une chose : la grande chance qu’ils ont de pouvoir partir vers l’inconnu et d’approfondir leur appétit pour les sciences. « Une initiative comme celle-là, c’est une occasion unique », s’enthousiasme Nina qui a croisé le chemin de l’association via un professeur de physique qui lui avait conseillé de se rendre à l’université d’été que Science Ouverte organise chaque année sur le site de Paris-XIII. « J’avais déjà le goût des sciences, mais je pense qu’un voyage comme celui-là va me permettre de mesurer encore davantage ce qu’est la recherche scientifique », renchérit Elisa, qui songe elle à entamer des études de neurologie.
A leur retour, ces quatre-là comptent bien faire partager leur expérience unique à leurs camarades restés sur place. Une exposition devrait ainsi donner à voir le fruit de leurs recherches sur le Grand Nord et quelques lycées franciliens se sont déjà déclarés intéressés pour l’accueillir. Tout le monde pourra alors profiter de leur voyage véritablement inuit.
Fondée en 2007, cette structure de Drancy poursuit depuis un seul et unique but : ouvrir la science aux jeunes et les jeunes à la science. « Quand on grandit dans une cité, on n’a pas toujours le même environnement culturel que dans d’autres quartiers », explique François Gaudel, son fondateur et président. Certains jeunes peuvent se sentir un peu prisonniers d’un contexte, ce qui freine l’émulation. Nous, on a décidé humblement de les mettre au contact de chercheurs et de scientifiques pour leur montrer tout ce qu’il est possible de faire dans ce champ ». Depuis de longues années, l’association, d’ailleurs également financée par le Conseil départemental, organise ainsi des universités d’été sur le campus de Paris-XIII et convie des pointures universitaires à exposer le fruit de leurs recherches auprès des jeunes des quartiers populaires « J’ai fait la connaissance de Jacques Moreau durant une conférence organisée par Science Ouverte sur « L’ADN dans tous ses états ». Ca m’avait vraiment intéressé », témoigne par exemple Youssef qui pense depuis s’orienter vers un métier scientifique. « Notre but, c’est aussi d’aiguiller les jeunes, de leur donner des outils via des tutorats qui les aident au niveau de l’apprentissage et des méthodologies scientifiques », complète François Gaudel. Comme quoi la science expliquée par les bonnes personnes, c’est pas sorcier.
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