Quand Georges Pérec débarque en Seine-Saint-Denis
Pour leurs balades sonores baptisées « Les rues n’appartiennent en principe à personne », les metteuses en scène Lola Naymark et Mélanie Péclat font témoigner les habitants sur leur quartier et leur rapport à l’espace public. Après Avignon, mis à l’honneur au moment du festival, elles en feront de même avec le quartier Pleyel de Saint-Denis et l’Ile Saint-Denis. Suivez les guides !
C’est un bien curieux ballet auquel on peut assister tous les après-midis autour de la Parenthèse, l’espace loué par le Département et les théâtres Gérard-Philipe de Saint-Denis et Louis-Aragon de Tremblay à Avignon. Des spectateurs y partent à heures fixes pour une boucle dans le quartier autour du théâtre, casques sur les oreilles et nez au vent. Inutile cependant de chercher un guide avec son parapluie rose ou sa peluche ridicule en tête de cortège, vous n’en trouverez pas. En l’espèce, le guide, ce sont les habitants d’Avignon eux-mêmes.
A l’occasion du festival, la metteuse en scène Lola Naymark et la preneuse de son Mélanie Péclat ont décidé d’adapter à Avignon un concept qu’elles ont déjà mis en pratique pour dix villes différentes : réaliser un "audioguide" à partir des témoignages des gens du cru. Hommes, femmes, enfants, jeunes, vieux, ils interviennent ainsi tous sur leur ville, expliquent l’attachement qu’ils éprouvent pour elle, et répondent à cette question plus compliquée qu’il n’y paraît : à qui appartient la rue ? "A personne" si l’on en croit l’auteur Georges Pérec, dont le texte "Espèces d’espaces" sert de support littéraire et de fil rouge pour lier les récits des habitants entre eux. « A tout le monde et non pas à chacun », si l’on écoute Mathilde, Avignonnaise qui répond scrupuleusement à la question posée : « Pour moi, la rue n’est pas une agrégation de petits bouts de propriété. C’est un bien en commun »
Et comment les auteures en sont-elles arrivées à vouloir poser cette question aux gens ? « J’ai toujours eu un rapport passionné à la ville, témoigne Lola Naymark. Par exemple, à chaque fois que je rends visite à mes grands-parents à Dunkerque, je promène sur cette ville et ses changements un regard aiguisé, même si je n’y ai jamais habité. La rue, quand on y pense, c’est à la fois un espace politique au sens où il est par la force des choses un lieu de vivre-ensemble et aussi un espace poétique, qui met les sens en éveil. Et à travers ces déambulations, on voulait que les gens prennent conscience de ça. »
A Avignon, le spectateur est donc guidé par Pierre, le coiffeur au coeur tendre et au bel accent du midi, Christiane, atteinte d’un problème de vue et qui nous encourage à maintenir tous nos autres sens en éveil ou encore Michel, l’ex-soixante-huitard qu’on devine un peu désolé par la perte de sens collectif dans la rue (caméras de vidéo-surveillance, ballet incessant des valises à roulettes).
Et dans un futur relativement proche, ces déambulations sonores arriveront aussi en Seine-Saint-Denis : le théâtre Gérard-Philipe a en effet programmé « Les rues n’appartiennent en principe à personne » pour juin 2020, et les entretiens avec des habitants du quartier de Pleyel et de l’Ile Saint-Denis débuteront en janvier. « Pour les entretiens, on fait souvent appel aux structures qui nous accueillent. On ne veut surtout pas de casting d’habitants. Ce doit être le plus naturel et le plus représentatif possible », précise Mélanie Péclat. En attendant, les Séquanodionysiens pourront déjà aller voir le travail de ces deux auteures au festival Impatience de Paris (du 6 au 18 décembre 2019) puisque leurs déambulations se doublent d’une pièce où deux comédiens portent la parole des habitants des 10 villes parcourues, édifiant ainsi une sorte de ville idéale. L’utopie au bout de la rue...
Christophe Lehousse (en direct d’Avignon)
Ce qu’ils en ont pensé
Simon
« C’est un beau travail. Je retiens évidemment la participation des habitants et leur parole souvent très poétique. C’est cette parole qui fait toute la différence entre ces déambulations et un tour-operator classique, où on serait tous branchés sur audioguide. En tant qu’acteur culturel pour un mouvement d’éducation populaire (la Ligue de l’enseignement), c’est le genre d’action artistique que je trouve très enrichissante : elle éveille à cette belle notion de vivre-ensemble. »
Nathalie
« J’ai trouvé ça intéressant, délicat et poétique. Poétique par la parole des habitants et parce que ça fait appel aux sens : on est en éveil durant cette balade. J’ai trouvé aussi pertinente cette façon d’interroger le rapport à l’espace public. C’est vrai qu’on a l’impression qu’on vit de moins en moins dans les rues, que tout le monde se replie sur son chez-soi. Pour les pouvoirs publics, il y a donc une vraie réflexion à mener pour inverser cette tendance. Et en même temps, les habitants ne peuvent pas non plus en faire l’économie, parce que la rue c’est justement l’affaire de tous. »
Marc, directeur de la compagnie Art’zimut, qui organise des spectacles chez l’habitant dans le Lot
« L’espace public pour moi, ce n’est pas un état ni un lieu. C’est une notion : c’est quand on prend possession de l’espace, quand les gens s’y côtoient. Par exemple, nous organisons depuis de longues années maintenant des spectacles chez l’habitant. Eh bien, durant le temps de la représentation, leur espace privé devient public. Et c’est ça justement que je trouve intéressant : il faut que les gens se réapproprient plus que le pas de leurs portes, qu’ils réinvestissent les rues. Et dans cette opération, les pouvoirs publics ont un grand rôle à jouer. »
Simon
« C’est un beau travail. Je retiens évidemment la participation des habitants et leur parole souvent très poétique. C’est cette parole qui fait toute la différence entre ces déambulations et un tour-operator classique, où on serait tous branchés sur audioguide. En tant qu’acteur culturel pour un mouvement d’éducation populaire (la Ligue de l’enseignement), c’est le genre d’action artistique que je trouve très enrichissante : elle éveille à cette belle notion de vivre-ensemble. »
Nathalie
« J’ai trouvé ça intéressant, délicat et poétique. Poétique par la parole des habitants et parce que ça fait appel aux sens : on est en éveil durant cette balade. J’ai trouvé aussi pertinente cette façon d’interroger le rapport à l’espace public. C’est vrai qu’on a l’impression qu’on vit de moins en moins dans les rues, que tout le monde se replie sur son chez-soi. Pour les pouvoirs publics, il y a donc une vraie réflexion à mener pour inverser cette tendance. Et en même temps, les habitants ne peuvent pas non plus en faire l’économie, parce que la rue c’est justement l’affaire de tous. »
Marc, directeur de la compagnie Art’zimut, qui organise des spectacles chez l’habitant dans le Lot
« L’espace public pour moi, ce n’est pas un état ni un lieu. C’est une notion : c’est quand on prend possession de l’espace, quand les gens s’y côtoient. Par exemple, nous organisons depuis de longues années maintenant des spectacles chez l’habitant. Eh bien, durant le temps de la représentation, leur espace privé devient public. Et c’est ça justement que je trouve intéressant : il faut que les gens se réapproprient plus que le pas de leurs portes, qu’ils réinvestissent les rues. Et dans cette opération, les pouvoirs publics ont un grand rôle à jouer. »
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