« Ni hao » et « Servus » au collège Pablo-Neruda d’Aulnay-sous-Bois
Du 11 au 19 novembre, ce collège situé dans un quartier populaire a accueilli des correspondants taïwanais et allemands, logés dans les familles. L’occasion pour les élèves d’Aulnay-sous-Bois de prendre confiance et de s’ouvrir au monde.
« Avant d’entamer cet échange, je ne savais rien sur Taïwan. Tout juste que c’était à côté de la Chine... Maintenant, je sais qu’ils sont très généreux et quel type de nourriture on peut y trouver : du « bubble tea » ou du gâteau à l’ananas. Je sais même dire quelques mots comme « wo ai ni », « je t’aime » ou « pata-pata » : imbécile ! »
Comme les 15 autres élèves du collège Pablo-Neruda qui ont accueilli durant toute une semaine une délégation de collégiens taïwanais, Lina a le sourire. Melody, sa correspondante taïwanaise aussi, même si parfois le sourire le dispute aux larmes adolescentes et aux effusions de câlins.
Car vendredi, c’est déjà presque l’heure des adieux. La conclusion d’une folle semaine, qui aura vu les 15 élèves du collège de Jinhu, sur l’île de Kinmen, visiter Versailles et le Louvre, faire une chasse au trésor dans Paris en compagnie de leurs alter-egos français ou encore manger au CEFAA de Villepinte (Centre européen de formation par alternance). Tout cela entrecoupé de nuits passées au sein des familles de leurs correspondants, qui n’auront pas ménagé leur peine pour que les voyageurs lointains soient à leur aise.
Loi du kilomètre oblige, les élèves taïwanais sont en ce vendredi soir l’attraction n°1, un peu plus que les 15 autres correspondants, venus eux de Schongau, en Bavière (voir encadré).
Questionnée sur son séjour, Mira, une des collégiennes à l’anglais le plus fluide, ne sait pas par où commencer : « Ce qui m’a plus impressionnée, c’est le Louvre, avec le portrait de Mona Lisa. Et aussi les pigeons : c’est bête à dire, mais il n’y en a pas chez nous... Maintenant, on a hâte d’accueillir les Français sur notre île. Ce qu’on leur montrera ? Sans doute nos maisons traditionnelles avec leur majoliques (murs de faïences qui décorent certains intérieurs taïwanais, ndlr) »
Car il est aussi prévu que les chanceux de Pablo-Neruda jouent le match retour. En avril, ils décolleront ainsi direction Taipei, la capitale de l’île de Taïwan, avant de prendre un autre avion pour la plus petite île de Kinmen, coincée entre Taïwan et les côtes chinoises. Un projet rendu possible par plusieurs sources de financements, parmi lesquelles le dispositif Odyssée Jeunes, financé par la Fondation BNP Paribas, l’Education nationale et le Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis qui auront contribué à hauteur de 10 000 euros. Et surtout par l’opiniâtreté d’un professeur, Yann Reby.
Ce soir-là, cet enseignant d’anglais arrivé en 2005 à Pablo-Neruda ne boude pas son plaisir aux côtés de ses élèves. Et pourtant, il a dû se battre contre un certain nombre de préjugés avant de pouvoir mettre sur pied ce projet. « Les projets d’échanges dans ces quartiers prioritaires, c’est on ne peut plus important, mais ce n’est pas toujours simple. Il a fallu nous y reprendre à plusieurs fois avant de pouvoir construire quelque chose de solide. C’est malheureux à dire, mais l’étiquette imposée au quartier depuis les émeutes de 2005 nous collait vraiment à la peau. » Et d’évoquer par exemple en 2007 le désistement de dernière minute de la part d’un collège anglais à Exeter, apeuré par des émeutes urbaines survenues pourtant à des kilomètres de là, à Villiers-le-Bel.
« Là, c’est la deuxième fois que nous mettons en place cet échange, après une première édition en 2013-2014. Et à chaque fois, ça dépasse nos espérances », poursuit cet amoureux de Taïwan, qu’il a découvert à titre personnel en 2012. Les bienfaits d’une telle initiative ? « Le plus évident, c’est le volet pédagogique : ça les fait progresser en anglais. Mais l’essentiel, c’est l’ouverture sur le monde et la fierté que les collégiens en retirent. Enfin, ils ne sont pas vus comme les élèves d’un quartier sensible, mais comme des hôtes et des ambassadeurs. C’est tout simplement valorisant. »
Khadidja, qui fait partie d’une fanfare New Orleans montée au sein du collège, n’est ainsi pas avare en efforts quand il s’agit de mettre de l’ambiance, à grands coups de trombone. Clara, elle, est toute fière d’étaler sa science sur les limules, ces crabes géants de Taïwan « dont le sang bleu, riche en cuivre, sert à tester la pureté des instruments chirurgicaux » A côté des traditionnels cours d’anglais, le projet s’est en effet doublé d’une étude sur ces arthropodes marins, spécifiques à l’ile de Taïwan, et menacés d’extinction. La semaine aura aussi connu un temps fort jeudi soir, avec le repas commun au collège organisé par toutes les familles d’accueil. Pour revenir sur ces journées riches en émotions, les élèves auront bénéficié de l’appui de l’association Starting-Block, mandatée par Via Le Monde, structure du Conseil départemental, pour mettre en mots cette expérience de partage interculturel.
Et maintenant ? Yann Reby et son équipe préparent déjà le match retour. « Pour le voyage là-bas, on leur a concocté un programme plutôt sympa je crois. Ils visiteront Taipei, la capitale de Taïwan, et rencontreront une actrice et un restaurateur qui y vivent. Et une fois sur Kinmen, nous nous rendrons dans une ferme à limules et aussi chez un personnage haut en couleur, Maestro Wu, un forgeron qui s’est fait une spécialité de transformer en couteaux de cuisine les obus qui sont tombés pendant 30 ans sur l’île. » Quelle odyssée jeunes !
Christophe Lehousse
Photos : @Franck Rondot
Pendant que certains élèves aulnaysiens accueillaient leurs correspondants taïwanais, d’autres recevaient les leurs avec un joyeux « Hallo » ou même « Servus ». La même semaine, des élèves de la Realschule Pfaffenwinkel de Schongau, près d’Augsbourg en Bavière, étaient en effet aussi les hôtes du collège Pablo-Neruda. Le projet, de moindre ampleur, n’a lui certes pas bénéficié du soutien d’Odyssée jeunes, mais là encore il aura permis un échange bienvenu entre deux cultures et une seule et même jeunesse européenne. « Ca s’est très bien passé, et les familles ont vraiment joué le jeu. Toutes ont pris un correspondant chez elles », se félicitait Mme Blanc, enseignante d’allemand à Pablo-Neruda.
A quoi ressemble l’amitié franco-allemande vue depuis Aulnay ? Eliya, élève de 13 ans à Schongau, dont c’était la première fois en France, a beaucoup aimé les bateaux mouches et le Louvre. « Bon, avec mon correspondant Ismael, on a surtout parlé de foot, lui étant supporter du PSG et moi du Bayern, mais ça compte aussi non ? », disait l’ami allemand. « J’ai appris quelques mots en allemand : « danke », « ein bisschen », « viel » (merci, un peu, beaucoup). Entre nous, on se montrait des photos et on parlait un peu de nos passe-temps. », témoignait de son côté Hawa, en 5e à propos de son échange avec la très francophile Bernadette. Et là encore, il y aura une visite retour : en mars, les Aulnaysiens auront la joie de découvrir la Augsburger Puppenkiste – théâtre de marionnettes – ou encore le château de Neuschwanstein, édifié par Louis II de Bavière et accessoirement connu pour avoir servi de modèle au château de Disneyland...Paris.
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