Making Waves, la radio comme outil d’insertion
Collectif lancé en 2019 à Rosny-sous-Bois, Making Waves favorise des espaces de dialogue, de rencontre et de création par le biais de la radio. En 2021, il a créé un atelier-chantier d’insertion (ACI) qui emploie huit salariés formés à la réalisation et à la production sonore. La radio, ou l’outil idéal pour retrouver confiance et estime de soi. Reportage.
L’endroit est si bien caché qu’on en vient à se demander si ce n’est pas avec les services de renseignement français qu’on a rendez-vous. Les locaux du collectif Making Waves (faire des vagues, en français) sont situés au pied d’une barre d’immeuble, à Rosny-sous-Bois, derrière une grande porte métallique noire dépourvue d’écriteau. « Les gens ont encore du mal à nous trouver, ça ne fait pas longtemps qu’on a emménagé ici », précise Amélie Billault, cofondatrice et directrice de Making Waves. Née de la rencontre de réalisateurs radio, de journalistes, d’ingénieurs du son, d’universitaires et d’acteurs du champ social, cette association vise, à travers l’outil radiophonique, à faire émerger des espaces de dialogue, de transmission, d’expression et de création.
Après avoir mis en place coup sur coup en 2020 un pôle ONG, à forte dimension humanitaire, et un pôle studio de création pour la production de contenus audio, le collectif a lancé l’an passé un atelier-chantier d’insertion (ACI) pour lequel il a recruté huit salariés (un neuvième viendra prochainement renforcer l’équipe). Les contrats portent sur 26 heures hebdomadaire et courent, en fonction des profils, sur 6 à 24 mois. « Nous les accompagnons, selon l’expression consacrée, ‘’vers une sortie positive’’, c’est-à-dire faire en sorte qu’à l’issue de leur mission chez nous, ils trouvent un emploi, une formation ou créent leur propre entreprise », explique Mohamed Bensaber, conseiller en insertion à Making Waves.
La création plutôt que la monétisation
Si les objectifs du dispositif - encadrer et former des personnes rencontrant des difficultés sociales et professionnelles - sont propres à n’importe quel ACI, le secteur d’activité, à savoir les métiers de la radio, n’est pas commun. « Si on parvient à susciter des vocations, c’est tant mieux mais ce n’est pas notre volonté, affirme Amélie Billault. La radio, ici, est un prétexte pour acquérir des compétences douces (le savoir-être, notamment) et transférables (aisance orale, connaissances numériques, etc.). En donnant l’occasion à ses utilisateurs de prendre librement la parole, ce média redonne confiance en soi, permet d’être fier de son parcours même s’il est chaotique. C’est donc un formidable levier pour créer du lien entre les demandeurs d’emploi et les entreprises. » De par sa souplesse et sa légèreté, à coup de fiction, documentaire ou débat, la radio reste en effet le moyen idéal pour réunir les gens autour d’une table.
Pour Alexandre Plank, producteur et réalisateur radio et co-fondateur de Making Waves, la création radiophonique permet de modifier les rapports entre les personnes. « La présence d’un micro met tout le monde sur un pied d’égalité et permet d’obtenir un propos qui sort des sentiers battus. La radio n’est pas faite uniquement pour être écoutée mais pour donner la parole à des personnes qui en sont souvent dépourvues et qu’ils nous partagent leur point de vue. L’enjeu, c’est de créer des espaces de média de proximité dans lesquels la production prend le pas sur le résultat. » La course à l’audience, très peu pour Making Waves, là n’est évidemment pas son credo. Positionnée à la marge des médias dominants ou en quête de monétisation, la jeune entreprise place son curseur sur l’exigence artistique et les impacts sociaux qui en découlent.
Ancien assistant ingénieur du son dans le milieu de la musique, Momar, 51 ans, est sous contrat ACI depuis un an au sein de l’association. Après avoir perdu son boulot et connu un divorce, il a mangé son pain noir et a même vécu un temps dans la rue. Aujourd’hui, il a retrouvé un toit et surtout beaucoup d’espoir grâce à Making Waves. « L’univers m’est familier, raconte-t-il, je fais du montage, de la production, j’interviens sur des plateaux de radio, j’enregistre des fictions, des micros-trottoirs, bref je n’arrête pas et je prends beaucoup de plaisir. A peine formé, on m’a tout de suite confié des responsabilités. Quand mon CDD expirera, je compte retourner au Sénégal, mon pays d’origine, et dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest pour tendre mon micro à la population. J’ai eu de la chance, moi aussi je veux transmettre ce qu’on m’a enseigné. »
Julie, 22 ans, bénéficie du même dispositif. Après une licence d’anglais à Paris 8, la jeune fille originaire de Rosny-sous Bois a suivi une formation de comédienne en Angleterre. Mais l’expérience a tourné court et elle est retournée habiter chez sa mère il y a quelques mois. « C’est la mission locale de Rosny-sous-Bois qui m’a parlé de Making Waves. Depuis que j’ai été recrutée (il y a environ un an), j’ai exploré tous les métiers de la radio et j’ai eu un véritable coup de cœur pour ce média. » Cerise sur le gâteau, elle a assisté Alexandre Plank, metteur en scène à ses heures, sur une adaptation de Gatsby le magnifique, le chef d’œuvre de Francis Scott Fitzgerald, présenté au théâtre du Châtelet en février dernier.
Participation à des dispositifs départementaux
En dehors des créations de contenus audio, l’association met aussi en place des projets subventionnés d’utilité solidaire, en France et à l’étranger. A travers le pôle ONG, elle rend la radio accessible à toutes et tous à la faveur de son studio radio portable : la Radiobox. Pour concevoir cet objet que l’on peut facilement glisser dans un sac à dos – et qui est aujourd’hui fabriqué à Noisy-le-Sec, le collectif a travaillé des mois durant avec des ingénieurs et des réalisateurs de Radio France, des élèves et des enseignants de l’École Nationale Supérieure de Création Industrielle (ENSCI). Le résultat est bluffant : simple d’utilisation, léger (deux kilos), ergonomique et fonctionnant sur batterie, il rend accessible la production radiophonique à des publics sous représentés ou en situation d’exclusion dans le monde entier. « Nous faisons parvenir des Radiobox à des structures sociales, des pays en développement ou des camps de réfugiés, révèle Alexandre. Nos relais sur place (ONG, Instituts français, etc.) mettent le pied à l’étrier aux usagers qui deviennent rapidement autonomes tant l’objet est facile d’utilisation. » Ces prochains jours, l’association va envoyer 15 box en Ukraine.
Enfin, Making Waves, c’est aussi un studio d’enregistrement où sont créés des séries audio, des podcasts, des œuvres sonores et musicales, des parcours et des dispositifs immersifs, en plusieurs langues et en partenariat avec des radios, des musées, des théâtres et des institutions publiques. L’association a récemment lancé l’émission « Ecoutes croisées ». Diffusée sur la RTBF (Radio Télévision Belge Francophone) et la RTS (Radio Télévision Suisse), cette série de huit podcasts propose des rencontres avec des auteurs originaires de pays bordant la mer Méditerranée. Parmi les autres projets, on retiendra celui mené avec le romancier Mohamed Mbougar Sarr (dont le livre La plus secrète mémoire des hommes a reçu le Prix Goncourt en 2021), une fiction autour de son ouvrage Terre ceinte. Ou encore celui mis en place avec des réalisateurs qui vont aller à la rencontre d’habitants de Bobigny pour une initiation à la création documentaire. « L’idée, c’est de les former à l’écriture radiophonique et qu’ils cosignent ensuite l’émission », indique Alexandre.
Très implanté sur le territoire, Making Waves, qui aimerait d’ici peu devenir un tiers-lieu ouvert sur le territoire et doté d’un espace de restauration, agit souvent en étroite collaboration avec le conseil départemental. La preuve : en septembre prochain, l’équipe va installer des plateaux radio en plein air dans le cadre du budget participatif départemental pour donner la parole aux porteurs de projets. Dans la foulée, il va participer à Agora, le dispositif d’éducation aux médias et à la liberté d’expression lancé dans les 130 collèges de Seine-Saint-Denis par le Département. L’an passé, il avait réalisé une série de podcasts lors du Bel été solidaire (qui comprend une offre de loisirs dédiée à la période estivale). « Ce qui serait génial, ce serait de pouvoir créer une radio du département, ambitionne Amélie. On organiserait des plateaux avec des jeunes, des acteurs de la société civile, des élus. » Un nouvel espace de dialogue riche et foisonnant.
Grégoire Remund
Photos : ©Franck Rondot
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