Mains d’Œuvres ne se relâche pas
Après l’expulsion de ses locaux le 8 octobre 2019 à Saint-Ouen, point sur la situation et les soutiens de Mains d’Œuvres. En attendant le 13 novembre et une décision de justice quant à son avenir, la structure culturelle emblématique organise la pérennité de ses activités, avec le concours notamment du Département.
« En attendant la décision de justice, on ne lâchera pas sur ce lieu. Il n’y a aucune raison valable d’organiser un déménagement. » Juliette Bompoint, la directrice de Mains d’Œuvres, annonce la couleur très posément.
Après l’expulsion de ses locaux, cette friche culturelle nichée depuis 2001 dans l’ancien Centre social et sportif de l’usine automobile Valeo organisait mercredi 16 octobre une conférence de presse pour faire le point sur sa situation et dire sa volonté de ne pas plier face à la mairie de Saint-Ouen. Celle-ci, propriétaire des lieux, accuse en effet la structure de ne pas avoir libéré l’ancienne friche industrielle depuis le 31 décembre 2017, date de la fin de son bail. Version des faits contestée par Mains d’Œuvres, rappelant notamment la « fausse proposition de médiation » faite par le maire William Delannoy. Et soulignant surtout l’énorme casse culturelle et sociale, générée par la mise à exécution de cette expulsion.
Au pied du bâtiment muré depuis le 8 octobre et où les 250 artistes en résidence obtiennent le droit d’aller chercher au compte-gouttes leurs effets personnels, la fatigue se faisait sentir, mais la détermination aussi.
« Face à cette décision injuste, on a voulu montrer notre capacité de résilience, expliquait Thibault Saladin, directeur de l’école de musique « La Momo » intégrée à Mains d’Œuvres. Toute cette semaine, on a ainsi travaillé à relocaliser les cours. Les cours de nos 260 élèves ont bien eu lieu, en les dispatchant dans les familles respectives ou dans des associations. C’est une solidarité qui fait chaud au cœur », soulignait le responsable. A partir de lundi, le stage de vacances de la Momo pourra lui aussi être assuré grâce à la mise à disposition du collège Joséphine Baker de Saint-Ouen, à l’initiative du Conseil départemental.
Mais les responsables de la structure voyaient aussi plus loin, rappelant qu’une décision de justice était toujours en cours. « Nous avons obtenu du juge de l’exécution qu’il avance sa décision au 13 novembre (au lieu du 3 décembre, ndlr). Cette décision peut tout à fait entraîner une suspension de l’ordre d’expulsion, mis à exécution le 8 octobre dernier », expliquait Maître Péru, l’avocat auquel a fait appel Mains d’Œuvres. Qui avançait toutefois une autre préoccupation : « Nous avons jusqu’au 9 novembre pour vider les lieux. Mais entre le 9 et le 13, date du rendu de la décision, la mairie récupère les droits sur son bâtiment. Elle peut donc en théorie faire ce que bon lui semble de l’intérieur. Et vu la violence matérielle de certaines actions lors de l’expulsion du 8 octobre, on ne sait pas à quoi s’attendre… », poursuivait l’avocat. Ce qui amenait les différents membres de la structure à appeler à la vigilance durant cette période. Une chaîne humaine pour protéger le bâtiment est ainsi à l’étude, alors que la manifestation festive en faveur du lieu culturel a déjà réuni samedi quelque 3000 personnes.
D’ici là, Mains d’Œuvres peut en tout cas compter sur plusieurs mains tendues : la Direction régionale des Affaires culturelles (DRAC), la ville de Paris, Plaine Commune et le Département ont ainsi convenu mercredi 16 octobre de la création d’un Fonds d’urgence, abondé à hauteur de 200 000 euros. « Car il ne faut pas perdre de vue que l’expulsion de Mains d’Œuvres a aussi un lourd impact financier, soulignait Adel Ziane, membre du Conseil d’administration depuis 2015. Durant cette première semaine de fermeture, l’arrêt de certaines activités représente une perte de l’ordre de 300 000 euros, autant de fonds que la structure ne peut pas réinvestir dans son fonctionnement ».
La DRAC, service de l’État, a également souhaité relancer un processus de médiation entre Mains d’Œuvres et la mairie de Saint-Ouen.
« Ce n’est pas n’importe quel lieu qu’on veut fermer. Il y a 20 ans, les toutes premières rencontres européennes sur les friches culturelles se sont faites ici, rappelait pour finir Fazette Bordage, la fondatrice de Mains d’Œuvres, également présente. On disait alors : l’avenir des lieux de culture, c’est de mélanger les pratiques amateurs et professionnelles, de s’enraciner dans le territoire alentour. C’est ce qu’on s’est attaché à faire ici, tous ensemble. Et c’est ça qu’on veut casser aujourd’hui ? » Mercredi, la pétition contre la fermeture du tiers-lieu avait recueilli près de 58 000 signatures.
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