Santé & Prévention

Lutte contre les IST : La prévention est un sport de combat

A l’occasion de la semaine de la santé sexuelle, du 30 mai au 5 juin dernier, Seine-Saint-Denis Magazine a accompagné le tout jeune secteur de l’ « aller-vers » en santé du Département, dans sa campagne de prévention contre les maladies infectieuses.

A la sortie du métro Croix de Chavaux à Montreuil, Amine, un long jeune homme d’une vingtaine d’années aux pointes décolorées, s’avance, hésitant, vers les badauds qui émergent de la bouche de métro, un tract jaune fluo à la main. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce 3 juin 2022 il ne s’agit pas d’un candidat aux législatives, mais d’un stagiaire du secteur de l’ « aller-vers » en santé du Département, dont le rôle consiste à aller au contact des populations les plus susceptibles d’avoir besoin de prévention des maladies infectieuses telles que le VIH, l’hépatite B et C, ou encore la tuberculose.

Soulagement

L’étudiant en licence de santé publique à l’université de Bobigny tente de convaincre les passants de prendre quelques minutes pour effectuer un « TROD », un « test rapide d’orientation diagnostique » dans une salle un peu à l’écart du marché. Là, les attendent infirmières, secrétaires médicales, et ils peuvent se faire piquer le bout du doigt, pour savoir, en quelques minutes, si leur test est positif ou négatif au VIH, et aux hépatites. « J’ai fait quatre ans de médecine au Maroc, et ensuite, j’ai toujours exercé dans des milieux hospitaliers, donc ça fait du bien d’en sortir, de travailler sur l’aspect social... mais aller vers les gens pour parler de santé sexuelle, ce n’est pas facile, d’autant que je suis un peu timide », concède le jeune homme. Il parvient tout de même à convaincre Sarah, une trentenaire venue du 13e arrondissement pour faire son marché là, de passer se faire tester. « Quand je suis entrée, j’avais la foi, je savais que c’était pour mon bien, et je sors avec une joie qui n’était pas en moi auparavant », prêche la jeune femme munie de son certificat négatif. Elle reviendra au Cegidd, le centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic de Montreuil, pour mettre à jour ses vaccins. Nabil et Cejugunta, trente ans, vendeurs au marché, ont eux aussi sauté le pas, « par curiosité ». « C’est une bonne expérience, et on est soulagés de ne pas avoir de maladie », affirment les deux garçons d’origine kabyle en sortant.

L’information, c’est le pouvoir

Pour autant, ni Floréale, qui supervise l’équipe, ni Amine étudiant en licence de santé publique à la fac de Bobigny, ni Maud, l’infirmière, ne viendront à bout des réticences de Koro, qui vend des boubous et des plantes médicinales à quelques pas de là. « Moins j’en sais, mieux je me porte. J’ai vu plusieurs amis tomber vraiment malade lorsqu’ils ont appris qu’ils l’étaient », assure la dame d’une cinquantaine d’années. Amine et Floréale ont beau varier les arguments sur le thème « l’information, c’est le pouvoir », « mieux vaut détecter une maladie en amont pour mieux la soigner », « aujourd’hui, tout ne se guérit pas, mais tout se traite, et plus on traite tôt, moins on prend de risque », rien n’y fera. Mais c’est l’occasion pour la commerçante de parler de son histoire, de son mariage arrangé, puis de sa fuite, à 24 ans, des violences qu’elle a subies. Cela fait aussi partie de la mission du secteur de l’ « aller-vers », qui prône une approche globale de la santé.

Lutter contre l’ignorance

Ces missions de dépistage hors les murs, le secteur de l’ « Aller-vers » en effectue toutes les semaines. Mais celle-ci est singulière : c’est la semaine nationale de la santé sexuelle. Lundi, Amine et Floréale s’étaient postés près de la gare de Noisy-le-Grand. « Un excellent poste d’intervention », de l’avis de Floréale. Immunité après avoir attrapé des chlamydias, longueur « normale » d’un rapport sexuel, importance de la lubrification pour éviter les microlésions et les infections, les discussions avec les lycéens qui passaient par là furent riches et diversifiées. « Il y a une vraie méconnaissance des risques de transmission des IST. Certains jeunes qu’on a rencontrés ont plus peur d’échanger leur dentifrice avec quelqu’un de séropositif, que d’avoir des rapports sexuels, ou pensent qu’on peut éviter les IST en urinant après un rapport. Avec la pandémie, tout le monde a fait sa sauce sur le fonctionnement de l’immunité, et certains d’entre eux croient qu’ils sont immunisés contre les chlamydias- en résurgence chez les jeunes- s’ils en ont eu une fois », explique Amine. Convaincre les plus âgés, en couple stable, nécessite de faire preuve de plus de capacité de conviction encore. S’ils ne se laissent pas convaincre pour eux-mêmes, les agents leur laissent quelques livrets de prévention à laisser traîner pour leurs ados. Côté TROD, la récolte fut bonne aussi, avec une quinzaine de tests réalisés à Noisy-Le-Grand, contre cinq au forum santé d’Epinay, l’après-midi. Si un service de prévention mobile a toujours existé, ciblé sur la tuberculose, il élargit progressivement son champ d’action. « Paradoxalement, plus on fait de tests positifs, plus on se sent utiles, parce que cela signifie que nous faisons de la bonne santé publique », explique Floréale.

Un travail en lien étroit avec les associations

A la tête de ce tout jeune secteur, cette titulaire d’un master en géographie de la santé passionnée par la tuberculose était en charge du bus de vaccination contre la grippe, au moment où il a fallu faire monter en charge le dispositif pour vacciner contre le Covid. Désormais pilote du secteur de l’« Aller vers », Floréale a à cœur de multiplier les partenariats. Pendant cette semaine de la santé sexuelle, elle interviendra également avec son équipe au Marché de l’Abreuvoir à Bobigny, avec l’association Afrique Avenir, ou à la PADA d’Aubervilliers, avec l’association Arcat et le Comité des Familles, avant de finir en beauté par un stand au cœur de la seconde édition de la Pride des banlieues, à Saint-Denis, en accord avec le thème national de la santé sexuelle, centré sur les LGBTphobies. Mais le combat pour une bonne santé sexuelle se poursuit toute l’année.

Elsa Dupré

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