Seine Saint-Denis
Aubervilliers Portrait

Louise Cazagou, doyenne de Seine-Saint-Denis

A 107 ans, cette habitante d’Aubervilliers pur jus est la doyenne de Seine-Saint-Denis. Née en 1915, elle a connu toutes les transformations de la commune, de plaine maraîchère à ville industrielle. L’Ehpad Constance-Mazier, dans lequel elle vit aujourd’hui, a fêté comme il se doit son anniversaire.

Elle a connu Aubervilliers quand la ville était encore entourée de champs. Dans les années 1920, la plaine des Vertus, qui a donné son nom à l’église d’Aubervilliers, était célèbre pour ses cultures de choux et d’oignons qui alimentaient le Ventre de Paris.
Ces champs de la plaine des Vertus, les parents de Louise ne les ont d’ailleurs que trop bien connus, eux qui étaient maraîchers à Aubervilliers et vendaient leurs productions aux Halles de Paris, un métier éreintant.
Louise, elle, a eu la chance de pouvoir échapper à cette profession. Avec son amie Madeleine, l’adolescente quitte de temps à autre le domicile parental de la rue Chapon pour le centre de Paris, afin d’y faire du lèche-vitrine sur les grands boulevards. Sa fascination pour la mode l’amène à embrasser le métier de couturière, qui rythmera sa vie. Ainsi, c’est elle qui confectionnera la robe de mariée de sa propre fille, Nicole, ou encore les déguisements de carnaval de ses petits-enfants.
Si ses doigts lui en laissaient encore la possibilité, elle aurait très certainement dessiné le gilet rose qu’elle portait avec élégance, ce 7 avril, jour de sa fête d’anniversaire à l’Ehpad Constance-Mazier. Enfin, pour être tout à fait précis, Louise est née un 6 février, mais la fête de ses 107 ans n’a eu lieu que deux mois plus tard en raison des restrictions Covid…

5 petits enfants, 12 arrière petits-enfants

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Entourée de ses enfants, des autres résidents de l’Ehpad, et même du président du Département Stéphane Troussel, venu la saluer, elle savoure le gâteau aux fraises et ses 107 ans, dont la majorité passés à Aubervilliers. A tel point qu’on pourrait parler de Louise d’Auber comme on parle de Michou d’Auber.
Auber, pour Louise, c’est la ville de l’amour, celle de son mariage : née David, elle épouse Francis Cazagou, tourneur-mécanicien, en 1936. Auber, c’est aussi le lieu de naissance de leurs trois enfants : Bernard, Nicole et Jean-Pierre. C’est simple : tous les souvenirs ramènent Louise à Auber. Tous, sauf ceux de la guerre, qu’elle préfère oublier. Les bombardements, les sirènes qui incitent à descendre aux abris, souvenirs qui résonnent sinistrement avec l’actualité ukrainienne. En 1939, son mari est réquisitionné pour le STO. Son métier est en effet très recherché. A son retour, la famille en profite pour passer en France libre, à Faycelles, dans le Lot, d’où est originaire Francis.

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Mais avant même la fin de la guerre, c’est le retour à Aubervilliers, où la famille habitera au 186 rue de la Goutte d’Or, aujourd’hui rue André-Karman. Une maison au crépi ocre avec œil de bœuf, qui existe encore aujourd’hui. De temps à autre, on embarque à bord de la Simca Aronde, pour faire un tour sur les bords de Marne, pour se fabriquer de beaux souvenirs au fil de l’eau. « Et on regardait les bateaux, le matin on se réveillait tôt », chantait Michel Jonasz.
C’est sans doute à tout cela que pensait Louise, en soufflant les bougies de son gâteau d’anniversaire. A ses 5 petits-enfants et 12 arrière petits-enfants aussi ! Francis, malheureusement, n’a pas pu souffler avec elle, décédé en 1976, mais il est quand même là, quelque part. Entourée de ses enfants, Louise d’Auber, ce 7 avril, s’est retournée une nouvelle fois sur son passé, et elle a souri.