Le Département agit contre les discriminations
Samedi 25 juin, la Caravane des discriminations faisait une halte à Montreuil, dans le Parc Montreau pendant la fête de la ville. L’objectif du Département : aller à la rencontre des populations pour faire de la prévention et orienter les victimes.
En lançant un dispositif mobile, le Conseil départemental veut à la fois sillonner la Seine-Saint-Denis et « aller vers » celles et ceux qui en ont le plus besoin. La caravane des discriminations passera ainsi dans 17 villes du département d’ici le 13 juillet. Des délégué·e·s du Défenseur des droits, institution partenaire du dispositif, seront à son bord les 1er, 2, 5, 6 et 8 juillet.
Souad, à la tête de l’épicerie du cœur, à Rosny-Sous-Bois depuis 2016, attrape quelques flyers posés sur la table. Elle s’intéresse à l’exposition d’affiches qui dénoncent toutes les discriminations. Elle aimerait organiser des groupes de paroles avec des enfants, des adultes et se renseigne auprès de la caravane des discriminations. Elle pense aux clients de son épicerie solidaire, à une famille en particulier qui rencontre des problèmes avec ses deux enfants, victimes de discriminations de par leurs tenues vestimentaires : « Les enfants ne s’imaginent pas le mal qu’ils font. Ça gâche la vie familiale, le couple, ça empiète sur l’ensemble des relations. Ça casse un enfant. Lorsque les familles arrivent à faire 50 à 80% d’économie sur leur course dans mon épicerie solidaire, la première chose qu’elles vont acheter, c’est une paire de basket pour leurs enfants, un téléphone à la mode. Pour cela, ils économisent sur l’alimentation. C’est compliqué de grandir avec ces étiquettes. »
Hayette cherche parmi les affiches de l’exposition s’il y en a une qui correspond aux discriminations dont elle a été victime sur son lieu de vacances : « ah oui, je vois mon voile. Ça y est ! » Dans un grand sourire, elle explique : « Même si je ne vis pas mon voile comme un handicap, c’est en passant une semaine dans un Pierre et vacances à Najac que j’ai ressenti du rejet de la part d’autres vacanciers. Ils ne répondaient jamais à mon « bonjour » et certains empêchaient leurs enfants de jouer avec les miens à la piscine. C’est en insistant, en invitant l’un d’eux à prendre le thé avec des gâteaux que j’ai finalement réussi à casser les clichés dont était victime toute ma famille. »
Rafik et Laetitia, travailleurs en ESAT depuis 14 ans dénoncent les discriminations à l’embauche : « Nous, nous travaillons en milieu protégé. Nous faisons du collage, du conditionnement, de la manutention. Nous avons le droit de travailler dans le secteur privé, mais les employeurs préfèrent payer l’amende plutôt que d’embaucher des personnes handicapées. Comme la vie est de plus en plus difficile, les discriminations sont de plus en plus grandes. Notamment les discriminations à l’embauche. Même si beaucoup de choses ont été faites : comme ne plus être obligé de mettre sa photo, son adresse postale ou son âge. »
Désespérée, la maman de Vincent éclate, elle, en sanglots en racontant les discriminations dont est victime son fils de 15 ans, sourd : « on habite Montreuil et il va être obligé d’aller au lycée à Torcy pour faire des études dans le sanitaire et social alors que lui rêve d’être médiateur culturel dans un musée pour que tous les sourds connaissent l’histoire. » Elle explique combien il est difficile de prouver l’existence de discriminations, l’Éducation nationale se réfugiant derrière d’autres arguments pour expliquer une orientation forcée.
Plus jeunes encore, Ismaël, Mattis et Zoumana, ont pourtant déjà été victimes de discrimination. Bien installés à l’intérieur de la caravane, ils lisent au calme : « Amina subit le racisme », « Comment devient-on raciste ? » En sixième dans des collèges de Montreuil, ils expliquent comment ils ont réagi face au racisme de deux autres enfants : « ils disaient que les noirs et les arabes étaient des voleurs. Nous sommes allés voir le surveillant et ces enfants ont eu deux heures de colle. »
Thierry, 66 ans, s’attarde sur chacune des affiches en essayant de trouver quelle est sa préférée. Il s’arrête sur celle qui s’attaque aux discriminations de genre dans le sport en pensant à sa femme qui a fait dix ans de foot, à Rosny, quand elle était jeune. Celui qui fut pendant 28 ans gardien du parc Montreau et qui a beaucoup voyagé s’exclame à travers sa moustache de biker : « Mon pays, c’est Montreuil. Et l’avenir : c’est la mixité. Cela fait de beaux enfants, intelligents ».
Khaled aimerait justement savoir pourquoi la caravane des discriminations s’est installée là : « Pourquoi venir ici ? pourquoi ne pas aller voir directement les discriminateurs pour les sensibiliser eux ? devant l’Assemblée nationale ? Pourquoi ne pas contacter les administrations, les décideurs, les « bonnes gens » ? Puisque ce sont eux qui discriminent, ce sont eux qui doivent être sensibilisés à cette question. » Lara Bakech, de la mission égalité diversité au Département lui explique alors que la caravane a pour objet de montrer à toutes celles et ceux qui sont victimes de discriminations qu’elles et ils ont les moyens d’agir : « c’est aussi l’occasion de faire de la pub pour le défenseur des droits ! »
La caravane des discriminations est la première action de l’Observatoire des discriminations, créé en novembre 2021 par le Conseil départemental après le sondage Harris Interactive qui en fin d’année dernière, rappelait que 63 % des habitants de Seine-Saint-Denis déclaraient avoir été victimes de discriminations au cours des cinq dernières années.
Mercredi 22 juin, au parc départemental de le Haute-Île, la caravane des discriminations s’était attardée à Neuilly-sur-Marne. L’occasion pour Lara, qui travaille au Département au sein de la mission égalité diversité, d’échanger avec des groupes scolaires, des retraités qui faisaient une promenade, des joggeurs, des cyclistes : « Nous avons pris le temps avec les gens, organisé des sessions de lecture avec les plus petits. Chaque étape est très différente mais assez vite on arrive sur du vécu, du ressenti personnel. Les personnes mal-voyantes et les retraités nous parlent des discriminations liées à la dématérialisation qui les empêche d’avoir accès au service public. Ces derniers sont aussi inquiets pour leurs enfants et leurs petits-enfants. » Lara ajoute : « Le lendemain nous sommes allés avec le dispositif Jeunes contre le Racisme et l’antisémitisme lancé cette année en partenariat avec l’association Remembeur, dans trois collèges à Pavillons-sous-Bois, Noisy-le-Grand et Stains pour animer des débats mouvants -les participants se positionnent sur des lignes pour voir s’ils sont d’accord ou pas, c’est marrant-. Nous avons ainsi touché près de 400 élèves. »
– Toutes les dates de passage de la caravane des discriminations
Crédit photo : Eric Garault
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