La bande originale de Montreuil
« Montreuil Original SoundTrack », ce sont huit jeunes Montreuillois·e·s de 16 à 25 ans qui nous offrent, sur scène, la playlist des chansons qui ont rythmé leur vie. Une œuvre de la compagnie Fiction collectives à retrouver le 22 février à 20 heures au théâtre Berthelot à Montreuil.
Au départ, il y a huit jeunes alignés sur l’avant-scène, qui vous regardent d’un air impassible dans un long silence. Puis Amel se saisit de la parole. Pour dire les goûts musicaux irréconciliables de ses parents, Vanessa Paradis contre ACDC. Et sa passion à elle pour Beyoncé, qui fait la synthèse de la fierté et l’« empowerment » des femmes, antidote aux stigmates du harcèlement scolaire subi au collège. Papa, lui, boxe. Nougaro a fait place à un rap US. Son adversaire, sa faille, c’est la drépanocytose, une maladie du sang raciste, qui n’épuise que les hommes noirs. Radiohead accompagne la séparation des parents de Lou, Ed Sheeran, la rupture de Sébastian. Il est aussi des histoires sans musique, comme celle de Macire, passé du Mali au Maroc, du Maroc à l’Espagne, de l’Espagne à Montreuil. Chacun livre sa vérité, son secret, sa musique, à tour de rôle sur scène, entrecoupés parfois de parenthèses dansées, en musique et en silence. Puis le chœur se réunit autour d’un débat sur les « jnouns », ces démons orientaux. Est-il vrai qu’ils sont repoussés par les instruments à corde ? Par la musique en général ? Lorsque la pièce prend fin, elle laisse l’impression qu’un diaporama sonore sur les préoccupations de la jeunesse montreuilloise vient de défiler devant nos yeux. On se dit que nos descendant·e·s pourraient regarder cette pièce comme une archive, comme nous regardons les clips des yéyés aujourd’hui en pensant qu’ils racontent les années 60.
Musicalité du quotidien
« Dans un précédent projet à Montreuil, « Déambuli », une dame âgée avait recréé son univers autour de la chanson « L’Hirondelle des faubourgs ». Des jeunes se racontaient à travers le récit du clip de rap qu’ils avaient tourné au quartier. Pour moi, la musique populaire constitue une métaphore de la mémoire collective, à la fois universelle et intime. Elle permet de se raconter », analyse Marie Mortier, cheffe d’orchestre de cette comédie musicale. Les acteurs ont été trouvés dans les lycées de Montreuil, sélectionnés selon un seul critère : l’engagement. Interdiction de manquer un seul des 22 jours de répétitions nécessaires à la création du spectacle, entre octobre et février. « Nous avons écrit la pièce tardivement, un mois avant la représentation. Un gros travail d’improvisation a précédé la création, autour de la bande originale de leur propre existence : les chansons de variété bien sûr, mais aussi la musicalité de leur quotidien, leurs silences. J’ai adoré voir la lumière s’allumer dans leurs yeux lorsque nous leur avons présenté un canevas de la pièce contenant tout ce qu’ils nous avaient offert jusque-là », raconte la metteuse en scène.
L’artiste a su créer une alchimie toute particulière au sein du groupe de jeunes : « Ma musique, c’est ma vie. J’adore faire la folle chez moi, faire du playback et des choré devant mon miroir. J’ai aimé pouvoir parler de moi sans jugement, en étant écoutée », témoigne Amel. « Moi, ce que j’ai aimé, c’est que l’on crée ensemble, qu’on ne reproduise pas une pièce qui existait déjà. Depuis, on se fait des petits restos, et même une boum », confirme Amina, la benjamine de la bande. « On s’est beaucoup échauffés ensemble, on a fait des impros sonores, on mangeait ensemble. D’ailleurs, il y a un bout du spectacle qui provient d’une de ces discussions du midi, et pas des répèt’ », indique Fahartadji.
Prise de risque
La bande de jeunes semble avoir mis le théâtre à profit pour grandir, dans tous les sens du terme. « J’avais déjà participé à Déambuli quand j’étais animateur de centre social. J’avais adoré, alors je suis reparti sur ce projet. Le théâtre a changé ma vie : avant, j’étais ultra-timide, et depuis, je suis plus à l’aise. Il faut montrer le talent qu’on a ici ! », arrangue Papa. « J’ai pris confiance en moi », témoigne Amel. « Pour moi, le geste artistique est une prise de risque. Ils ont tous donné un gros morceau d’eux-mêmes, et j’ai eu beaucoup de joie à les regarder grandir sur le plateau, à les voir affronter le public, alors qu’au début, ils avaient les yeux dans leurs chaussettes. De les voir y aller avec l’orgueil d’être eux-mêmes. Pour moi, monter cette pièce avec ces jeunes, c’était s’inscrire dans une forte logique d’émancipation », conclut Marie Mortier, qui espère multiplier le nombre de dates (pour l’instant, il n’y en a qu’une, et elle est archi-pleine), et reproduire le dispositif dans d’autres villes du département.
Photos : Gaëlle Astier-Perret
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