Koumba Larroque, bienvenue chez les Diables rouges
Le club de Bagnolet Lutte 93 a officialisé mardi 13 juin le recrutement de Koumba Larroque, espoir féminin de la lutte française. La jeune femme de 18 ans, qui a décroché le bronze aux derniers championnats d’Europe tout comme Mathilde Rivière, sera l’une des grandes chances de médaille aux prochains Mondiaux organisés à Bercy en août.
Koumba Larroque n’en finit pas de sourire. Sur l’estrade aux côtés de sa nouvelle coéquipière Mathilde Rivière ou en discussion avec le nouveau directeur de l’Insep Ghani Yalouz, elle sourit sans discontinuer. A 18 ans, cette surdouée de la lutte a en effet matière à rayonner : avec son récent titre de championne d’Europe des moins de 23 ans et sa médaille de bronze aux Europe, sa toute première breloque internationale chez les seniors, la vie a plutôt tendance à la gâter.
Mais derrière le sourire, on sent une volonté à toute épreuve. 18 ans ou pas, la jeune femme sait ce qu’elle veut, et plutôt deux fois qu’une : un premier titre international senior, si possible dès les prochains Mondiaux à Paris. « La fête sera belle, d’accord, mais si je n’y vais pas pour gagner, ça sert à rien. Donc je me réjouirai une fois que j’aurai la médaille », assène la lutteuse en -69kg avec l’impatience de la jeunesse.
Et sa récente signature au club de Bagnolet fait partie du plan de carrière qu’elle a elle-même soigneusement échafaudé. « J’avais déjà pas mal d’amis ici : Mariana Kolic, Rayan Vaz. Et mon entraîneur lui-même (le Géorgien Nodar Bokhashvili) est de Bagnolet. Donc j’avais de bons échos », explique celle qui dit être partie pour rester chez les Diables Rouges « au moins jusqu’en 2020 ».
Un joli coup dont se félicite Didier Duceux, président et figure de proue des Diables Rouges. « On se réjouit d’accueillir Koumba chez nous. Même toute jeune, elle est déjà un exemple pour beaucoup d’athlètes de notre club. Sa venue s’inscrit dans une volonté de faire émerger la lutte féminine, qui porte déjà un peu ses fruits puisqu’un tiers de nos quelque 200 licenciés sont désormais des lutteuses. »
Voilà donc la pépite de la lutte tricolore en Seine-Saint-Denis, un territoire qu’elle avait déjà commencé à arpenter dans la mesure où la jeune femme fait partie du comité des athlètes pour les Jeux de 2024, auxquels Paris et le département sont candidats. « Disputer les Jeux à la maison, ce serait un rêve, et c’est bien que la Seine-Saint-Denis fasse aussi partie du projet », argumente la jeune femme qui dit connaître « un peu Aulnay, Bagnolet, Montreuil », où habitent ses amis.
Lutte avec les garçons
Même si la jeune femme est passée par le Pôle France de Ceyrat dans le Puy de Dôme puis par l’Insep, son terrain jusqu’à présent, c’était davantage l’Essonne. Arpajon, où elle est née et Sainte-Geneviève-des-Bois, où elle a commencé la lutte à l’âge de 9 ans. « Je m’y suis mise parce qu’avec ma mère, on allait chercher mes deux grands frères après l’entraînement. Mon jeune frère et ma jeune sœur s’y sont collés aussi après moi, mais entre temps, tout le monde a arrêté, sauf moi » glisse-t-elle en rigolant.
Et comment expliquer cette persévérance ? « Petite, j’étais assez hyperactive, les sports de combat, c’était parfait pour me canaliser », précise celle qui n’hésitait pas au Pôle France de Ceyrat à s’entraîner avec les garçons. « Au Pôle olympique de l’Insep, c’est fini, on est entre filles, mais c’est pas grave parce que de temps en temps je rattrape le coup avec Nodar, mon entraîneur ».
Celui-ci ne tarit pas d’éloges sur sa jeune protégée. « Ce qu’elle fait à son âge, peu de filles sont capables de le faire. Aux championnats d’Europe, malgré sa défaite d’entrée de jeu face à la gagnante finale du tournoi, elle réussit à se remobiliser pour aller chercher le bronze. Ca, ce n’est pas donné à tout le monde », souligne Nodar Bokhashvili, embarrassé au moment de citer la plus grande des qualités de la jeune femme. « Elle les a toutes : explosivité, intelligence, adaptation. Mais plus que tout, je dirais qu’elle n’aime pas perdre » Quand on vous disait que sous le sourire perçait une volonté farouche.
Christophe Lehousse
Et au milieu coule une Rivière…
Egalement récompensée par une médaille de bronze pour sa première participation à des championnats d’Europe, Mathilde Rivière, lutteuse à Bagnolet depuis 4 ans, voit sa pugnacité récompensée.
« Je suis très fier », souffle au micro Roland Rivière, à côté de sa fille Mathilde qui s’est parée de bronze aux derniers championnats d’Europe en -55kg, sa première médaille internationale. La lutte, c’est une affaire de famille chez les Rivière, Mathilde ayant commencé peu de temps après sa sœur jumelle Margot dans le club entraîné par leur père, à l’Atlas Lutte Dreux. Pour autant, Mathilde a, de son propre aveu, « commencé relativement tard », à 15-16 ans.
« Même si avec un père entraîneur, on a forcément baigné dans la lutte, il ne nous a pas plus poussées que ça. Mais quand j’y ai goûté, ça m’a tout de suite plu. Je connais peu de sports aussi complets. La lutte, ça fait tout travailler, le cardio, le physique, le mental aussi bien sûr », décrit Mathilde qui a rejoint le Bagnolet Lutte 93 il y a 4 ans.
« Le projet développé par Bagnolet autour du championnat par équipes m’avait plu, et on reste d’ailleurs sur deux titres de championnes de France en lutte féminine », mentionne la jeune femme. Côté équipe de France, la progression a été plus lente, avec une première expérience aux Mondiaux en 2016 et une première participation aux Europe cette année, à l’âge de 27 ans.
Il faut dire que la jeune femme a d’autant plus de mérite qu’elle travaille à côté de sa carrière de lutteuse pour gagner sa vie. « Le manque de médiatisation de la lutte fait que pour beaucoup d’entre nous, on est obligés de concilier carrière et vie active », détaille celle qui est agent de service en soins palliatifs à l’hôpital de Houdan (Yvelines). Et de compléter : « Je ne m’en plains pas. Exercer une activité est aussi enrichissant et travailler aux soins palliatifs me permet parfois aussi de relativiser les échéances dans le monde de la lutte. »
Aux prochains Mondiaux à domicile, cette jeune femme attachante pourra donc s’appuyer sur son double vécu. « Il y aura forcément un peu de pression compte tenu du fait qu’on est à domicile. J’espère aborder la compétition comme je l’avais fait pour les Europe : sans complexes », dit celle qui ne s’était alors pas laissée effaroucher par le nom de ses adversaires… Et pour cause : elle ne les connaissait pas. « C’est l’avantage d’être assez novice au très haut niveau », glisse dans un sourire cette championne du monde de la modestie.
photos : FFL/agence Blackboard
et Stevan Lebras
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