Gary Hunt, le plongeur qui ne cesse de monter
Depuis douze ans, ce Londonien, devenu Français et Montreuillois, est la grande figure du plongeon extrême décollant de 27 mètres pour réaliser une figure en trois secondes. Le 14 août prochain, en Norvège, il va repiquer dans l’eau tel Jonathan le Goéland, pour la prochaine étape du Red Bull Diving.
« Depuis l’âge de neuf ans où j’ai démarré le plongeon, alors que je commençais à m’ennuyer ferme dans mon club de natation, même si je me suis cassé, un jour, à l’adolescence, deux fois la jambe au même endroit, je n’ai jamais cessé de vouloir sauter de toujours plus haut », se souvient Gary Hunt, l’actuelle star du plongeon extrême.
« J’ai le vertige sauf quand j’ai de l’eau en dessous de moi… »
Classiquement, le plongeur a monté les paliers de ses descentes rectilignes éclaires, du 1 mètre aux 3 mètres pour finir, près du plafond des fosses à 10 mètres : « J’ai le vertige sauf quand j’ai de l’eau en dessous de moi. Mais, j’aime faire tomber les barrières et réaliser ce que les autres ne font pas… ».
En 2009, dès son arrivée dans ce cercle fermé de l’extrême en 2009, sa signature est le triple arrière à quatre vrilles : « J’ai été le premier à le créer. Même si je continue, parfois, à le faire, je décide de le sortir en fonction de situations idéales. Sinon, je me borne, souvent, au triple arrière trois vrilles. En fait, pour réussir à passer cette fameuse quatrième vrille en plus, un grand pas dans l’inconnu, j’ai mis un an d’entraînement. Avant, je me suis appliqué à ne surtout pas chercher des vidéos sur untel ou untel l’ayant passée. Je voulais me concentrer sur moi, sur mes propres images. Parfois, elles me réveillaient la nuit. Pendant un an, je les avais tout le temps à l’esprit. Parfois, encore, elles me hantent malgré moi… ».
A 27 mètres, hauteur désormais stabilisée pour le plongeon extrême de l’unique circuit international « Red Bull Diving » à six étapes, Gary Hunt s’applique « à faire le vide avant de me présenter, à lâcher prise. Moins tu contrôles ton mental, plus tu risques de te blesser. Cet état se travaille à l’entraînement en répétant inlassablement tes figures et, aussi, grâce à la méditation pour lâcher prise, mettre ton cerveau en mode automatique, capable de faire tout seul (…). Notre hantise, comme pour un gymnaste ou un sauteur acrobatique, est de se perdre dans les airs, ne plus savoir où tu te situes… ».
« Mon cerveau me fait serrer les fesses ! »
Après, tout s’enchaîne à une vitesse vertigineuse de 80km/h : « Mon plongeon dure trois secondes. En une seconde, je tombe de 17 mètres. Penser est synonyme de perdre une seconde. Tout doit donc être automatique. Ouvert à toutes mes sensations, mon cerveau corrige tout seul ma vitesse en me faisant plus ou moins serrer les fesses. Impérativement, nous entrons dans l’eau par les pieds. Impérativement, il faut entrer dans l’eau le plus droit possible. A un degré près, ça peut coûter très cher : au minimum un uppercut dans la nuque ou le dos… ». ».
« Le haut du corps bloqué quatre semaines… »
A leurs débuts dans cette discipline, tous les plongeurs enfilent deux à trois maillots de bain. Avec le temps, Gary Hunt est fier de plonger avec un seul : « Tant qu’il maîtrise mal son entrée dans l’eau, le plongeur peut, alors, voir l’eau lui remonter dans l’anus comme un lavement. Multiplier les épaisseurs l’atténue. Maintenant, avec mon expérience, je n’ai plus ce problème : est-ce, finalement, la marque d’un plongeur expérimenté ? ».
Il se souvient douloureusement d’une entrée dans l’eau inclinée ( il avait tout de même obtenu la troisième place !). Les hommes-grenouilles assurant la sécurité des plongeurs l’avaient repêché in-extrémis : « Alors, j’étais dans un trou noir comme un boxeur lors d’un KO, avec sur l’instant des pertes de mémoire, du mal à respirer tant j’avais tapé sur le thorax. J’ai eu tout le haut du corps bloqué pendant quatre semaines. Le corps est tellement secoué à l’impact que nous ne pouvons pas trop nous entraîner au quotidien. A 10 mètres où le plongeon dure deux secondes, je peux faire vingt plongeons par jour. A 27 mètres, seulement trois ou quatre… ».
Pour pouvoir correctement s’entraîner à ces hauteurs, Gary Hunt opte pour les parcs d’attraction aux plongeoirs haut perchés et aux spectacles pouvant rémunérer ses étés : « Chaque prise de risque est sereinement calculée… »
Cet ex-Tarzan veut les Jeux !
En 2018, le Londonien convole pour la nationalité française : « Mon arrière- arrière-arrière-grand-père avait du sang français », glisse-t-il sûr de l’effet de cette petite touche tricolore.
Bien avant, il avait quitté son bungalow d’un parc d’attractions à Metz où il rencontra sa bien-aimée française, (« jouant alors Jane et moi, Tarzan ! »), pour cinq ans à Saint-Ouen avant de s’ancrer récemment à Montreuil, séduit par la piscine Maurice-Thorez et son plongeoir à 10 mètres.
En cours d’apprentissage de l’espagnol et du russe, le plongeur déroule un français parfait « jusqu’à parfois chercher, désormais, mes mots en anglais ! ». Cet artiste brille par son éclectisme. Il jongle avec cinq balles, joue du piano et de la guitare, prends des cours de claquettes ou suit une formation de clown.
Sous le drapeau tricolore, le champion du monde de haut vol de 2005 se fend « du petit rêve de participer aux Jeux olympiques de Paris en 2024… ». En attendant, il additionne trois entraînements matinaux à Montreuil et cinq à l’INSEP par semaine.
Malgré trente-neuf victoires, ses soixante-six podiums en soixante-dix-neuf compétitions sur le circuit « RedBull Diving », Hunt le Montreuillois s’ancre comme une star anonyme : « Heureusement parce que j’aurais horreur de ne pas avoir de vie privée… ».
Photos : @Red Bull Diving World Series
Calendrier des épreuves : 14 août Norvège, 28 août Bosnie-Herzégovine, 12 septembre Irlande, 26 septembre Italie, 16 octobre Azerbaïdjan
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