Et vogue le Dock B
Un nouveau venu accostait, ce vendredi 7 septembre au soir, sur les bords de l’Ourcq. Le Dock B, bar situé dans les Magasins généraux, ouvrait ses portes après de longs mois de travaux. SSD le mag est allé à la rencontre de ceux qui n’auraient pour rien au monde raté cette inauguration.
« Depuis un an, je passais tous les jours devant le bâtiment, et je regardais les travaux en me disant : « C’est pas mal, ça avance. » Au début de l’été, on a vu les stocks de boissons s’accumuler, mais le bar restait inexorablement fermé, les boissons étaient destinées à la fan-zone (de la Coupe du monde, ndlr). C’était très frustrant », raconte Loïc, jeune directeur artistique du groupe BETC. De mémoire de Pantinois, cela faisait au moins quatre ans qu’on entendait parler de ce bar confié aux gestionnaires de la Bellevilloise, situé au rez-de-chaussée des anciennes douanes, sous les bureaux de cette énorme boîte de communication. « Mon meilleur ami habitait ici il y a quelques années, et on venait en se disant avec émotion que nous serions les premiers à fouler du pied cette guinguette sur Ourcq. Aujourd’hui, c’est le grand jour », déclame solennellement Jonathan, trentenaire bien mis, en attendant sa pinte.
Au cœur de la ZAC du Port, l’aménagement du « Dock B » rappelle celui d’un navire. Coursives ornées de bouées au premier étage, toilettes au papier peint bleu marine garni de carrelages blancs, un des bars propose des huîtres, des rillettes de couteaux ou des homards bleus entiers. Le tout orchestré par « DJ Hibou », enfermé dans la cabine du capitaine, au centre du bar, passant un remix musclé de France Gall. L’immense espace de 700 m2 est divisé en différents modules gardant chacun jalousement son identité : dans un coin, les lustres de bambous créent une atmosphère de jungle, alors qu’au-dessus du bar à frites, les abats-jours rouges sont résolument vintage. Au plafond courent des bouches d’aération rutilantes et de grosses poutres en métal.
Conceptuel et chiné
Juchés sur les plots posés à même le quai qui borde le bar, une bande de jeunes au style travaillé parle jeux vidéos. Stagiaires, free-lance ou intégrés à BETC en CDI en tant que directeurs artistiques, ils viennent de débaucher. Pour Clément, ce bar est idéal pour « décompresser de la semaine », tandis que Fanny aime le mélange entre « le conceptuel et le chiné ». Plus loin, Lorraine, ex-stagiaire passée à la concurrence, avoue avoir trouvé la motivation de venir malgré la distance de son domicile. Mais la « belle agence » a eu raison de sa paresse, et elle s’est décidé à prendre le métro depuis le 10e arrondissement pour rallier la banlieue.
« Je suis venue à la fan-zone de Pantin, puis je suis passée devant les anciennes douanes avec les péniches de l’Eté du Canal. Le bâtiment m’intriguait, alors j’ai profité de l’inauguration pour venir voir à quoi il ressemblait », explique Pérette, architecte fraîchement arrivée à Paris. Un peu plus loin, on tombe sur le directeur de la démocratie, des citoyens et des territoires de la Ville de Paris, venu en voisin observer ce que certains perçoivent comme un symptôme de la « brooklynisation » de Pantin.
Le monde des graphistes, designers et du marketing
A l’autre bout du parvis, deux couples discutent sans perdre de vue leurs enfants qui courent sur la place de la Pointe. Ces néo-Pantinois se réjouissent de ce lieu qu’ils espèrent être de « jonction ». « J’ai grandi à Sevran et j’étais obligé d’aller à Paris pour ne pas être réduit au ghetto. Situé en banlieue, ce lieu va permettre aux jeunes issus de classes populaires de trouver plus facilement des lieux de mixité. D’ailleurs, tous les enfants de mes voisins vont en stage chez BETC », raconte Olivier, fonctionnaire au ministère de l’Intérieur.
Bien trop loin dans la file tentant d’accéder au bar, Christèle est sceptique : « J’habite à la station Raymond-Queneau depuis sept ans, et la population de ce bar est très loin de ressembler à mon voisinage, très populaire. Ici, on est dans le monde des graphistes, des designers, des gens du marketing. Loin même des nombreux artistes installés à Pantin », analyse la jeune metteuse en scène, passée par là en rentrant chez elle. Pour sa part, elle passera la soirée dans un vieux galion paisible et propice à la discussion, l’insubmersible « Chez Agnès ». Il faut de tout pour faire un monde.
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