Bondy Aulnay-sous-Bois

Bons baisers de Russie pour deux collèges de Seine-Saint-Denis

Du 18 au 28 juin, des élèves issus de deux collèges de Bondy et d’Aulnay-sous-Bois vont avoir la chance de visiter Moscou et d’aller voir un match des Bleus à l’occasion de la Coupe du Monde de football. Une initiative lancée par l’association Sport’A Vie. Nous avons suivi les élèves de Jean-Renoir à Bondy en pleins préparatifs de cette aventure.

Remise du trophée et interviewes en zone mixte. Ce n’est pas encore la Coupe du monde, mais Ayman, suivi de son équipe de cameramen Anis et Roméo, est déjà à pied d’oeuvre. « Comment vous sentez-vous après ce succès ? » veut savoir l’élève de 4e, micro tendu, de la bouche de l’équipe de l’AS Bondy victorieuse du tournoi mixte qui vient de s’achever au stade Léo-Lagrange en ce vendredi 13 avril.
Ce tournoi, Ayman, Anis, Roméo et leurs 22 camarades l’ont organisé de A à Z. Histoire de se faire la main avant le grand saut dans l’inconnu : le voyage à Moscou, à l’occasion de la Coupe du monde de football. Du 18 au 28 juin les attendent dix jours de découvertes, de tourbillon et de travail journalistique, avec à la clé deux matches de la compétition : Maroc-Portugal, le 20 juin et France-Danemark le 26.

Initié par l’association Sport’A Vie et son président Rachid Djouadi (voir encadré), ce projet pédagogique se veut multi-facettes : chargés de rendre compte de leur séjour par un reportage vidéo, les élèves doivent aussi en profiter pour plonger dans la culture russe et apprendre à se débrouiller à l’étranger. « Quand Sport’A Vie nous a démarchés en début d’année scolaire en nous estimant capables de relever ce défi, on a dit banco, se souvient Frédéric Tisseau, professeur d’EPS à Jean-Renoir. Et le référent du projet pour cet établissement de poursuivre : « On n’y voyait que des avantages : ce projet amène des élèves parfois cloisonnés à être ouverts sur une société qui les stigmatise finalement moins qu’ils ne le pensent. Et puis, cette initiative, avec ses ambitions élevées, parvient à chasser chez beaucoup leur manque de confiance, les barrières qu’ils se mettent parfois eux-mêmes ».

JPEG - 54.9 kio

Un mois et demi avant le grand départ, le résultat est déjà assez bluffant : durant toute la journée, Jasmine, Louise enquillent les interviews pendant qu’Anis et Roméo perfectionnent leur art du cadrage, acquis notamment grâce aux conseils de journalistes de TF1 et de France Télévisions venus les former. « Ce projet m’a fait découvrir les professions autour de l’information. Et du coup, je me dis que pourquoi pas devenir plus tard journaliste ou présentatrice... », explique Louise, qui vient de mettre en boîte une bonne interview d’Eve Périsset, défenseure du PSG et de l’équipe de France passée dire bonjour sur le tournoi dont elle est la marraine. « Je dirais que cette initiative nous donne des responsabilités. C’est un peu stressant, mais en même temps ça fait du bien. Ca nous aide à grandir, tout simplement. », résume quant à elle Jasmine. L’éducation aux médias : c’est donc l’axe fort qu’a choisi de décliner le collège Jean-Renoir de Bondy quand l’autre établissement du 93 impliqué dans le projet – Simone-Veil à Aulnay-sous-Bois- a lui opté pour la culture et l’histoire russes et la réalisation d’une carte interactive de Moscou.

Mais si les places de reporters sont les plus visibles, elles ne sont que la partie émergée de l’iceberg. « A côté du pôle reportage, le projet comprend aussi les groupes ambassadeurs et organisateurs », détaille posément Yagaré. « La mission des ambassadeurs, dont je fais partie, consiste à savoir expliquer le projet à des gens qui ne le connaissent pas, y compris en anglais. Et celle des organisateurs, eh bien, c’est de mettre sur pied un tournoi comme celui-là ou de concocter le programme des visites une fois qu’on sera en Russie », poursuit la jeune fille.
« Deux mois : c’est le temps qu’il nous a fallu pour tout organiser », soulignent ainsi Céline et Aïssata, arrachées un temps à l’atelier vente de crêpes qui doit financer une partie de la cagnotte. Et effectivement : un rapide coup d’oeil sur les terrains confirme que ce tournoi a été un tant soi peu pensé. Des CM1, CM2 et 6e invités dans chaque équipe pour une meilleure liaison écoles primaires-collège et évidemment des garçons et filles dans chaque équipe. « Ce projet, c’est aussi l’occasion d’aborder des sujets dont on ne parle pas assez, comme le sexisme. On nous a appris à insister beaucoup sur la mixité, et j’approuve, car même en France je dirais que cette égalité de droits n’existe pas toujours », poursuit Yagaré, décidément impeccable dans son rôle d’ambassadrice.

JPEG - 70.6 kio

Réunissant au total quatre classes de 4e, cette initiative fait aussi forcément travailler la cohésion de groupe. Voilà donc 25 élèves qui, depuis le début d’année, concentrent leurs forces pour aller dans le même sens. Tout en se saisissant chacun de ce voyage selon sa personnalité. Là où Wanis ne rêve que d’interviews de Griezmann ou de Mbappé, forcément le héros local, Jasmine, elle, aimerait aussi profiter du décor russe, voir « la Place rouge ou les métros, monumentaux paraît-il ». Hedy, lui, est impatient d’en savoir plus sur l’ex-URSS : « J’espère en voir des traces. Je veux savoir comment c’était de vivre sous le communisme, ça m’intrigue tellement ça semble irréel »

Les 25 veinards comptent les jours avant le grand départ. Ces temps-ci, chaque jour qui passe semble donner un peu plus de consistance à leur rêve. A la mi-mai, les joueuses du PSG les ont invités à découvrir leur centre d’entraînement. Et tout récemment, ils ont visité les locaux de France Télévisions, assisté au tournage de Complément d’enquête et pu échanger avec l’équipe de journalistes. La rédaction des sports réfléchirait même à leur commander des petits formats durant le Mondial. « C’est la preuve même que ce projet marche : plus on vise haut, plus on peut obtenir de gros résultats. La leçon numéro 1 pour ces élèves est qu’il ne faut rien s’interdir », s’enthousiasme Frédéric Tisseau. Allô Céline Géraud, c’était Jean-Renoir en direct de Moscou, à vous les studios !

Photos : @Sylvain Hitau

 Aidez les élèves du Collège Simone-Veil d’Aulnay-sous-bois à partir en Russie en envoyant vos dons ici

 Retrouvez ici le crowdfunding lancé par les 25 élèves du collège Jean-Renoir de Bondy. Aidez-les à partir !

JPEG - 68.7 kio

Sport’A Vie, le sport comme outil citoyen


Seize ans qu’il se sert des grandes compétitions de sport pour emmener des jeunes issus des quartiers populaires à la rencontre du monde : Rachid Djouadi, président de Sport’A Vie, n’est peut-être pas en mesure de vous citer les buteurs des finales de chaque Mondial de foot, mais il peut vous dire qu’il a touché au but plus d’une fois grâce au travail de son association.
« Quand j’ai décidé de lancer cette association en 2001, c’était à partir de mon propre vécu comme enfant de La Courneuve, puis comme animateur et directeur de centres de vacances en Seine-Saint-Denis, se souvient celui qui est aujourd’hui professeur d’éco-gestion au lycée Jacques-Feyder à Epinay. On s’était rendu compte que le problème d’incivilité réel ou supposé de certains jeunes est lié à l’image qui leur colle à la peau. Ces questions, on a souhaité les désamorcer en travaillant l’éducation à l’image et le rapport aux médias. Et comme on sait par ailleurs que la Seine-Saint- Denis est un territoire d’excellence en matière de sport, on s’est dit que ce serait intelligent de croiser les deux approches. »
Depuis le Mondial de foot en Corée du Sud et au Japon en 2002, Sport’A Vie s’appuie donc sur le sport international comme vecteur éducatif. 18 projets au total, entre Coupes du monde de foot, Jeux olympiques et Coupes du monde de rugby. Pour le Mondial russe, ce sont au total 120 personnes issues des quartiers populaires qui fouleront la Place rouge, dont 2 collèges de Seine-Saint-Denis et un projet intergénérationnel original incluant 7 seniors et 10 jeunes de l’Office municipal pour la Jeunesse d’Aubervilliers.
Et pour donner forme aux rêves de ces gosses, Rachid Djouadi sait remuer ciel et terre. « Sur chaque projet, une partie des coûts est payée par Sport’A Vie, l’autre étant laissée à la charge de chaque structure qui fait partie de l’aventure, détaille le prof d’éco-gestion. Par exemple, pour le Mondial russe, l’association va payer 750 euros pour chaque participant. Ensuite, c’est aux structures impliquées de faire marcher leurs connexions » Dans le cas du collège Jean-Renoir à Bondy, ce sont les acteurs privés locaux, un crowd-funding et une demande formulée au dispositif départemental Odyssée Jeunes qui auront pris le relais. Avec un reste à charge par famille tournant au final aux alentours de 250 euros.
« Le but de tous ces efforts ? Je vais vous donner un exemple, reprend Rachid Djouadi, joint au téléphone en pleins repérages d’hébergement à Moscou. Au retour de la Coupe du monde de foot en Afrique du Sud en 2010, pas un des gamins avec qui on était parti ne m’a parlé de la grève des Bleus ou de la victoire de l’Espagne. Ce qui les avait marqués, c’était la visite de Robben Island, la prison de Nelson Mandela. Quand on entend ça, on se dit que la lutte contre le racisme et la discrimination, ce sont désormais bien plus que des mots pour eux » Peut-être est-ce la liaison avec Moscou qui est mauvaise, peut-être est-ce l’émotion, mais la voix de l’éducateur de 53 ans s’altère à ce moment-là. A la réflexion, on parierait plutôt pour l’émotion.

Dans l'actualité