Handicap

Autisme : ils connaissent la musique

Grâce à la musique et à l’association Irimi-Vivace, de jeunes autistes de Saint-Denis et Bobigny communiquent et s’expriment. Un rendez-vous mensuel qui leur apporte beaucoup de bonheur et une grande fierté, et justifie à lui seul (si besoin en était) tout le bien-fondé de l’accès à la culture pour tous. REPORTAGE.

Ce rendez-vous, ils l’attendent chaque mois avec impatience. Et ce 21 novembre après-midi, les six jeunes de la maison spécialisée Les Jardins de Sésame à Bobigny ont été particulièrement prompts à enfiler leurs vêtements pour se rendre rue de Belleville à Paris. « Ils sont toujours ravis d’y aller. Dès qu’on leur dit que nous allons au studio, ceux qui ont du mal à s’habiller en temps normal sont prêts en cinq minutes », plaisante Besma, une de leurs éducatrices.

Là, quatre musiciens professionnels les attendent : Bruno à la clarinette, Manon à la guitare, Manuel au piano et Juan Manuel à la batterie. L’association dont ils font partie - Irimi-Vivace - organise en effet des ateliers musicaux avec les personnes qui ont le plus de difficultés à communiquer. C’est le cas de Billel, Christopher, Issa, Jessy, Kevin et Moussa. Ces jeunes ont en effet la particularité d’être atteints d’autisme, un trouble du développement qui affecte grandement la communication et le langage, perturbe les relations sociales et altère le comportement.

« Avec la musique, ils s’expriment »

« L’association a été créée il y a 10 ans par la contrebassiste Isabelle D’Auzac, explique Bruno. Elle avait eu un membre de sa famille pianiste qui a eu des problèmes psychologiques et a été en institution. C’est comme ça que l’idée lui est venue. » En Seine-Saint-Denis, l’association a noué un premier partenariat avec l’externat Adam Shelton de Saint-Denis, puis avec Les Jardins de Sésame, avec le soutien financier du Département.

« L’objectif, précise Fatima, est de leur permettre de parler, de bouger leurs cordes vocales. Avec la musique, ils ressentent les émotions et ils s’expriment. Ils sont fiers d’eux ensuite. Cela leur apporte de l’estime de soi. » Et l’éducatrice relève d’autres points très positifs. « Il y a aussi un esprit de groupe qui se crée, poursuit-elle. Ils s’entraident, même avant d’arriver au studio, pour s’attacher, sortir de la voiture. C’est rare chez les personnes autistes et nous sommes étonnés de voir cela. »

Un grand bœuf

Ce jour là, Kevin est le premier à s’emparer du micro et, aux premières notes de « Elle a les yeux revolver » de Marc Lavoine, la magie opère immédiatement. Le jeune se transforme en véritable crooner, se balançant en rythme, les mains sur le micro, fredonnant même de-ci de-là quelques mots de la chanson et, surtout, affichant le plus beau des sourires.

Après lui, tous vont se relayer au micro un par un. Chaque chanson a été choisie spécialement pour son interprète, en fonction des réactions qu’il a eu en l’entendant. Les musiciens les accompagnent, s’adaptant à leur rythme. Les éducatrices les encouragent, scandent leur prénom, semblant prendre autant de plaisir qu’eux.

Et au fil des chansons, l’atelier se fait fête, concert, bœuf. Tout le monde se lève. Les jeunes dansent, tapent dans leurs mains, sautent. Les sons et onomatopées qui sortent de leur bouche semblent venir du plus profond de leurs corps, les secouent, avant d’éclater et de résonner dans la pièce, comme un cinquième instrument. Dans un pur moment de communion.

Association Irimi-Vivace : 8 rue saint Maur, 75011 Paris, 01 43 79 98 11, http://www.irimi-vivace.fr/

La musique, une « réceptivité à la vie » pour les autistes

La musique est un outil thérapeutique de plus en plus privilégié auprès des jeunes patients autistes.
Comme l’explique dès 2002 le professeur de psychologie de l’enfant écossais Colwyn Trevarthen, qui a travaillé sur la question : « La thérapie par la musique facilite le fonctionnement mental et les apprentissages des enfants autistes […] Les improvisations musicales encouragent les épisodes d’activité concertée et apporte cette réceptivité à la vie, régulant l’anxiété, contribuant à une conscience et une mémoire cohérentes, et encourageant l’enfant au plaisir du contact avec des personnes et à une communication plus compréhensible » (article paru dans la revue Enfance en 2002, vol. 54, Presses Universitaires de France).

Pour faciliter l’accès à la culture pour tous, le Conseil départemental a mis en ligne sur son site un guide référençant tous les lieux culturels de Seine-Saint-Denis et leur accessibilité. Vous pouvez le consulter ici.

Stéphanie Coye
Partager

Dans l'actualité