Archéologie Neuilly-sur-Marne

Au bord de la Marne, une maison danubienne...

Le 14 septembre, à l’occasion des Journées européennes du Patrimoine, le Département a inauguré une maison datant du néolithique au sein du parc de la Haute-Ile, à Neuilly-sur-Marne. Reconstitué sur la base de travaux scientifiques, cet habitat vient compléter un archéosite déjà riche, proposant des ateliers pédagogiques jusqu’en octobre.

Au seuil de la maison danubienne, Jean-Michel lève le nez et inspecte la construction qui vient de sortir de terre. « Intéressant... Mais pourquoi parle-t-on de maison danubienne ? », demande ce randonneur, tombé par hasard sur la toute nouvelle perle de l’archéosite de la Haute-Ile.
Les panneaux apposés non loin lui répondent, mais en ce jour d’inauguration, c’est Claude Héron, responsable du bureau du patrimoine archéologique au Département qui joue les VRP de luxe. « Danubienne, du nom des populations du Danube qui, au néolithique, c’est-à-dire vers -5000 avant notre ère, construisaient ce type de maisons en Europe orientale, et qui se sont progressivement déplacées vers l’Europe de l’Ouest ».
Il y a environ 7000 ans, c’est donc comme ça que construisaient nos lointains ancêtres : une maison d’environ 25 m de long, au toit en chaume et aux murs de terre, de forme trapézoïdale, la façade Ouest étant plus large que la façade Est.
Mais comment diable le sait-on ? Grâce aux multiples talents des archéologues, véritables détectives des temps anciens ! « Les archéologues retrouvent par définition ce qui est dans le sol. Le problème, c’est que de cette époque, il ne reste pas grand-chose : principalement des traces plus sombres qui nous indiquent où étaient placés les poteaux de bois soutenant la maison. Toute la question est ensuite d’en déduire la structure de l’édifice », indique Françoise Bostyn, chercheuse à l’Inrap (Institut national des recherches archéologiques préventives) qui a participé à la reconstitution de l’ouvrage, en compagnie de l’Université Paris-I et des architectes de l’agence ABDPA, maîtres d’oeuvre sur ce projet. « Edifier cette maison aura été un travail passionnant, raconte Antoine Brochard, d’ABDPA. Auparavant, on était déjà intervenus sur des châteaux du XIIIe ou XVe siècle, mais jamais on n’était remonté si loin dans le temps.. On a travaillé en échanges constants avec un conseil scientifique. Ils nous ont appris énormément de choses, notamment à lire les plans de la maison. En contrepartie, on a parfois pu émettre nous aussi des conjectures à partir de ce qui était réaliste architecturalement parlant. »

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Pédagogique, cette maison danubienne l’est à plus d’un titre : les architectes se sont décidés pour un « écorché » - une maison qui n’est que partiellement couverte pour donner à voir sa structure. Et la réalisation met aussi en lumière l’essence même du travail d’archéologue : faire des hypothèses. Ainsi, juste à côté de la maison, on peut trouver les fouilles qui ont permis d’arriver à sa reconstitution finale. « Pour être tout à fait exact, il ne s’agit pas du chantier de fouille originel, glisse ici Claude Héron. Celui-ci se situe à Vignely, à quelques 15 km d’ici en amont sur la Marne, mais nous avons pensé qu’il serait intéressant de compléter l’archéosite de Neuilly-sur-Marne, d’abord consacré aux dernières civilisations de chasseurs-cueilleurs, par un emplacement dédié aux premières civilisations d’agriculteurs. »
Dans ce chantier scientifique, qui aura duré d’octobre 2017 à mai 2018, pour des travaux d’un coût d’environ 435 000 euros, les architectes auront aussi fait appel à une vingtaine de salariés de l’entreprise d’insertion APIJBAT. « Des chantiers atypiques comme celui-ci sont très intéressants pour nos salariés, éloignés de l’emploi, qui ont souvent besoin d’un environnement accueillant. Là, le cadre était parfait. Et puis, ils ont été confrontés à des problèmes stimulants : par exemple, comment enlever l’écorce des fûts pour faire les poteaux sans qu’on voie que cela a été fait à la machine ? », raconte Mathieu Dehaudt, directeur de la structure d’insertion basée à Saint-Denis.

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Ouvert en 2008 pour rendre compte du riche passé préhistorique du lieu – dès 2001, on avait aussi mis au jour une sépulture du mésolithique (vers -6500 av JC) confirmée par trois autres trouvailles depuis - l’archéosite s’est donc étoffé d’une pièce de choix. Un outil qui accueille de mai à octobre le grand public et les scolaires. Vendredi, ceux-ci étaient ainsi tout feu tout flamme après avoir fabriqué des galettes à la manière des hommes du néolithique ou s’être essayés à faire du feu avec des silex. « L’atelier feu préhistorique, c’était pas facile, ça m’a vraiment pris du temps, racontait après coup Fatou, l’une des rares CE2 à avoir avoir fait faire des étincelles à son silex. Cette journée m’a plu, on voit un peu mieux comment les hommes préhistoriques vivaient. J’ai aussi retenu qu’à cette époque, les dinosaures sont déjà morts depuis longtemps... » « C’est la première fois qu’on vient à l’archéosite et je suis ravie. Il n’y a rien de tel que le vécu pour fixer les choses », estimait de son côté sa maîtresse à l’école La Fontaine de Neuilly-sur-Marne. Et de tester ses troupes sur le vif : « les enfants, qu’est-ce qui vient après le Paléolithique ? - Le Néolithiiique. » Des connaissances solidement ancrées, comme un poteau de maison danubienne...

Christophe Lehousse
Photos : @Nicolas Moulard

NB : L’archéosite est ouvert jusqu’au 14 octobre. Le grand public y a accès tous les dimanches après-midi, à partir de 14h. Vous pourrez enrichir votre visite par des ateliers ludiques et pédagogiques ou une exposition « Que restera-t-il de nos maisons ? ». Des visites sont également organisées pour les scolaires, sur rendez-vous (hauteile@seinesaintdenis.fr) Programme spécial à l’occasion de la Fête de la science les 7 et 14 octobre.

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