WWF France, un panda au Pré Saint-Gervais
Depuis un peu plus d’un an, le WWF France a pris ses quartiers dans cette ville de Seine-Saint-Denis, dans un bâtiment qu’il a souhaité exemplaire. Si les engagements de cette ONG oeuvrant pour la protection de l’environnement sont avant tout planétaires, elle s’implique aussi localement.
En ce jour ensoleillé de septembre, une partie de la centaine de salariés du WWF France finit de déjeuner sur la terrasse. Déchets secs, verre : le tri est méthodique. Les rebuts organiques finiront eux dans le bac à compost qui jouxte le potager installé sur le toit. Le reste est à l’avenant : récupération des eaux pluviales, régulation de l’éclairage en fonction de la luminosité et même récupération de la chaleur des ordinateurs pour le chauffage du bâtiment.
Inauguré en août 2017, le nouveau siège du WWF France se veut irréprochable : construit à partir d’un bâtiment déjà existant - une ancienne usine du Pré-Saint-Gervais - pour limiter l’empreinte écologique, il répond aux normes Haute qualité environnementale. « C’était important pour nous que tout visiteur ressente une grande cohérence entre ce qu’on dit et ce qu’on fait », souligne Pascal Canfin, directeur de la structure depuis 2016.
En plein développement, la branche française de l’ONG présente dans plus de 100 pays se sentait à l’étroit dans son siège du Bois de Boulogne. Il y a un an, elle est donc venue s’établir en Seine-Saint-Denis, « pour des raisons de prix au mètre au carré et aussi parce que nous souhaitions réduire le temps de transport des salariés, en grand partie domiciliés dans l’Est de Paris et en petite couronne », souligne Pascal Canfin. Le nombre de vélos parqués dans le garage atteste en effet des dires de l’ancien ministre délégué au développement du gouvernement Ayrault.
Mais l’action du WWF France ne se limite évidemment pas à son nouveau siège. Fondé en 1973 par le militant écologiste suisse Luc Hoffmann, dont le nom figure d’ailleurs sur le bâtiment, le WWF France est actuellement à l’initiative d’une cinquantaine de programmes de protection de l’environnement. Présente en métropole comme dans les territoires d’outre Mer, elle se concentre sur les grands espaces naturels, en proie à des menaces multiples : pollutions de tous types, surpêche, érosion des sols... On peut citer la préservation de la barrière de corail en Nouvelle-Calédonie ou la mobilisation contre l’exploitation de gisements aurifères en Guyane comme certains de ses faits d’armes.
« Un autre type d’actions consiste à plaider auprès des décideurs publics et des entreprises pour modifier les règles du jeu en matière d’environnement », explique Pascal Canfin, qui appelle notamment de ses vœux un accord mondial sur la biodiversité. « La Conférence internationale sur la biodiversité qui se tiendra en 2020 à Pékin est pour nous un enjeu crucial. Ce doit être l’équivalent de l’accord de Paris sur le climat (signé lors de la COP21 au Bourget en 2015, ndlr). Trop peu de gens savent en effet qu’en l’espace des 40 dernières années, nous avons perdu 60 % des populations d’animaux sauvages sur la planète. Cet accord, quand bien même il serait imparfait comme l’accord de Paris, est essentiel pour y remédier. » Autre chantier identifié par l’actuel directeur : un service public de l’efficacité énergétique, pour lequel le WWF milite activement auprès des décideurs français. « De la même manière qu’on a créé un service public de l’énergie, on doit aujourd’hui créer un service de l’économie d’énergie. On a par exemple un retard considérable sur l’isolation des logements. Ce qu’il faudrait, c’est une politique publique de rénovation menée à grand échelle et pas uniquement là où les propriétaires en ont les moyens… Car ceux qui en ont le plus besoin, ce sont les locataires ou propriétaires modestes qui vivent dans des passoires énergétiques... »
Une question qui concerne en premier lieu la Seine-Saint-Denis, territoire frappé par de nombreuses copropriétés dégradées et la précarité énergétique de certains foyers (9 % ont ainsi un taux d’effort énergétique (logement + transports) dépassant 15% des revenus disponibles).
D’ailleurs, si ses engagements sont avant tout planétaires, le WWF France s’implique aussi localement. Depuis son arrivée, l’ONG au panda a ainsi mené sept actions de sensibilisation dans des écoles primaires du Pré, autour des tortues caouanes menacées par les plastiques ou la pêche en Nouvelle-Calédonie ou de la thématique de l’eau douce dans le monde. Sollicitée pour apporter son expertise écologique sur le dossier de candidature de Paris 2024, le WWF France a là encore croisé la route du département, qui recevra notamment en héritage le village olympique et celui des médias. « En Seine-Saint-Denis, on voit que les inégalités environnementales recoupent malheureusement les inégalités sociales. On sait aujourd’hui que là où la population est vulnérable économiquement, elle l’est aussi face aux risques environnementaux. Mais en même temps, à côté de cette fragilité très forte, il y aussi une capacité d’innovation extraordinaire », conclut Pascal Canfin, en avançant les nombreux exemples d’économie circulaire ou d’agriculture urbaine du territoire.
Christophe Lehousse
Photos :@Bruno Lévy
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