Violences conjugales : l’appel des associations à la solidarité des témoins
Le confinement produit de la violence... et de l’isolement. Pour limiter les dégâts, les associations d’aide aux femmes victimes de violences mobilisent différents supports, appellent les témoins à la vigilance et à la solidarité. Et militent pour l’éloignement du conjoint, plutôt que de la femme et des enfants.
C’est un silence qui n’a rien pour rassurer. Mercredi 25 mars, au centre d’accueil des femmes de 15-25 ans de Bagnolet, le téléphone ne sonne pas. Peu d’appels du côté de SOS Femmes 93. Les journées sont plutôt calmes également à SOS Victimes, bien que la proportion d’appels liés aux violences conjugales augmente par rapport aux autres motifs. « Pourtant, on sait que le confinement comporte des risques supplémentaires de violence dans le couple. L’anxiété, les devoirs à faire, les enfants qui ne sortent pas, tout cela suscite de l’énervement dans toutes les familles. Qui se transforme en danger dans les familles où le conjoint est violent », affirme Ernestine Ronai, fondatrice du premier « Observatoire départemental des violences faites aux femmes », en Seine-Saint-Denis. Le confinement a des effets secondaires indésirables : l’isolement, le renforcement du contrôle du conjoint... et donc l’impossibilité d’appeler les associations à l’aide.
C’est cette impossibilité à appeler à l’aide qui inquiète le plus les associations. Pour les femmes qui ne pourraient pas appeler en cas de danger, les travailleuses sociales rappellent, en plus des numéros 17 et du 3919, l’existence du 114, un numéro qui fonctionne par SMS, habituellement dédié aux sourds et mal-entendants, ou d’un tchat- arretonslesviolences.gouv.fr - aussi géré par la police.
Mais les spécialistes de ces violences font surtout appel à la vigilance et à la solidarité des voisins, des collègues de bureau, des proches pour signaler les violences. « Si vous entendez des cris, des chaises balancées, surtout, signalez-le », implore Ernestine Ronai, qui conseille aux femmes en danger de ne pas hésiter à sortir dans la rue, même sans attestation, pour échapper à un conjoint violent.
Bien que les accueils physiques soient supprimés, les associations se sont organisées pour améliorer leur accueil à distance. Pour celles qui le peuvent, ou les témoins solidaires, SOS Femmes 93 tient une permanence matin et après-midi au 01 48 02 57 16 et à l’adresse mail ecoute.telephonique@sosfemmes93.fr. Le lieu d’accueil de Bagnolet (LAO), dédié aux jeunes femmes, a ouvert son standard de 10h à 20h tous les jours, au 01 71 29 50 02. SOS victimes 93 est joignable au 01 41 60 19 60.
« Au tribunal, tout ce qui est pénal continue de fonctionner. Les ordonnances de protection continuent donc d’être délivrées par le juge des familles », affirme Ernestine Ronai. Seul « point noir », selon Jérôme Janic, de SOS Victimes, la question des avocats et des huissiers, moins facilement mobilisables que d’ordinaire, « mais on est en train de réorganiser cela ». Son association redouble de vigilance avec les éventuelles libérations de certaines personnes incarcérées pour désengorger les prisons, en continuant de délivrer des téléphones « grave danger ».
« Certaines choses ne changent pas, comme les refus de prises de plaintes par certains policiers. Là encore, on intervient au niveau des parquets et des commissariats », affirme le dirigeant associatif.
Chez SOS Femmes 93, on rappelle les femmes hébergées en hôtel ou en centre d’hébergement pour les sortir de l’isolement, et s’assurer qu’elles vont bien, car elles n’osent pas toujours contacter les associations, quand bien même elles sont poursuivies par leurs ex-conjoints violents. Au lieu d’accueil de Bagnolet, un whatsapp géant a été mis en place, réunissant les 53 femmes accueillies depuis septembre. « On avait peur que ça aille vers le bas, mais les femmes s’entraident énormément, alors qu’elles ne se connaissent pas, plus que si c’était de visu », explique Amandine Maraval, sa directrice.
Les militants associatifs se battent surtout pour faire ouvrir des places d’hébergement d’extrême urgence, avec le 115 (Samu social) et la DRIHL (Direction Régionale et Interdépartementale de l’Hébergement et du Logement d’Île-de-France). Pour éloigner les hommes violents dans l’attente de leur jugement, plutôt que les femmes. Car, comme souvent, les crises sont aussi les moments où germent de nouvelles solutions. « Si on ne veut pas que tout le monde pète les plombs, on ne peut pas faire partir une femme et des enfants en chambre d’hôtel dans ce contexte, explique Ernestine Ronai. Les enfants ont leurs jouets, leurs repères, leur lit. L’éviction du conjoint doit être la règle. »
Dans ce contexte, le Département a ainsi annoncé lundi 30 mars prendre en charge durant le confinement le financement de 10 chambres d’hôtel dans le cadre de ces procédures d’éloignement de conjoints violents. "Avec cette nouvelle initiative, nous nous assurons de l’éloignement du conjoint violent lorsque la justice a prononcé leur éviction du domicile familial, tout en respectant les règles que dicte le confinement", a expliqué Stéphane Troussel à propos de cette mesure assez novatrice.
Elsa Dupré
Lors de l’émission « Des paroles et des actes » du jeudi 26 mars, Christophe Castaner, le ministre de l’Intérieur, a annoncé que la gendarmerie avait relevé une augmentation de 32 % dans les zones couvertes par la gendarmerie, et de 36 % à Paris. En conséquence, il a annoncé que les femmes pourraient directement donner l’alerte en pharmacie. Ce système devrait être mis en place dans les prochains jours. Des affiches réalisées par le Département reont également apposées dans chaque pharmacie du territoire.
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