Vivre-ensemble

Le Département mobilisé pour améliorer l’autonomie

Le Département engage une réflexion en direction des personnes âgées et en situation de handicap. Elle définira la politique départementale en faveur de l’autonomie des personnes pour les années 2019-2023. Eclairage.

Au cours des soixante dernières années, les femmes comme les hommes ont gagné 14 années d’espérance de vie en moyenne. Vivre plus longtemps certes, mais l’essentiel n’est-il surtout de vivre mieux ? En Seine-Saint-Denis, département jeune avec une population dynamique, 16 % de ses habitants ont plus de 60 ans, soit près de 260 000 personnes. Par ailleurs, 50 % des 75 ans et plus vivent seuls à domicile et sont en majorité des femmes.
Autant dire que la question de l’autonomie est une question cruciale, d’autant que les inégalités que l’on retrouve dans la sociologie du département majorent les besoins.

Le passage à la retraite et les années qui suivent nécessitent souvent un accompagnement et un soutien des proches, des associations et de la collectivité. C’est dans cet esprit que l’élaboration du Schéma autonomie (2019-2023) doit répondre aux attentes des personnes âgées ou en situation de handicap et de leurs aidants.

« C’est un moment important, souligne Magalie Thibault, vice-présidente en charge de l’autonomie des personnes, car il nous permet de faire le bilan de notre politique publique menée à destination des personnes âgées et des personnes en situation de handicap sur les cinq dernières années, et puis surtout nous projeter sur les cinq prochaines années en développant un nouveau cadre en termes de politique publique. »

Une grande enquête

Le Département a lancé cet été une grande enquête auprès de la population, afin de permettre à chacun d’exprimer son point de vue. Les réponses et les avis exprimés serviront à orienter et enrichir la construction du Schéma autonomie. Plus d’un millier de réponses ont d’ores et déjà été reçues. Elles sont en train d’être analysées. Par ailleurs, parce que le Schéma doit pouvoir faire un état des lieux complet, l’Observatoire départemental a été sollicité afin de remettre à jour les statistiques sur l’ensemble du territoire. Pour compléter le dispositif et se donner le maximum d’éléments pour aboutir au Schéma, dix groupes de réflexion ont été créés afin de travailler sur les politiques publiques communes aux deux populations, personnes âgées et personnes en situation de handicap. L’habitat inclusif, la mobilité, l’accueil dans les bâtiments départementaux et dans les services déconcentrés, l’exercice de la citoyenneté par le sport et la culture, la prévention de la perte d’autonomie, la coordination des acteurs… autant de thèmes traités de manière transversale, par tous les partenaires dont les services départementaux.

Travailler ensemble

Afin d’apporter les meilleures réponses aux besoins de ces personnes, l’ensemble des partenaires avec lesquels l’institution départementale est amenée à travailler, est mobilisé. « Nous devons faire mieux avec les mêmes moyens, poursuit l’élue, en revoyant certaines pratiques et surtout en mettant l’ensemble des acteurs autour de la table pour identifier des solutions partagées. » Services de l’Etat, Education nationale, l’ensemble des associations, les acteurs du champ médico-social et sanitaire, tous ces partenaires collaborent ensemble et coordonnent leurs actions. C’est dans ce cadre qu’a été créé le CDCA (Conseil départemental de la citoyenneté et de l’autonomie) afin qu’aucune politique publique ne soit envisagée sans concerter avec les principaux intéressés, l’ensemble des associations, établissements et représentants d’usagers œuvrant dans ces domaines.
Une fois les grandes orientations dégagées à l’issue de ce long processus de préparation, fin décembre, une grande concertation sera lancée à l’échelle du département. Le Schéma autonomie 2019-2023 devrait être présenté en séance plénière du Conseil départemental en avril 2019.

En chiffres

 1 600 000 : nombre d’habitants en Seine-Saint-Denis
 260 000 : habitants de plus de 60 ans
 17 083 : bénéficiaires de l’APA (allocation personne en perte d’autonomie)
 128 648 : personnes avec au moins un droit ouvert à la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées)

Défi handicap : une réponse pour chacun
 Plus de 110 000 demandes par an en Seine-Saint-Denis à la Maison départementale des personnes handicapées
Objectif : + 1 000 places
 170 millions d’euros : budget départemental consacré chaque année au handicap
 16 millions d’euros supplémentaires consacrés chaque année dans le cadre de Défi handicap

Témoignage d’une aidante familiale
Elodie : « Epuisant et moralement fatigant »

Le 6 octobre dernier, la Journée nationale des aidants mettait en lumière le rôle joué par ces personnes qui au quotidien prennent soin d’un de leurs proches. On estime qu’en France, ils sont au nombre de 11 millions, amis, famille ou proches. Un sur deux de ces aidants familiaux déclare souffrir de stress, d’anxiété ou de surmenage. Témoignage d’Elodie * (48 ans).

« Depuis 2001, je suis aux côtés de mes parents et je les aide.
Cette année-là, j’ai perdu ma maman qui était gravement malade. Six mois après, mon père, – âgé aujourd’hui de 93 ans – est à son tour frappé par la maladie. Oui, ce que je vis est fatigant, épuisant même. On se bat avec les médecins, avec les institutions. Quand on a une activité salariée, ce qui est mon cas, prendre un rendez-vous est une véritable épreuve. Les médecins ont bien sûr leur propre planning et vous imposent des rendez-vous en pleine journée. Alors quand vous travaillez, il faut poser des jours de congé. Depuis quatre ans, la moitié de mes jours de congé sont consacrés à mon père. Quand j’ai eu à m’occuper de ma mère, mon fils avait 3 ans. Durant ses premières années, il m’a fallu courir entre l’école, la maternelle et l’hôpital. Epuisant et moralement fatigant.
Aujourd’hui, le plus dur est la tension psychologique qui pèse. Je vois mon père triste, car malgré tout ce que l’on peut faire pour lui, il ne supporte plus cette situation. Pour lui, sa vie est devenue un fardeau, et il déprime. C’est dur pour une fille d’entendre son père prononcer certains mots…

Le rituel des repas

Mon père est autonome et a toute sa tête, même si parfois il a des crises et ne peut plus se déplacer. Quand il est dépressif, il reste assis toute la journée et attend que ça se passe.
Bien entendu, j’ai engagé depuis longtemps des démarches afin qu’il bénéficie d’aides à domicile. Mais il ne voulait rien entendre et refusait toute aide. Au bout d’un moment, j’ai lâché prise et je lui ai dit : « Papa, tu ne veux pas d’aide, alors débrouille-toi un peu… » Mais quand il fait une chute, c’’est moi qu’il appelle. Je lui ai redis les choses clairement : « Moi, je veux t’aider, accepte cette aide. » Là, nous faisons l’évaluation APA.
Quand il n’est pas en crise, il fait sa toilette tout seul. Mais c’est nous, avec mon mari, qui lui préparons ses repas du midi et du soir. Nous avons organisé un rituel à la maison : le mercredi soir, nous préparons les plats pour la fin de la semaine, et le dimanche ceux du début de la semaine. Il n’a plus qu’à réchauffer et à manger. Tout ce qui est administratif est à ma charge. Comme il en a assez, il se laisse porter et se laisse faire.
Oui, la crainte que j’ai c’est ce coup de fil qui fait peur… »

Propos recueillis par Claude Bardavid

* le prénom a été changé

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