Un parcours santé en collège pour la fin de l’année
Escape game, serious game, interventions de spécialistes de la lutte contre le dopage, contre les addictions, dégustations de petits déj’ « healthy » ... Pendant une semaine, le programme habituel des collégiens de Lucie-Aubrac, à Livry-Gargan, a été bousculé par une exceptionnelle « semaine de la santé » concoctée par leurs profs de SVT. Les connaissances ainsi acquises pourraient bien être évaluées et compter pour le brevet d’ici un ou deux ans.
« A la veille de l’Euro 2021, le nutritionniste de l’équipe des Bleus est hospitalisé, et leurs performances se dégradent dangereusement. Pour gagner, ils ont besoin d’un menu équilibré ! Oserez-vous relever le défi ? Coopérez, cherchez, communiquez ! » Pour cette Semaine de la santé, en partie financée par le Département, les profs de Sciences de la Vie et de la Terre du collège Lucie-Aubrac, à Livry-Gargan n’ont pas fait les choses à moitié... Sur l’écran de la belle salle polyvalente tapissée de moquette rouge, la bande-annonce annonce l’objectif du jeu, puis le compte à rebours se déclenche. La musique à la Game of Thrones met immédiatement sous pression les sixièmes du collège.
A combien de grammes de sel a droit Kylian Mbappé ?
Sans attendre, les têtes plongent dans l’escape game qui leur est proposé. Sur une tablette, chaque énigme leur demande d’apprivoiser l’outil grâce auquel ils pourront décrypter les réponses, et ainsi débloquer les énigmes suivantes. Commence alors une incessante cavalcade entre les affiches de prévention où se trouvent les fameuses infos, des objets indices sur les tables - comme des boîtes de conserves de carotte dont on peut déduire le Nutri-Score en résolvant un labyrinthe - et les tablettes numériques. De-ci, de-là, sont glissées quelques additions ou produits en croix pour déduire des réponses, histoire de ne pas perdre de vue les bienfaits pédagogiques d’un tel dispositif. C’est peu dire que la horde d’enfants se prend au jeu. Comprendre à combien de grammes de viande par semaine a droit Antoine Griezmann, combien de sel a absorbé Kylian Mbappé en mangeant des pizzas et des olives, le nombre de morceaux de sucre contenus dans la tablette de chocolat préférée de Madame Moysan, la principale, devient un sujet de vie ou de mort. Leur arracher la moindre seconde pour une interview serait leur faire offense, et porter la lourde responsabilité de leur défaite.
Rabiha Elman, « la prof de SVT », encourage, aide, ne sait plus où donner de la tête. Entre deux sollicitations, elle nous désigne discrètement un de ses élèves, avec un grand sourire : « Vous voyez, cet élève est en Ulis (Unité localisée pour l’inclusion scolaire, à destination d’élèves ayant un handicap) et là, il est à fond. Les escape games demandent d’échafauder des stratégies. A cet exercice, les moins scolaires font souvent les meilleurs temps, et les premiers de la classe se retrouvent à leur tour en difficulté. » « On est trop forts, c’est notre 6e réponse », hurle l’élève en question, surexcité par les alarmes qui, pour marquer le temps qui file, ponctuent régulièrement les flonflons de la musique d’ambiance.
Un serious game sur la vaccination et les fake news
Codes, mots fléchés, rébus, tout est bon pour passer de questions en questions. Les yeux sont rivés tantôt sur le chrono au mur, tantôt sur les calculettes. Bientôt, l’heure sonne et avec elle, la fin de l’escape game. On se regroupe devant le tableau indiquant les temps des autres classes. Les mines sont un peu déçues, car aucun groupe n’est parvenu à « ouvrir le coffre », et ainsi trouver le lot tant convoité : un maillot de l’équipe de France. On se console en se disant qu’on aura quand même appris qu’arrêter de fumer pendant un an permet de repousser l’infarctus du myocarde. « Je déteste perdre », râle Chloé. Une migration vers la cour suffit à essuyer la petite humiliation. En groupe, les bilans des uns et des autres fusent : « On a appris qu’il fallait faire 420 minutes de sport par semaine ! », « ce que c’est que le calcium ! », « Il faut qu’on compte ce qu’il y a dans les aliments, sinon on peut avoir des maladies », « Il faut faire du sport », répondent les élèves tous en même temps.
« On ne peut pas rivaliser avec les Anges de la télé-réalité, on n’a pas le choix, il faut qu’on rende les sciences ludiques », plaisante de son côté Rabiha Elman. D’où, par exemple, le « serious game » -un jeu vidéo sérieux- proposé aux troisièmes autour de la vaccination et des fake news. L’homéopathie est-elle efficace ? Les vaccins contiennent-ils de l’aluminium ? Le groupe d’Ugo, Martin et Tyrone, grands habitués de jeux vidéos, navigue d’expérience en expérience et tire ses propres conclusions. Là encore, Madame Elman et Monsieur Berthilier, les deux professeur·e·s de SVT du collège se sont impliqué·e·s, en imprimant et plastifiant eux-mêmes les cartes du jeu. Mais tout au long de la semaine, les emplois du temps des quatre niveaux du collège ont fait place à des dégustations de petits déjeuners équilibrés, d’interventions des médecins des centres municipaux de santé voisins autour du tabagisme, de topos de l’Agence de lutte contre le dopage ou de l’association e-Enfance contre l’addiction aux écrans, des séances de théâtre-forum etc. Une variété d’activités permise notamment par le soutien financier du Département.
Une Semaine bientôt rituelle
Le programme est d’autant plus riche que les deux professeur·e·s ont eu deux ans pour le mettre au point, après sa suppression, l’année dernière, à cause du Covid. « Grâce à l’espace de travail numérique, on avait sondé les élèves sur les problèmes auxquels ils se heurtaient en termes de nutrition, de sommeil, de santé mentale, d’addictions... et on a adapté notre semaine de la santé à leurs besoins », explique Rabiha Elman. Son collègue Thomas Berthilier imagine déjà transformer cette semaine en un « rituel ». « A l’issue de cette semaine, les élèves recevront un questionnaire en ligne pour l’évaluer », explique le jeune professeur, qui espère aussi enrichir le parcours pour les prochaines éditions. « Par exemple, nous avons fait une demande pour que les professeurs soient eux-mêmes formés à délivrer des heures d’éducation à la sexualité et être moins dépendants de l’intervention d’associations », poursuit-il.
« Ces parcours permettent de sortir, d’une certaine manière, du cadre scolaire, de parler à des élèves de ce qui les touche dans la vie quotidienne. Evoquer la chicha, le tabac, ça mobilise l’attention de ceux qu’on a d’habitude du mal à accrocher. On aimerait ainsi leur démontrer que le collège les concerne, qu’ils y ont leur place, qu’on se préoccupe de leur sort. Les intervenants induisent une autre relation, ont une autre légitimité que nous, les professeurs, pour parler de sujets sensibles », conclut Thomas Berthilier. Les professeur·e·s développent aussi cette Semaine avec l’espoir, à terme, de pouvoir proposer à leurs élèves un « Parcours éducatif santé », au même titre que les parcours « Art et Culture », « Citoyenneté » ou « Avenir », sur lesquels ils pourront être évalués dans le cadre du diplôme national du brevet.
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